Faire campagne dans la campagne pour sa cause

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le 13 Mar 2014
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Faire campagne dans la campagne pour sa cause
Faire campagne dans la campagne pour sa cause

Faire campagne dans la campagne pour sa cause

La campagne des municipales ne permet pas seulement aux candidats de se faire connaître auprès de leurs futurs électeurs, elle offre également une fenêtre médiatique aux groupes plus ou moins structurés qui peuvent faire connaître leur combat et faire réagir les futurs élus. De leur côté, les candidats se prêtent volontiers au jeu. Et pour cause, derrière chaque association, on trouve des futurs électeurs et donc des bulletins qui peuvent être décisifs au soir du premier tour. D'un côté à l'autre, personne n'est dupe mais tous se prêtent au jeu.

Dans cette volonté d'interpellation, il n’y a pas de méthode miracle. Chaque collectif utilise l'outil qui lui semble le plus efficace : charte, livre noir, débat, lettre ouverte… Le but est bien évidemment de se faire entendre et de réussir à glisser dans les programmes quelques petites – ou grandes – propositions relatives à sa cause. Mode d'emploi sur la manière dont les associations se transforment en lobbies.

Plutôt charte ou table ronde ?

A défaut d'apposer leurs sceaux à la cire rouge, la signature d'un candidat a une valeur d'engagement. Les associations le savent et proposent souvent un document à parapher sous la forme d'une charte pour officialiser leurs positions. Anticor, la Fondation Abbé Pierre avec Médecins du Monde et la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), La Manif Pour Tous, Terre de commerces ou le collectif des fêtes de quartier ont tous choisi cette option. Transparency International France a opté pour une solution plus classique mais tout aussi efficace : demander aux candidats de prendre "des engagements sur cinq propositions de nature à promouvoir l’intégrité et la transparence au niveau local". Cette démarche a été étendue à l'ensemble des villes de plus de 100 000 habitants. À Marseille, seuls Jean-Marc Coppola et Patrick Mennucci ont répondu. 

Même technique pour un Centre-Ville Pour Tous, qui axe ses questions sur le logement et l'aménagement du territoire. Déjà en 2008, ils avaient mis en place le même procédé, ce qu'ils rappellent en introduction du questionnaire 2014. Là encore, les candidats ne se sont pas bousculés : Jean-Marc Coppola et Pape Diouf se sont prêtés au jeu. On ne se sait si la réponse de ce dernier a été rédigée par Jean Canton, candidat sur ses listes et président de l'association aujourd'hui en retrait.

Une fois les candidats sollicités, le travail se poursuit. Faire connaître les réponses des candidats est la seconde étape. Là encore, pas de règle établie. Si la publication sur internet est quasi systématique, certains groupes préfèrent solliciter les médias directement et offrir une nouvelle fenêtre médiatique à leur combat. Très actifs tout au long de l'année, le collectif de protection du massif de la Nerthe et le comité de défense de la santé des riverains du site Legré Mante ont mis en oeuvre des stratégies similaires pour faire connaître la position des candidats sur l'avenir de leur bout de ville. Une manière pour eux de prendre date et de mettre ces derniers face à leurs contradictions s'ils ne tiennent pas leurs engagements une fois l'élection passée.

Autre technique de médiatisation, l'organisation d'un débat public sous la forme d'une table-ronde, rencontre ou conférence. La délégation départementale de l'association des paralysés de France (APF) et le collectif Vélos en Ville ont choisi cette forme. "Le fait d’être invité à une table ronde sur le problème du vélo à Marseille oblige les candidats à venir avec un semblant de programme", explique Cyril Pimentel, coordinateur de l’association. Du coup, les promesses des candidats se font devant témoins. De leur côté, les candidats sont aussi friands de ce type d'exercice qui permet de faire passer le message à de possibles électeurs.

Une question de com'

 "Les politiques savent qu’il y a un paramètre nouveau : nous sommes à l’heure de la communication. Il est beaucoup plus aisé qu’avant de mobiliser la population", explique Jean-Luc Gosse, vice-président de Terre de commerces qui fédère 5 000 commerçants. La fédération a carrément organisé un "roadshow" dans sept villes du département pour faire avancer ses idées réunies sous l'acronyme Pac13. "Nous avons obtenu une quasi unanimité", se réjouit Jean-Luc Gosse. Le commerce représente un groupe de pression important qu'un candidat ne peut négliger à quelques jours du premier tour. "Ne pas répondre à nos sollicitations, ce serait mal se positionner", continue-t-il. Ces différents groupes de citoyens, plus ou moins reconnus, n’ont cependant pas la même capacité à faire connaître leurs revendications.

Anticor fait partie de ceux dont la légitimité n’est plus à prouver. L'affaire Guérini aidant, la lutte contre la corruption et pour la transparence est devenue un sujet porteur dans la région. Anticor a donc moins d'effort à fournir que d'autres pour faire avancer sa cause. "On n'interpelle pas les candidats individuellement. On fait savoir que la charte est en ligne et on organise une conférence de presse dans la foulée. Ensuite, les médias et notre réseau d’adhérents relaient l’information", explique Jean-Claude Roger, responsable du groupe local Anticor 13. La légitimité acquise renforce l'impact quand l'association refuse à tel ou tel candidat la signature de sa charte. C'est la mésaventure qui est arrivé au candidat PS/EELV à Marseille. "Du côté de Mennucci, il y a eu du chemin de fait, reconnaît Jean-Claude Roger. Mais on part de tellement loin… Je ne vais pas vous rappeler l'histoire locale du PS. Notre charte est contraignante et l'horizon ne paraissait pas dégagé pour que l'ensemble des points soient mis en oeuvre". Quant à Jean-Claude Gaudin, il n'a même pas sollicité Anticor. Dès le premier point il était hors course puisque celui-ci concerne le cumul des mandats

Cependant, être une association connue, ou d'ampleur nationale, n’ouvre pas toutes les portes. David Laboucarie, chargé de communication de l'association des paralysés de France (APF) l'admet : "c’est dur de réussir à avoir les candidats. Nos adhérents et sympathisants ont dû fournir un gros travail". Le collectif Vélos en ville a commencé l’organisation de sa table-ronde très tôt, avant que tous les candidats se soient déclarés. "Ce n’est pas toujours évident de les contacter, ils n’avaient pas encore tous une permanence, ni de site ou d’adresse mail", explique Cyril Pimentel. Dernière technique imparable pour être sûr d'avoir le maximum de candidats : faire connaître en amont la liste des présents. "Si l'un de leurs concurrents a déjà répondu il ne faut pas hésiter à leur faire savoir, on leur impose une deadline, parfois ça marche", reprend Cyril Pimentel.

Et après la campagne ?

Dans ce bel élan unanime des candidats à adhérer à toutes les causes, personne n'est dupe. Ils signent des chartes, font des promesses qui ne sont pas toujours suivies d'effets une fois l'élection passée. Jean-Luc Gosse dit avoir "bon espoir" que la voix des commerçants soit passée auprès des candidats. Pour d’autres, comme Cyril Pimentel du collectif Vélos en Ville, "ce ne sont sûrement que des promesses, mais il y a quelques années il n’y avait même pas de promesses sur le vélo, donc pour nous c’est déjà une victoire". Les Paralysés de France misent sur le caractère apolitique de leur combat. "On va faire des propositions, ces idées peuvent être récupérées par les différents partis," explique David Laboucarie.

Optimistes ou pas, ces groupes de citoyens sont conscients que leur arme est la communication. Ils prévoient pour la plupart un suivi des engagements des candidats. "Tous les six mois, nous publierons sur internet un état des lieux. Au moment de signer le Pac13, les candidats en ont été informés", affirme Jean-Luc Gosse. Du côté d’Anticor, si la charte n’est pas respectée par un signataire, ils commencent par appliquer la méthode douce : "Il y a plusieurs niveaux d'intervention selon la gravité de la faute. Dans tous les cas notre première réaction est d’aller discuter avec le principal concerné. Parfois, cela suffit, et il rectifie le tir. Dans le cas contraire, on porte l’affaire devant les tribunaux et devant la presse."

Anticor avait marqué de façon concrète son "service après-vote"  en poursuivant devant la justice le député Gilbert Sauvan, qui n’avait pas respecté le cumul des mandats. Verdict : la plainte d’Anticor a été rejetée. Le politique avait déclaré devant la cour que la charte ne se situe que "dans la sphère politique  et morale". En clair, les engagements publics d’une personnalité politique n’ont aucune valeur juridique… voire aucune valeur du tout. A part celle qu'on leur prête.

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