Enquête sur la rue d’Aubagne : un an plus tard, l’impatience des familles de victimes

Reportage
le 18 Oct 2019
2

La date anniversaire du drame de la rue d'Aubagne approche. Ce vendredi, la justice a convoqué l'ensemble des parties civiles dans l'enquête qui doit éclaircir les responsabilités. Pour les familles des victimes, l'espoir est grand.

Enquête sur la rue d’Aubagne : un an plus tard, l’impatience des familles de victimes
Enquête sur la rue d’Aubagne : un an plus tard, l’impatience des familles de victimes

Enquête sur la rue d’Aubagne : un an plus tard, l’impatience des familles de victimes

L'enjeu

Ce vendredi, les parties civiles dans l'enquête pour homicides involontaires de la rue d'Aubagne sont convoquées. Les familles de victimes espèrent que de nouveaux éléments seront versés au dossier.

Le contexte

Le 5 novembre 2018, l'effondrement d'immeubles rue d'Aubagne entraînait la mort de huit personnes. Près d'un an plus tard, l'enquête pour homicides involontaires se poursuit.

Elle se tient péniblement à la barrière qui fait face au trou béant, rue d’Aubagne. Des larmes coulent sur son visage. Zakia, 76 ans, voit pour la première fois l’endroit où Chérif, son fils unique, a perdu la vie. C’était le 5 novembre dernier lorsque le n° 65 ainsi que deux autres se sont effondrés. Depuis, un périmètre de sécurité est maintenu, et la dent creuse rappelle inévitablement ce drame, qui a coûté la vie à huit personnes.

Venue d’Algérie par avion le matin même, la vieille femme met pour la première fois le pied en France. Elle parait déboussolée. “Elle n’a plus toute sa tête, n’a plus la notion du temps. Le but, c’est qu’elle réalise que son fils n’est plus là, qu’il est mort sous les décombres”, explique avec détachement Linda Larbi. Depuis un an, la petite-nièce de Zakia remue ciel et terre pour la faire venir ici, pour “qu’elle puisse voir et comprendre ce qui s’est véritablement passé. Parfois, elle me dit ‘il m’a abandonné’. Quand on est loin, on ne comprend pas toujours”.

Ce vendredi, une importante réunion doit se dérouler au tribunal en présence de l’ensemble des parties civiles dans l’affaire de l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne. Survivants, familles de victimes, passants blessés, choqués, voisins, associations… Ils attendent avec impatience de rencontrer les juges d’instruction chargés de l’enquête pour homicides involontaires. Ces derniers, à qui il revient la lourde tâche de faire la lumière sur les responsabilités, ont promis d’informer sur les avancées de leur travail. “Je n’attends que ça. Vous savez, c’est dur de vivre avec des points d’interrogation”, concède Linda Larbi, en regardant sa grand-tante. C’est grâce à cette convocation de la justice que la jeune femme a enfin pu obtenir un visa pour Zakia.

Comprendre l’attente

Aurélie Ogiez s’apprête elle à monter dans un train. Direction Marseille. La jeune femme est la sœur de Julien Lalonde, trentenaire qui a lui aussi perdu la vie le 5 novembre dernier. Sur place, elle doit retrouver ses parents. Ensemble, ils se rendront dans la grande salle du palais de justice réservée pour l’occasion par les juges. “Je veux comprendre l’attente, j’ai des questions précises”, commence-t-elle. Pour la plupart des parties civiles, la dernière convocation avec la justice remonte au printemps. Et, pour l’heure, le seul document qu’ils ont pu lire est le rapport d’expertise diligenté immédiatement après le drame.

Dans un épais rapport, l’expert Bernard Bart levait le voile sur les manquements croisés des services de la Ville et des propriétaires. Sur 177 pages, il revenait sur la succession de procédures menées sur les immeubles 63, 65 et 67 de la rue d’Aubagne. Jusqu’au drame.

Aussi, un rapport de synthèse de l’enquête  condensait des dizaines d’auditions réalisées dès les premières semaines. Faisant ainsi ressortir les premiers discordances dans les discours. Notamment entre les dires de l’expert judiciaire Richard Carta et les services de la Ville, qui ont autorisé la réintégration des locataires du 65, malgré un péril imminent, quelques jours avant l’effondrement. Depuis, les parties civiles n’ont eu connaissance d’aucun élément nouveau. “J’ai des questions sur ces rapports, sur les termes utilisés, pour moi certaines choses sont encore vagues.”, poursuit Aurélie Ogiez, qui compte sur un nouveau rapport promis par les juges.

“Des mises en examen vont tomber”

“Les juges ont nommé deux experts censés être le haut du panier, indépendants, qui se baseront sur le rapport Bart pour, non pas pointer directement les responsabilités, mais dire ce qui n’a pas été fait et aurait pu éviter ça”, précise Brice Grazzini, avocat de trois familles de victimes et d’un voisin. L’avocat espère que cette réunion sera l’occasion de dévoiler le rapport attendu. “Il va y avoir un avant et un après. Cette réunion constitue une césure dans la procédure. Le juge a lancé toutes les expertises nécessaires”, veut croire le juriste, même si l’éventualité que la rédaction de ce rapport ait pris du retard persiste.

David Metaxas, avocat de la famille de Marie-Emmanuelle Blanc, elle aussi décédée sous les décombres, partage le sentiment de son confrère : “Des éléments nouveaux vont être versés au dossier. On ne peut rien dire pour le moment mais on cherche à remonter la chaîne des responsabilités jusqu’au décisionnaire qui n’a rien fait alors qu’il y avait des alertes.” De nouvelles auditions ont déjà eu lieu, d’autres sont prévues.

“C’est un fait acquis que tout le monde savait l’insalubrité, savait que ça allait s’effondrer et personne n’a réagi. Les mises en examen vont tomber et on sait sur qui. Comment des experts privés ont-ils pu alerter la mairie sans que personne dans ses services ne bouge ? Et je ne parle même pas des propriétaires”, poursuit David Metaxas.

L’équilibre et le destin

Du côté de la famille de Chérif, on place effectivement beaucoup d’espoir dans cette convocation. Mais c’est surtout un immense sentiment de confiance en la justice qui prédomine. “Je ne sais pas si nous aurons des réponses mais je sais que le juge que j’ai vu n’aura pas peur d’établir des responsabilités, salue Linda Larbi. Il nous a promis de nous convoquer régulièrement, de faire le maximum pour nous tenir au courant à chaque nouvelle information et de pas nous laisser sans rien pendant cinq ans.” 

Monsieur Grand [l’un des juges d’instruction, ndlr] est vraiment quelqu’un d’extraordinaire. Avec les victimes, en faisant ces réunions, en répondant rapidement à nos mails”, abonde Florence Briand, avocate de la famille Lalonde, rejointe par David Metaxas. “C’est une excellente chose que la justice soit humaine”, se félicite l’avocat.

Zakia, mère de Chérif, décédé dans l’effondrement, pose devant le périmètre de sécurité toujours en place aux abords des lieux du drame.

“Tous les services publics nous ont abandonnés, mais lui est là pour rétablir un équilibre, est convaincue Linda Larbi. Un an après rien n’a changé, à part qu’il n’y a plus de gravats, mais je fais confiance au juge. Je voulais que Zakia voit que la France et sa justice n’ont pas oublié.” La vieille femme est assise sur une chaise que le vigile chargé de surveiller les lieux du drame, lui aussi algérien, vient de lui apporter. “Elle dit que l’immeuble s’est effondré parce que dieu l’a voulu, traduit-il. Elle n’accuse personne.”

Mais quand elle s’endort, Zakia rêve parfois que le toit lui tombe sur la tête. Les nuits d’Aurélie Ogiez ne sont pas plus douces : “Mon frère est mort et je ne veux pas que ce soit en vain. Je veux que les responsables soient reconnus coupables et qu’on puisse comprendre dans le détail le processus qui a fait qu’on en est arrivés là. Car aujourd’hui, je ne comprends pas.” 

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Happy Happy

    Merci à marsactu de maintenir l’actualité de ce drame. Et l’enquête sur la mort de zineb redouane, comment se fait il qu’elle n’ait pas abouti ?!

    Signaler
  2. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    L’enquête de ZR (zineb redouane) n’est pas prête à être bouclée. En effet je vous renvoie à l’enquête que Le Media entreprend depuis quelques semaines.
    En ce qui concerne la rue d’Aubagne, l’enquête n’est pas prête d’être bouclée compte tenu que les responsabilités vont se diluer de la Commune, de la Métropole et d’autres responsables.
    Bon-nes citoyen-nes ne désespérez pas. Mais attendez vous à ce que cela dure !!! Y vont se défendre et différer, vont se défendre et sursoir…

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire