Fusillades, écoles et fuites d’eau : les dossiers chauds du conseil municipal de Marseille

Décryptage
le 5 Mai 2023
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Rarement hermétique aux fracas de la ville, l'hémicycle réagira ce vendredi au rythme cadencé des assassinats. Après une précédente séance marquée par la "concorde" autour du drame de Tivoli, les débats promettent cette fois-ci d'être nourris.

Le conseil municipal de Marseille. (Photo : Emilio Guzman)
Le conseil municipal de Marseille. (Photo : Emilio Guzman)

Le conseil municipal de Marseille. (Photo : Emilio Guzman)

Le mot d’ordre est partagé entre la majorité municipale et ses oppositions. “La politique reprend ses droits.” Après une séance placée sous le signe du deuil des disparus de la rue de Tivoli, les débats vont à nouveau résonner dans l’hémicycle municipal. Mais, si les élus vont rompre le mutisme sur lequel ils s’étaient accordés, un autre sujet, lui aussi lourd, vient bousculer l’ordre du jour et donner le ton. En avril, Marseille a connu six homicides et de multiples fusillades. Le 3 mai, encore, un homme de 30 ans tombait sous les balles à Château-Gombert.

“Face à cette situation paroxystique, nous attendions du maire qu’il ajoute un rapport sur la sécurité”, souligne la porte-parole du groupe de Martine Vassal, Catherine Pila. Souhait exaucé avec la remise d’un rapport, ce jeudi en fin de journée. Il rejoint donc in extremis notre sélection de dossiers qui méritent d’être signalés parmi les 78 délibérations qui constituent l’ordre du jour.

Du narcotrafic international à la police municipale

On aurait pu attendre une déclaration liminaire, posant des principes, une vision et peut-être une politique. De fait, nous n’en sommes pas loin, même si le texte a été remis aux élus sous forme de projet de délibération. “La Ville de Marseille connaît depuis trop longtemps des cycles de violence dans ses quartiers populaires, principalement au Nord, dans lesquels depuis des décennies sévissent des réseaux internationaux de narcotrafic. La récente accélération des règlements de compte (sic) entraîne avec elle des drames humaines qu’aucune collectivité, aucune puissance publique ne peut accepter. Elle implique au contraire une réponse à la hauteur de l’enjeu au plan local, national et international”, pose-t-elle en introduction.

S’ensuit un inventaire des évolutions récentes en lien avec la police municipale, sans que le lien soit précisément établi avec ce qui précède. La décision principale soumise au vote, elle, concerne le doublement des effectifs de la brigade de nuit, après un premier doublement annoncé en 2022, soit un passage programmé de 30 à 120 agents. Les missions, elles, restent à préciser. En parallèle, la Ville engage “un travail de sectorisation” pour “un maillage territorial plus fin”, notamment dans le Nord avec une “nouvelle base de police municipale” dans les 13/14. De quoi offrir le “vrai débat sur la sécurité” promis par Joël Canicave, président du groupe Printemps marseillais, y compris au sein d’une majorité composite.

Vers un fonds d’indemnisation pour les riverains de Tivoli

Le sujet qui a chamboulé la séance du 14 avril, par le report d’une grande part des rapports et l’absence de débats politiques, se retrouve cette fois-ci dans l’ordre du jour. Le rapport numéro 2 rappelle, en quelque sorte, que les services municipaux ont déjà fait le plus gros après l’effondrement meurtrier du 17, rue de Tivoli, avec “la mobilisation de centaines d’agents de la Ville”, souvent hors de tout cadre horaire habituel. Un mécanisme de récupération est donc prévu. Après l’urgence du relogement, le rapport numéro un s’attaque “aux difficultés que pourraient rencontrer les personnes évacuées du secteur
Tivoli dans leurs relations à leurs compagnies d’assurances ainsi que pour celles qui ont souscrit des contrats de prêt, immobiliers notamment, et les contrats d’assurance qui les accompagnent”.

La Ville a demandé à l’État “la mise en place d’un fonds d’avance des indemnisations des préjudices des sinistrés” et se propose de participer aux négociations pour un accord “entre l’ensemble des personnes morales concernées par l’indemnisation des victimes (compagnies d’assurance, experts, entreprises et leurs assureurs, syndics notamment)”.

Une nouvelle adjointe en remplacement d’Olivia Fortin

L’usage en vigueur sous Jean-Claude Gaudin a été repris depuis 2020 : les responsabilités de maire de secteur ne sont pas cumulables avec celles d’adjoint au maire. Nouvelle maire des 6/8 à la suite de la démission de Pierre Benarroche, Olivia Fortin libère donc une place dans l’exécutif. Parité oblige, c’est une conseillère municipale déléguée qui sera promue, après un vote dans l’isoloir. Mais pas forcément pour les mêmes missions de transformation de l’administration municipale…

“Les délégations ne sont pas du ressort du conseil municipal, c’est le maire qui les fixe”, pose Joël Canicave. Cela vaut pour Olivia Fortin, qui espérait “garder un pied à la mairie centrale” et peut encore se voir confier une délégation, à l’image de la maire des 1/7 Sophie Camard. Ce moment symbolique sera-t-il l’occasion pour l’opposition d’interroger les conditions de nomination de Pierre Benarroche ? “Nous en parlerons en conseil des 6/8, assure Cathy Pila. Au conseil municipal, nous interrogerons plus le sens de cette élection d’Olivia Fortin“. Son placement en fin d’ordre du jour ne devrait pas y contribuer.

Faille temporelle dans le budget

Pas très loin de la fin de l’ordre du jour, la séance propose une curiosité, sous la forme d’un voyage dans le temps : l’exécutif présentera ses orientations budgétaires pour l’année… 2022. Un exercice de futur dans le passé nécessité par l’annulation par le tribunal administratif de l’ensemble de la procédure budgétaire 2022 et de l’augmentation de 14 % du taux de la taxe foncière qui l’accompagnait. La justice a estimé que le rapport présenté en février 2022ne comportait pas tous les éléments d’information requis par la loi et le règlement destinés à éclairer les élus sur le vote du budget”. Qu’à cela ne tienne, la mesure fiscale est désormais bien détaillée et le rapport est enrichi d’éléments sur le personnel et les investissements prévus.

Mais le contrecoup principal du jugement du tribunal administratif est encore à venir, avec un vote rétroactif sur le taux de taxe foncière, annoncé pour une prochaine séance. Pour la Ville, il ne s’agit que d’une régularisation de forme, rien n’ayant été jugé illégal sur le fond. À l’origine du recours, avec un collectif de propriétaires, Pierre Robin s’offre une tribune avec cette victoire et pourra défendre l’importance de la procédure pour “le consentement à l’impôt”.

Du rab pour les écoles

Vous reprendrez bien un peu de plan écoles ? Après le vote en février 2023 d’un contrat à 1,57 milliard d’euros pour la rénovation ou la construction de 188 écoles, la Ville pose un premier cadre pour les quelque 300 autres. Une “première tranche triennale” 2023-2025 de 90 millions d’euros est proposée, avec une enveloppe globale de 400 millions sur dix ans. S’il était concrétisé, cet engagement garantirait que ces établissements non concernés par une opération d’ampleur bénéficient d’un investissement supérieur à celui de l’ère Gaudin.

Alors que le premier plan sera piloté par la société publique des écoles marseillaises (SPDEM), la Ville gardera la main sur ce second volet. Au menu, on retrouve des thèmes récurrents comme “des problématiques de fuites, de nuisibles, de matériaux dangereux non éliminés” et “l’adaptation du patrimoine municipal aux conditions climatiques, en créant des espaces de fraîcheur par le retrait du béton des cours d’école, l’installation de pergolas et préaux, des systèmes de ventilation efficaces, mais aussi par des travaux de menuiserie et de chauffage pour un meilleur confort pendant la saison hivernale”. Il est aussi question de s’adapter aux “nouveaux usages pédagogiques, par la création de classes dédoublées et d’espaces polyvalents”. Quelles seront les 188 écoles, quelles seront les 300 ? La seule certitude est que “toutes les écoles seront concernées”. Simple, basique.

Un parc bastidaire dans le 15e

Un terrain voisin du parc Varella, à proximité de l’école des Borels et d’un plateau sportif : l’occasion était trop belle. En décembre 2020, la Ville a stoppé la vente du domaine de l’Annonciade (15e) au promoteur Kaufman & Broad, avec l’objectif d’y créer un parc public. Après deux ans et deux ateliers de concertation en décembre 2022 et janvier 2023, le conseil municipal est appelé à valider un budget d’1,5 million d’euros, qui s’ajoute aux 667 000 euros d’acquisition.

Au nord des Aygalades, le projet vise à mettre en valeur son identité d’ancienne campagne marseillaise : “En point haut, intégrée dans un corps de bâtiment, la maison de maître domine un terrain en pente d’1,8 hectare, aménagé avec murets paysagers, jardinières, restanques, alignements d’oliviers, tonnelles, allées maçonnées, ainsi qu’une forêt âgée de plus de cent ans”. L’ouverture est pressentie pour 2025 après un an de travaux.

Coûteuses fuites

Deux rapports, deux histoires différentes, mais un même coûteux problème de fuites. Le premier concerne le lac du parc du XXVIe centenaire, qui comme son nom l’indique, au prix d’un peu de calcul mental, date du début des années 2000. Comme l’avait raconté Marsactu dès 2014, le “lac” de 2650 m2 – la Ville assume les guillemets – a vite montré des signes de défaut d’étanchéité. Couche d’argile “irrégulière”, dit le rapport soumis au vote ce 5 mai. L’addition prévisionnelle est salée : 980 000 euros, bien au-delà des sommes prévues à l’origine, lorsque la Ville ferraillait avec les expertises pour tenter de la faire supporter aux entreprises chargées de l’aménagement.

Le deuxième bassin fautif est plus modeste, mais pas moins coûteux, il s’agit de celui de la fontaine Cantini, monument de marbre du début du XXe siècle trônant au cœur de la place Castellane. Depuis dix ans, elle est hors d’eau après des infiltrations constatées dans le métro. Alors que la métropole a entamé la rénovation de la place dans le cadre de l’extension du tramway, la Ville a trouvé pertinent de sortir le dossier des cartons “afin d’inscrire ces travaux dans le planning opérationnel permettant d’optimiser les interventions des services de deux collectivités”. Coût prévisionnel : 685 000 euros, contre 500 000 il y a dix ans.

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Commentaires

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  1. Andre Andre

    J’ai souvent pointé dans mes commentaires l’absence d’ambition de cette municipalité en matière d’espace verts.
    Je ne peux donc que me réjouir de l’extension du parc Varella aux Aygalades.
    C’est un début, il faut continuer.
    Mais l’aménagement ne fera pas tout, il faudra aussi le gérer, le gardienner…. Un sujet à prendre à bras le corps vue la situation sur toute la ville.

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