Fête de la Musique : Degel Prod se défend de tout profit

Fête de la Musique : Degel Prod se défend de tout profit

Faisons un peu de politique fiction : fête de la Musique 2013, toutes les caméras sont braquées sur Marseille. Sur les écrans télé des ménagères de plus de 50 ans, le maire Jean-Claude Gaudin sirote une coupe de champagne dans le carré VIP, en tapant dans le dos de Patrick Bruel. "Elle est pas belle ma ville ?" lui glisse t-il, avant de rejoindre  la maire de secteur Lisette Narducci en pleine discussion avec Patrick Sébastien.

On ne connaît toujours pas la programmation ni le budget exact de la Fête de la Musique organisée par la société de Daniela Lumbroso, Degel Prod et diffusée sur France 2 en direct. En revanche, on sait désormais qu'elle aura un grand et beau carré VIP via un document transmis aux Sentinelles, les héritiers du Guettagate. Ils l'ont ainsi mis en ligne. Depuis vendredi, ceux-ci pensaient tenir le sacré graal, la preuve d'un montage financier intolérable. La goutte d'eau ne fait pourtant pas de vague dans le Vieux-Port.

Payer le champagne à Johnny

Les Sentinelles ont obtenu cette lettre par une entreprise démarchée par Degel Prod. D'après eux, c'est un fournisseur d'alcools qui était visé pour un partenariat avec la société de production pour l'organisation d'un cocktail VIP. Etaient ainsi proposés :

placement de produits auprès des plus grandes stars de la chanson française, présence de votre marque au début du générique de fin, présence auprès des artistes et de leurs accompagnateurs.

Pour vendre cette opération, Degel Prod souligne qu'elle apporte "une grande visibilité auprès des stars, de leurs accompagnateurs (attachés de presses, managers, proches) qui sont de réels relais d’opinions pour vous".

Face à une telle initiative, les Sentinelles s'insurgent : "Avec tout l'argent qu'ils ont déjà obtenu, en quoi est-ce qu'ils ont besoin d'organiser en plus un cocktail avec des sponsors ?", explique Lionel Corsini, un des fondateurs du groupe qui s'active sur les réseaux sociaux. "La notion de parrainage n'est pas respectée, poursuit-il, nous voulons alerter les élus et les citoyens. On attire l'argent des entreprises dans le carré VIP en les appâtant avec des artistes". Les Sentinelles ont d'ailleurs prévu d'écrire au CSA pour l'informer de la situation.

Au CSA justement, on rappelle que toute action de cette instance ne peut intervenir qu'a posteriori, c'est-à-dire après la diffusion. Christine Kelly, membre du CSA chargée de mission sur le placement de produits, rappelle que "le placement de produits est strictement interdit en France pour ce type d'émission, de même que le fait de l'annoncer au générique". Elle poursuit : "S'il y a la marque dans le générique cela m'interpelle", avant de rappeler que la seule chose que le CSA peut éventuellement faire avant la diffusion est un rappel à l'ordre préventif. Dans la lettre transmise aux entreprises, il n'est pas mentionné que les produits apparaîtraient à l'antenne, il s'agirait donc d'une opération de sponsoring relativement classique en événementiel, quoique qu'en marge d'un événement grand public.

"Pour l'instant on est dans le négatif"

Cette affaire est également l'occasion de faire un petit point financier. En mars, Marsactu décortiquait les dessous financiers de cet événement organisé par la société de production de Daniela Lumbroso et diffusée sur France Télévisions. Pour rappel, il était question d'une enveloppe de 900 000 euros provenant de la redevance télé via France Télévisions et de subventions de la mairie et de MPM, d'un montant respectif de 150 000 et 50 000 euros (plus 11 000 en nature). A l'époque, Degel Prod avait promis de faire preuve de transparence dans son budget dès que celui-ci serait fixé. Deux mois après, la société promet toujours de mettre cartes sur table. "Tout va être publié", explique Arnaud Lauris, directeur du développement chez Degel Prod.

"Le budget n'est pas complètement bouclé. Pour la première fois, on est dans le négatif financièrement. Des contraintes supplémentaires sont venues s'ajouter, argumente le salarié de Degel Prod. Notamment en termes de sécurité : à cause des incidents au Trocadéro, il a fallu revoir le poste sécurité à la hausse. Il a triplé et atteint 30 000 euros". Mais la sécurité ne serait pas la seule raison d'une enveloppe à tiroirs. "Nous sommes en train d'enrichir la programmation, plus de trente artistes devraient être présents", poursuit-il, allant jusqu'à oser un "il n'y a pas de logique de profit". 

Une curieuse assertion dans un contexte plus que tendu à France Télévisions pour cause de restrictions budgétaires. D'ailleurs, une des premières en avoir fait les frais est Daniela Lumbruso dont l'émission Chabada doit disparaître en septembre. Autant dire que ce n'est pas vraiment le moment de nourrir les polémiques sur l'argent public.