Ouverture dominicale des commerces dans les quartiers Sud : même les patrons sont contre

Actualité
le 28 Fév 2018
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Lors d'une conférence de presse, des organisations syndicales et patronales demandent au préfet de surseoir à la demande de la la Ville d'étendre la zone touristique aux quartiers sud de la ville.

Canebière
Canebière

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Représentants de salariés ou de patrons, petits ou grands, ils l’ont mauvaise. Au point de se réunir derrière la même table au sein de l’union départementale de Force ouvrière. “Et c’est un moment historique !”, souligne Alain Gargani de la confédération des PME (CPME). FO, CFDT et CFE-CGC, côté salariés, UPE 13, CPME et U2P, côté patronal, ont signé ce mardi un courrier commun au préfet de région pour lui demander de surseoir pour au moins deux ans à la demande de la Ville d’étendre la zone touristique internationale du centre-ville actuelle aux quartiers sud dans leur quasi-intégralité. Ils demandent également une entrevue sur ce thème à Jean-Claude Gaudin.

Qu’on ne s’y méprenne pas, peu d’entre eux sont opposés à l’ouverture dominicale à laquelle donne droit la zone touristique ainsi étendue. “Cela va dans le sens de l’histoire, mais cela passe par une concertation des partenaires sociaux et institutionnels pour installer un cercle vertueux. Là, nous avons appris cette extension le jour même du conseil municipal. Agir de manière si précipité, c’est de l’ordre de l’aberration”, tacle Johan Bencivenga, président de l’UPE 13.

Si les représentants des syndicats de salariés et de patrons l’ont saumâtre, c’est qu’ils ont signé un accord en juillet dernier avec la Ville et la métropole dans le but de relancer l’ouverture dominicale en centre-ville, dans le cadre de l’ancienne zone touristique. “Le but était de prendre des mesures concrètes : en permettant aux clients d’avoir deux heures de parking gratuit le dimanche, en améliorant la desserte de la RTM, en créant plus de zones piétonnes, reprend Alain Gargani de la CPME. Aujourd’hui, ces conditions ne sont pas réunies et on annonce une extension sans même nous consulter.”

Du cœur au cor au pied

Pour l’UPE 13, Johan Bencivenga y va de sa métaphore médicale : “c’est comme si on avait un malade en arrêt cardiaque et qu’on l’opère d’un cor au pied”. Pour parfaire la comparaison : le cœur, c’est le centre-ville et le cor, l’extension au Sud et plus particulièrement le centre commercial du Prado. “Nous savons qu’il y a eu plusieurs rendez-vous entre les responsables de ce centre et les grands élus municipaux pour évoquer l’ouverture le dimanche du centre”, croit savoir Jacques Biancotto responsable commerces pour la CFE-CGC au plan national.

Du côté de la Ville, Solange Biaggi ne craint pas de dérouler “le tapis rouge à des gens qui investissent 750 millions d’euros à Marseille. Les gens du Prado veulent ouvrir 18 dimanches par an, c’est six de plus que les 12 dimanches auxquels ils ont droit. Moi, je suis une libérale. Je n’oppose pas les gens mais je donne les mêmes chances à tout le monde.”

Quant au défaut de concertation, la réponse est toute trouvée : “La concertation commence maintenant. Le préfet a trois mois pour entériner ou pas la nouvelle zone touristique internationale”.

“Affluence exceptionnelle de touristes internationaux”

Sur ce point, Jacques Biancotto rappelle les principes de la loi Macron qui encadre la création d’une zone touristique internationale : “Celle-ci prend appui sur une affluence exceptionnelle de touristes internationaux. Elle est définie et créée par un arrêté du gouvernement après consultation de la mairie de la ville concernée et des partenaires syndicaux”. Or, en l’occurrence, il estime que la Ville n’a pas respecté une partie de la loi : “le tribunal administratif a cassé la zone touristique internationale dite des Olympiades à Paris parce qu’il a estimé l’afflux touristique n’était pas démontré”. Une manière de dire que si le préfet passait outre leur appel à surseoir, l’arrêté portant création d’une zone aussi vaste pourrait être tout aussi attaquable. Si l’afflux de touristes étrangers est réel autour du stade Vélodrome, il est moins évident à Mazargues, à la Pointe-Rouge ou à Bonneveine.

De ce concert de critiques, l’élue au commerce ne regrette que la position de l’UPE 13 dont elle “s’étonne”. “D’habitude, ils sont plutôt pour donner plus de libertés aux commerces”, souligne-t-elle en rappelant au passage que “la chambre de commerce était informée dès juillet de notre volonté d’élargir la zone touristique”.

Le président de la CCI-MP, Jean-Luc Chauvin, élu sur la liste présentée par l’UPE 13 a démenti l’adjointe dans un communiqué rédigé avec la présidente de la chambre des métiers Monique Cassar précisant qu’“aucune information préalable” n’avait eu lieu. Alors qu’ils ne s’étaient pas exprimés sur le sujet depuis quinze jours, tous deux ont à leur tour affirmé leur opposition : “ Trop vite, trop fort, monsieur le Maire”, dénoncent-ils, demandant que la priorité soit accordée à “la dynamisation du centre-ville”. Auparavant, seule la vice-présidente de la CCI, Nicole Richard-Verspieren (CPME) était montée très clairement au créneau [lire notre article].

La CCI-MP comptait parmi les signataires avec la Chambre des métiers et de l’artisanat, la métropole et la Ville dans l’accord de juillet 2017 qui visait à mettre les conditions d’ouverture dominicale en conformité avec la loi Macron.

Ouverture en peau de chagrin

Présentée comme historique, l’union des syndicats est en fait déjà ancienne. Déjà, en décembre 2011 puis en 2013, une partie de ces organisations scellaient un accord salariés/patrons pour offrir des contreparties salariales à l’ouverture des commerces le dimanche dans la zone touristique entérinée le 27 janvier 2012. Il était question alors de faire du centre-ville “un centre commercial à ciel ouvert”, selon l’expression de Jean-Luc Blanc, vice-président de la CCI d’alors. Quelques mois plus tard, ils étaient 137 à ouvrir le premier dimanche de septembre. Deux ans plus tard, en mai 2014, ils sont même 455 à ouvrir le dimanche selon la chambre de commerce. Une augmentation à relativiser puisqu’à l’époque il fallait retrancher les 190 commerces des Terrasses du port et les 50 du centre-Bourse [lire notre article].

Depuis ce dernier a fermé le dimanche, les galeries Lafayette ouvriront au Prado et les rues du centre-ville affichent rideaux baissés. “95% des commerces du centre-ville n’ont pas réuni les conditions pour ouvrir le dimanche”, assène Alain Gargani. Un pourcentage qu’il citait en 2014 pour dire que 95% des commerçants y étaient opposés. Depuis, plus aucune statistique ne circule sur le nombre réel de commerces ouverts en centre-ville le dimanche, hors Terrasses du port.

“Ils ont les moyens de le faire, constate Solange Biaggi. C’est une question de choix.” Tout comme le nombre alarmant de locaux commerciaux vacants en centre-ville : “Depuis 2001, que je suis au commerce, c’est comme ça, ça ouvre et ça ferme. Ça mute, c’est comme ça”. Dans l’hyper-centre, le taux de vacances culmine à 15%, un signe de déclin pour les spécialistes du commerce.

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Commentaires

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  1. corsaire vert corsaire vert

    Marrant la photo ! c’est le bas de la Rue de la République où il n’y a aucun commerce !

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    • corsaire vert corsaire vert

      Je me suis trompée c’est la Caneb ! excuses …

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  2. corsaire vert corsaire vert

    Je suis quand même étonnée de voir la CFDT- FO dans cette contestation ! eux qui ont été si prompt à signer les accords sur les ouvertures dominicales en centre ville !
    Ces syndicats de défense des travailleurs( en principe) sont ils” infiltrés” par les bourges des quartiers sud ?

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    • Tarama Tarama

      Là c’est surtout un lobbying des terrasses du port et compagnie.

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  3. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    Pourquoi les Terrasses du port auraient-elles le monopole de l’ouverture du dimanche ? N’y aurait-il pas là une atteinte au principe de la concurrence « libre “et “non faussée » si chère à la majorité municipale. Attention Bruxelles risque de faire les gros yeux !

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  4. reuze reuze

    Magnifique Solange Biaggi, qui rappelle sans détour qu’elle est élue déléguée au commerce depuis 2001 alors que le taux de vacance des commerces dans le centre-ville n’a cessé de se dégrader.
    Quel bilan, quelle crédibilité!
    Solange est magique…

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Madame Biaggi fait en effet partie des meilleurs de cette équipe municipale de plus en plus clownesque : il doit y avoir un concours interne mais, pour l’instant, c’est toujours Miron qui gagne (d’une courte tête : Biaggi se rapproche dangereusement).

      Le diagnostic qu’elle fait de l’état du commerce au centre-ville (“c’est comme ça, ça ouvre et ça ferme”, alors qu’en réalité, ça ferme plus que ça n’ouvre…) est du même niveau que sa réponse historique lorsqu’on lui faisait remarquer la vacance des locaux commerciaux rue de la République, peut-être due à des loyers trop élevés : “c’est la loi du marché” ! (https://marsactu.fr/rue-de-la-republique-les-commerces-restent-en-carton/) Loi du marché qui, rappelons-le, voudrait que les prix baissent quand il n’y a pas de demande…

      Bref, Madame Biaggi n’a pas tout compris, et tient à ce que ça se sache.

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  5. petitvelo petitvelo

    Belle illustration de la méthode municipale: un accord avec un “gros” maquillé en mesure “d’intérêt général”, avec la majorité des concernés qui se fâchent à raison. Eux travaillent en globalité, pour un développement solide et pérenne.

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  6. Electrice marseillaise Electrice marseillaise

    Attention, Yves Moraine a dit que Mazargues allait être une zone touristique aussi avec un afflux de visiteurs pour la maison natale de Gaudin

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