Au procès de la fuite de pétrole à Fos, l’industriel s’est déjà arrangé avec les victimes

Actualité
le 4 Oct 2017
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Jugé pour pollution par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence après une fuite de pétrole en 2016, Fluxel, l'opérateur principal du port de Fos, se retrouve face à beaucoup moins de parties civiles que prévu. Des accords "à l'amiable" ont été conclus entre des conchyliculteurs et l'industriel avant la case justice.

Fos-sur-mer.
Fos-sur-mer.

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Ils étaient au départ treize conchyliculteurs de Carteau, à Port-Saint-Louis-du-Rhône, à se porter partie civile. Pourtant, ce mardi, aucun de ces éleveurs de moules n’est présent au tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, qui doit juger l’affaire dans laquelle Fluxel, principal opérateur du port de Fos et spécialisé dans l’import-export de pétrole, est jugé pour “rejet en mer ou eau salée de substance nuisible pour le maintien ou la consommation de la faune ou de la flore.”

En effet, en janvier 2016, quelques 200 litres de pétrole se sont déversés depuis un équipement de la société, entraînant une pollution importante, suivie d’un arrêté préfectoral interdisant la récolte et la commercialisation des coquillage de Carteau. Les marins-pompiers étaient intervenus pour contenir une nappe d’hydrocarbure de plus de 1000 mètres carrés et des barrages anti-pollution avaient dû être mis en place.

Accord à l’amiable

“L’arrêté a couru sur deux semaines. Pour moi cela représentait une perte de 10 000 euros”, se souvient Joël Graindepice. Mais ce pêcheur, à son compte depuis 27 ans, comme ses douze collègues, a décidé de se retirer de ce procès. “L’industriel nous a proposé de tous nous indemniser, à hauteur de 50 % de nos pertes, explique le conchyliculteur. Nous avons tous accepté. La machine judiciaire peut être très longue. Là, nous avions la garantie de bénéficier de cette somme tout de suite.”

Les conchyliculteurs ne sont pas les seuls à avoir changé de stratégie dans cette affaire. Au départ répertoriée comme victime, l’Etat, via la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) qui a lancé la procédure judiciaire, se présente finalement à l’audience aux côtés de l’industriel, littéralement.

Jean-François Boyer, le directeur régional adjoint de l’institution, témoigne derrière la barre aux côtés de Michel Perronet, le patron de Fluxel, des solutions proposées par ce dernier en les qualifiant de “bien au-delà des recommandations“. Jean-Michel Boyer explique ainsi avoir constaté en février 2017 lors d’une inspection la mise en place d’un double vannage, d’un nouveau système de détection de pression et d’un doublage de l’alarme censés éviter qu’une nouvelle fuite ne se produise, même si dans ce milieu le “risque zéro n’existe pas”, ajoute-il.

Défaillance humaine

Ces travaux ont coûté près de 650 000 euros selon le dirigeant de Fluxel. Michel Perronet précise par ailleurs que blâmes et sanctions disciplinaires ont été entreprises à l’encontre de quatre de ses employés. Car si la fuite provient d’un défaut d’étanchéité, elle aurait pu être évitée grâce au système d’alarme déjà en place, qui, selon une enquête de la gendarmerie, a bel et bien sonné pour signaler la présence d’hydrocarbure dans un bras censé être “au repos”. Un signalement qui se serait déclenché vers 11 heures du matin mais n’aurait été pris en compte qu’à 22 heures.

Pour le procureur de la République, la pollution est forcément considérée comme volontaire de la part de l’industriel au regard du code de l’environnement. Pour Éric Morain, l’avocat de la défense, plusieurs jurisprudences indiquent que la distinction peut se faire, et qu’en l’occurence, son client peut être considéré comme pollueur involontaire. “On ne peut pas juger de l’aléa des risques”, plaide-t-il.

Un premier incident 8 mois plus tôt

Seules partie civiles encore sur la liste, deux représentantes des associations France nature environnement PACA et France nature environnement des Bouches-du-Rhône se présentent à la barre, sans l’aide d’un avocat. Outre leur demande d’un préjudice moral de respectivement 1000 et 6000 euros, les militantes pointent du doigt “la négligence du principal opérateur du port du Fos qui est pourtant pleinement conscient de la vétusteté de ses installations.” Rappelant au passage l’incident similaire qui s’était produit en 2015.

Un incident sur lequel le procureur s’appuie largement pour son réquisitoire : “Il s’agit d’une activité qui devrait être hyper encadrée, où le risque humain et environnemental est considérable. Le précédent accident avait engendré une enquête de la Dreal mais pas de procédures. Cette fois-ci, il y a des poursuites et une nécessité de rappeler que des dommages ont été causés à des tiers et des associations, même si les conchyliculteurs se sont désistés”, argumente-t-il en demandant 20 000 euros d’amende ainsi qu’une peine d’emprisonnement avec sursis. Mais ce mardi, le banc des parties civiles est bien vide et l’avocat de la défense ne manque pas de le faire remarquer. Mis en délibéré, le jugement sera rendu le 7 novembre prochain.

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Commentaires

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  1. corsaire vert corsaire vert

    Payer pour le droit de polluer ..c’est parfaitement légal .
    J’achèterai mes coquillages ailleurs …

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  2. Voyageur Voyageur

    Police partout, justice nulle part ?

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