En attendant leur procès, détention provisoire pour huit des manifestants de la Commanderie

Reportage
le 2 Fév 2021
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Quatorze prévenus comparaissaient ce lundi, après le saccage du centre d'entraînement de l'OM, ce samedi. Huit d'entre eux dormiront en prison avant que tous soient jugés sur le fond, le 24 février prochain, dans un procès des lampistes du mouvement ultra.

La présentation des prévenus à la barre montrent qu
La présentation des prévenus à la barre montrent qu'ils viennent des quatre coins de la France. (Dessin Ben8)

La présentation des prévenus à la barre montrent qu'ils viennent des quatre coins de la France. (Dessin Ben8)

Ils étaient 300 le samedi soir et se retrouvent quatorze, penauds, dans le box des prévenus des comparutions immédiates, ce lundi, au tribunal judiciaire de Marseille. Quatorze supporteurs de l’OM, pris dans les filets policiers, une fois les renforts arrivés à la Commanderie. Huit d’entre eux dorment en prison, au soir de leur première comparution.

Les images ont tourné en boucle et fait la une en France et à l’étranger. Une belle volée de journalistes attend d’ailleurs devant le tribunal les auteurs présumés de faits de “participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre des personnes ou de destruction ou dégradations de biens”.

En l’occurrence, le site d’entraînement de l’OM pris d’assaut à coup de fumigènes et de feux d’artifices, envahi, partiellement saccagé par une foule venue en nombre samedi dernier. Face à eux, seize policiers et quelques agents de sécurité qui ne feront pas le poids face à la colère. Certains sont soupçonnés d’avoir en plus dégradé une voiture de police.

Marseille, “ville spécifique”

La présidente a ordonné d’ouvrir en grand les fenêtres du tribunal pour permettre à l’air de circuler dans cette audience bondée. La rumeur de la ville couvre partiellement les propos des prévenus. On sent bien que dans cette audience du lendemain, le parquet entend frapper les esprits dans cette “ville spécifique où on interdit aux supporters du club adverse de venir soutenir son équipe”, formule le procureur adjoint André Ribes, lors de son réquisitoire.

La majorité des prévenus souhaitant prendre le temps de préparer leur défense, l’affaire sera jugée sur le fond le 24 février prochain. D’ici là, la présidente prend donc le temps de les entendre, les uns après les autres, pour connaître leurs moyens de représentation, garantissant qu’ils seront bien là pour la prochaine audience, dans trois semaines.

L’après-midi d’audience a été occupée par l’examen des situations de chaque prévenu par la présidente du tribunal. (Dessin Ben8)

Ce passage en revue, pointilleux, ne permet pas d’entrer dans le détail des faits mais de tenter de saisir ce qui a réuni ces jeunes hommes à cet endroit. Un groupe à l’accent chantant des quatre coins de la ville ? Voire des figures de “ces jeunes des cités” que la police, dans ses commentaires a posteriori, a vu agir en sous-main ? Ceux qui sont dans le box viennent d’Angoulême, de Mâcon, de Saint-Dizier, Montceau-les-Mines voire d’Arles, de Maussane ou d’Aix, pour les plus près. Et quand ils sont de Marseille, l’un est du tranquille 8e arrondissement, directeur adjoint d’un Carrefour City.

“Le moral est au plus bas”

Parmi eux, rares sont ceux qui ont un casier. Certains ont pris plusieurs mois d’interdiction de stade pour avoir craqué des fumigènes au stade Vélodrome, ou avoir envahi une pelouse à Bordeaux “mais c’était pas pour l’OM, c’était pour demander un maillot à un joueur”, répond Denis, magasinier en Saône-et-Loire. Tous sont supporteurs et la plupart sont venus faire entendre leur protestation envers la direction du club. “J’aime mon club, il est mal géré. Le moral était au plus bas. C’est pour ça que je suis venu chanter devant la Commanderie”, dit Mohamed, saisonnier qui a lu dans l’Équipe qu’un rassemblement se préparait.

“On m’a dit qu’il y avait une fête d’avant-match à la Commanderie, qu’on allait suivre le bus des joueurs”

Un des prévenus

Le mot d’ordre a circulé sur les réseaux sociaux, sur “une boucle Messenger” ou sur Snapchat, pour “une grosse action” avec rendez-vous devant le siège de l’OM, chemin de la Martine, dans le 12e. Certains diront qu’ils croyaient être là pour faire la fête. C’est le cas de Fayçal, sur qui on a retrouvé un mortier de feu d’artifice. Ce livreur Uber Eats – actuel sponsor maillot de l’OM – en cours de création d’entreprise a croisé un pote en centre-ville. “Il m’a dit qu’il y avait une fête d’avant-match à la Commanderie, qu’on allait suivre le bus des joueurs”, explique-t-il.

Il a une peine avec sursis pour vol avec effraction “au-dessus de la tête” et se dit étranger à toute violence préméditée. “Quand je suis arrivé, un gars distribuait les fumis. J’en ai pris un et quand j’ai vu que c’était pas un fumi, je l’ai laissé dans mon sac. Je comptais pas l’utiliser”, explique-t-il derrière son masque. Dorian est venu d’Arles “faire les magasins”. Il n’est “pas du tout” supporter de l’OM et croyait à une fête quand il a été retrouvé devant la Commanderie, un Opinel dans son sac.

Quatre adhérents des Ultras

Quatre d’entre eux se disent “adhérents des Ultras”. L’avocat de l’OM, Olivier Grimaldi, viendra le souligner quand l’un se dit sans affiliation spécifique. Un autre expliquera même s’être rendu dans l’après-midi au siège du plus ancien club de supporters de la ville. Celui aussi qui a égrainé le plus largement dans l’hexagone, avec des adhérents jusque dans la région parisienne.

Le procureur a demandé le placement en détention provisoire pour tous les prévenus. (Dessin Ben8)

Face à cette galerie de ravis aux mains vides, le procureur n’est pas dupe. Il souligne l’intolérable. “Il était inimaginable, ce vendredi, que des supporters de l’OM allaient attaquer le club de leurs idoles, formule le procureur adjoint. Ils se retrouvent par un regroupement de réseau. Le point commun est ce groupement. Ils sont tous en noir. Ils viennent de toute la France et ce qui se passe ce soir-là est hyper-violent”. “Inimaginable, inadmissible, inacceptable…” Le procureur demande le mandat de dépôt pour l’ensemble des prévenus en pointant le risque que représente le match OM-PSG, prévu la semaine prochaine.

Individualiser et imputer les faits

En face, Julien Gautier qui défend six prévenus, part du même constat alarmant : “Quelle est cette société où des faits comme cela surviennent ?”, s’interroge-t-il avant de pointer le fait que l’accusation n’a ni vidéo, ni trace ADN pour incriminer ses clients. Celles-ci vont être utilisées dans une enquête, toujours en cours à la recherche des instigateurs des violences. Comment donc imputer les faits, individualiser les peines alors que le parquet demande la détention provisoire pour tous ?

Julien Gautier, avocat de six prévenus, insiste sur l’absence de preuve pour incriminer précisément ses clients. (Dessin Ben8)

“Dans un autre cadre [que celui de la comparution immédiate], un juge des libertés et de la détention ne pourrait pas demander un mois de détention provisoire pour un délit puni d’un an maximum“, souligne-t-il encore. Son confrère Nicolas Besset s’interroge : “Pourquoi certains sont poursuivis pour dégradations sans qu’on ne leur pose jamais aucune question lors de l’interrogatoire ?”. Tous viennent de la France entière, ce qui rend plus facile encore le contrôle judiciaire. Franco-Mamboma Tchidoudouka, un troisième avocat, demande également que soit porté attention “au degré de participation de chacun”.

Finalement, la présidente tranche après une suspension d’audience : huit resteront en détention, les six autres sont placés sous contrôle judiciaire dans leur ville de résidence avec interdiction de participer à une manifestation publique avant le procès du 24 février prochain. Devant le tribunal, alors que la nuit tombe, les CRS encuirassés regagnent leurs véhicules : personne n’est venu apporter son soutien à ces quatorze lampistes du supporterisme dont huit découvrent la prison.

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Commentaires

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  1. hervechik hervechik

    Peut-être une instrumentalisation par certains via les réseaux sociaux pour faire comme la prise du Capitole…?

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  2. carollline carollline

    trop bien les illustrations !!

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    • julijo julijo

      oui, super Ben8 !!!!

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  3. Jacques89 Jacques89

    Un peu de détente dans ce monde de brutes…

    L’entraîneur de l’OM est à la recherche d’un nouvel attaquant et est informé de l’existence d’un extraordinaire jeune Irakien. Il prend donc l’avion pour Bagdad et assiste à un match du jeune prodige. Il est subjugué par ce qu’il voit et s’arrange pour que la future superstar déménage à Marseille.­­­ Deux mois plus tard, en championnat le PSG mène 2 – 0 contre l’OM et il ne reste plus que dix minutes à jouer. Il décide alors de faire entrer sa nouvelle recrue.
    Le jeune marque 3 buts et donne la victoire à l’OM Les supporters pleurent de joie. ­­­Les joueurs et l’entraineur se jettent sur lui pour l’embrasser.
    ­­­Lorsqu’il rentre aux vestiaires, il appelle sa mère pour partager sa joie.
    – « Salut M’man, tu ne devineras jamais quoi ! en moins de dix minutes, j’ai marqué 3 buts et on a gagné. Tout le monde est fou, même la Presse est dingue de moi !”
    – « Comme je suis contente pour toi, mon fils. »- «Et toi, maman, comment ça va ?
    – « Mal mon fils ! Ton père vient juste de se faire tirer dessus en pleine rue : il est aux urgences. Ta sœur a été violée à l’école, et ton jeune frère a été arrêté avec un copain : il conduisait une voiture volée…»
    Le jeune joueur se sent subitement très embarrassé.
    – « Je ne sais pas quoi te dire M’man, j’suis désolé. »
    – « Désolé, désolé !! C’est toi qui as voulu qu’on quitte Bagdad pour venir habiter à Marseille, non ! »

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    • Pierre12 Pierre12

      Quel humour waouh !

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    • 236 236

      🙂

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  4. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    Toute proportions gardées, et je le répète, toute proportions gardées, je pense que les supporters footballistiques valent les supporters politiques.
    Pourquoi est-il nécessaire de détruire, d’attaquer des personnes ou de se faire mettre en prison pour exprimer à un entraineur que l’on n’est pas d’accord avec lui?
    Ne fréquentant pas les tribunes, faut-il organiser du ”participatif” dans ce genre de soutien??? Les supporters ne sont pas juste de la ”chair à applaudissement” qui doivent payer leur place?
    N’y a-t-il pas des organes de concertation dans cet univers?

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