Forum mondial de l'eau : le parc Chanot en ébullition

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le 12 Mar 2012
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Forum mondial de l'eau : le parc Chanot en ébullition
Forum mondial de l'eau : le parc Chanot en ébullition

Forum mondial de l'eau : le parc Chanot en ébullition

Métro rond-point du Prado, ce lundi matin à quelques poignées de minutes de l'ouverture du Forum mondial de l'eau, qui se tiendra toute la semaine au parc Chanot. La sortie Chanot, justement, de la station est barrée par trois vigiles, qui plantent devant un rideau baissé. Et en sortant par le boulevard Michelet, les voyageurs de la RTM se retrouvent encadrés par une troupe de CRS.

– "Je suppose que vous êtes un Indigné", lance l'un d'eux en bloquant le passage à votre serviteur.

"Euh, non je suis journaliste"

– "Je peux voir votre badge ? OK. Vous devriez le porter au cou…"

– "On est dans la rue quand même…"

– "Sortez-le, c'est mieux"

Merci du conseil. Vient ensuite un deuxième rideau, pour rentrer via le boulevard Rabatau dans l'enceinte du parc proprement dite. Puis, à l'intérieur du hall C, passage par les portiques de sécurité. De quoi permettre au préfet de police Alain Gardère, croisé dans la matinée, de souffler : pas trop de risque de dérapage pendant la grand messe de l'eau…

Echec au dernier sas

Ouf, à l'heure pour la cérémonie d'ouverture. Problème : pour rentrer dans le saint des saints, le hall Europe, le badge ne suffit pas. Il faut un "sur-badge" (sic). "On est des journalistes, pas des terroristes", s'énerve un confrère indépendant. "On a 200 places pour 1000 journalistes", justifie l'attachée de presse du Forum, qui a appris la mesure la nuit précédente. Bilan : seules les télés pourront rentrer, les autres devront suivre depuis l'écran de l'auditorium. "Ca veut dire que vous faites de la discrimination", bout notre voisin. Vidéo ou pas, Marsactu n'est pas non plus prévu pour le hall Europe.

Pour se consoler, on notera que le PDG de Shell n'aura pas de traitement de faveur. Lui qui souhaite accéder directement à la salle, où il ouvrait la session de l'après-midi, devra patienter comme tout le monde. "So I just go home ?", s'exclame-t-il. Et il y en a encore qui disent que le Forum mondial est à la solde des multinationales…

Direction donc l'auditorium, pour prendre en route la chorale d'enfants chantant Porte l'eau, le thème signé par Eric Benzi pour le Forum. Ambiance We are the world. "Et maintenant quelque chose de complètement différent", enchaîne le Monsieur Loyal de la journée (un fan des Monty Pythons ?), pour lancer un reportage de Bernard de La Villardière.

Gaudin le "visionnaire"

Et maintenant quelque chose de complètement différent, pour reprendre le gimmick : place au discours d'inauguration du maire UMP de Marseille Jean-Claude Gaudin, qui se félicite que Marseille ait été choisie pour accueillir l'événement, après l'installation en 1996 du siège Conseil mondial de l'eau (CME), une "reconnaissance" pour la ville. Marseille qui prendra, glisse-t-il, "trois engagements", sur "la réduction des consommations d'eau", les "rejets d'eaux usées en mer" et "la protection des biens et personnes contre les inondations".

Lui succède à la tribune Benedito Braga, président du comité d'organisation du forum, qui salue le maire comme "visionnaire". Même en n'étant pas dans la salle, on peut deviner le large sourire de Jean-Claude Gaudin à ces mots… Vient ensuite le tour de Loïc Fauchon, président du CME (mais aussi de la Société des Eaux de Marseille) qui lance que "les victimes sont toujours les mêmes, les plus pauvres, qui sont privés d'abord d'eau et d'assainissement mais aussi souvent de parole". C'est parti pour la séquence émotion :

Derrière ces paroles dignes et lucides en dépit de la mise en scène, Loïc Fauchon rattaque et évoque implicitement les critiques – ce sera la seule fois cette matinée – du FME, qui organisent à Marseille leur alter-forum : "La cause de l'eau n'appartient à personne. A ceux qui sont au dehors, je dis entrez, parlez, mais écoutez". Pour l'instant, on écoute François Fillon, appelé à remplacer la défection de dernière semaine de Nicolas Sarkozy. Une absence qui se notait en creux pendant la cérémonie : Ban Ki-Moon saluant par la suite "le président de la République" dans son message enregistré et le "chef de gouvernement" du Maroc remettant un peu plus tard le prix… du Roi du Maroc Hassan II, qui a annulé tout comme d'autres chefs d'Etat dans la foulée de Sarkozy. (n'oubliez pas  de lire la suite en cliquant à droite…)

"On ne voulait pas donner le flanc à la critique et éviter le mélange des genres", justifiait à Marsactu l'adjointe à la mairie de Marseille Martine Vassal, membre du comité d'organisation du Forum. Au vu du discours du Premier ministre, mieux valait effectivement qu'il ne soit pas vu comme celui du candidat UMP à la présidentielle. "Nous avons besoin d'une véritable gestion durable de l'eau", a-t-il proclamé, citant en exemple le Grenelle de l'environnement.

Alors sans surprise il a mis en avant "l'innovation et les technologies vertes", avec les deux pôles de compétitivité labellisés en 2011 réunissant labos de recherches et entreprises. Pour ceux qui n'auraient pas compris : "il existe en France un modèle original et efficace de gestion de l'eau (…) qui est basé sur une organisation à la fois en régie et par délégation de service public, un modèle qui favorise nos champions industriels qui sont parmi les meilleurs au monde et qui favorise l'agriculture raisonnée".

Traduction : beaucoup plus de délégations de service public (la gestion confiée au privé par les collectivités) qu'ailleurs dans le monde (70% de la population pour l'eau) au service de Veolia, Suez et la Saur. Et côté agriculture la reprise de la vision initiée par les producteurs d'engrais et de pesticides pour désamorcer une remise en cause plus profonde du modèle agricole.

Fillon ressuscite le Grenelle

Mais après ce positionnement classique donc, le Premier ministre a livré une longue conclusion qui n'aurait pas juré dans la bouche d'Eva Joly. "C'est au fond une nouvelle révolution industrielle qui est devant nous. La première était liée à la conquête du monde, son exploitation et sa domination par quelques puissances occidentales. Cette nouvelle révolution industrielle aura pour enjeu la préservation de la planète, le bien-être des populations et l'équité entre les nations".

Tout un programme, mais avancé par quelqu'un-qui-n'est-pas-candidat en avril/mai. Et qui a enfoncé le clou : "la question de l'eau montre que nous devons évoluer vers un nouveau modèle de développement. Le modèle hérité de la révolution industrielle montre ici ses limites. La boussole de ce modèle, le Produit intérieur brut, ne montre plus la bonne direction car elle ignore le coût de la pollution, la question du développement social." Ça nous change des derniers thèmes brassés par l'UMP en campagne…

Les limites du FME

Dans son autre grand développement, François Fillon a appelé à la mise en place d'une "gouvernance mondiale de l'eau", via la création d'une organisation mondiale de l'environnement, cheval de bataille de longue date de la France dans le cadre des négociations climatiques. L'OME pourrait permettre de traiter aux côtés du climat la question de l'eau, des financements internationaux et des relations avec les thèmes liés de l'énergie et la nourriture.

Loïc Fauchon lui-même, qui est pourtant la cheville ouvrière de longue date du CME, a plaidé pour l'intégration de l'eau dans les débats du Sommet sur le développement durable Rio+20, qui se tiendra en juin, et la signature "d'un ou plusieurs traités internationaux" sur le sujet. Signe que, même si les organisateurs du FME avancent souvent en réponse aux critiques des alter la participation d'instances et de personnalités onusiennes, celui-ci n'en est pas une et montre là ses limites.

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Commentaires

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  1. kerozene kerozene

    Il y a de belles associations representees. Allez decouvrir sur internet «1001 fontaines» qui implante des solutions d’eau potable dans les campagnes des pays du Sud. Je reviens du Cambodge et ai ete epate par l’efficacite des microrealisations de cette association la bas.en plus c’est replicable.

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