Embarras à la Nupes qui n’investit qu’une femme sur sept candidats à Marseille

Une conférence de presse de la Nupes à Marseille le 9 mai. Seuls les hommes sur l'image sont candidats. (Photo : CBy)

“Dramatique“, “regrettable“, “dommageable“. Tous les hommes en conviennent à la Nupes, l’union de la gauche en vue des législatives : les femmes sont les grandes absentes de ces élections des Bouches-du-Rhône. À Marseille, seule une candidature sur sept est féminine. Elle est avancée par le PS avec Magali Holagne dans le territoire plutôt à droite et quasi-ingagnable de la 6e circonscription (Sud-Est de la ville). À l’échelle du département, le ratio n’est pas beaucoup plus flatteur. Seules quatre circonscriptions sur 16 verront des figures féminines sur les affiches. Les cinq circonscriptions les plus favorables sont octroyées à des hommes. Un “recul social” pour Annick Karsenty, militante féministe signataire de la tribune parue mercredi 11 mai dans La Marseillaise et devenue pétition. Et un échec pour l’union de la gauche, qui promeut l’égalité et défend les droits des femmes.

Le résultat des investitures donnerait presque l’impression qu’aucune femme n’était légitime à être candidate. “C’est scandaleux“, martèle Capucine Edou, porte-parole de Génération.s. Au Parti communiste, l’adjointe marseillaise Audrey Garino se dit “folle de rage“. Dans les faits, il y aurait pu avoir des députées marseillaises, puisque plusieurs circonscriptions pourraient être gagnées, notamment celles que s’est réservées la France insoumise. Le mouvement aurait pu investir des femmes à leur tête, mais les voilà simplement suppléantes. “Parmi elles, il n’y avait personne qui voulait être députée”, assure Hendrik Davi, qui représentera la France insoumise dans la 5e. “Quand on a vu la carte qui se dessinait, notamment dans les circonscriptions gagnables, on a dit : attention !”, s’exclame Capucine Edou, porte-parole de Génération.s., un des petits partis qui a rejoint la Nupes.

Un échec “local”

Je demande que les investitures soient revues.

Thibaud Rosique (PS), candidat Nupes dans la 1re circonscription

“Les femmes n’existent-elles pas dans la politique marseillaise ? Devons-nous considérer qu’elles doivent se sentir représentées uniquement par des hommes ?” s’indignent les militantes féministes dans la tribune parue chez nos confrères. Une question qui embarrasse les hommes investis. Hendrik Davi, le reconnaît, l’absence de parité “se voit comme le nez au milieu de la figure”. Devant la presse, mercredi soir, Thibaud Rosique, candidat désigné par le PS pour représenter l’union dans la 1ere circonscription est allé plus loin : “Je ne me vois pas sur une photo avec 6 hommes et une seule femme. Je demande que les investitures soient revues”.

Mais très vite, des éléments de justification sont aussi avancés. La parité, par exemple, devrait s’observer à l’échelle nationale. “Ça a été un jeu d’équilibriste, poursuit Hendrik Davi. Si cela avait été possible, ça aurait été envisagé, mais ça ne l’a pas été.” Et puis, regardez à Paris, répète-t-on. Dans la capitale, cinq femmes ont été investies. “C’est le global qui compte le plus. On peut regretter une responsabilité collective, mais l’objectif paritaire est maintenu, soutient Mohammed Bensaada, candidat LFI dans la 3e circonscription. On essaie de s’améliorer, mais c’est un long processus démocratique.”

Un “cri du cœur”

Chez LFI, les interlocuteurs plaident une forme de surprise générale à la lecture des investitures de leur propre parti. D’ailleurs, tous insistent : la Nupes est la force qui lutte “le plus” pour les droits des femmes : un milliard d’euros promis dans la lutte contre les violences conjugales, sexuelles et sexistes, égalité des salaires, etc. Mais personne n’a vu venir que les femmes ne seraient pas sur les affiches. Du côté des signataires de la tribune, l’argument fait grincer. “Ça me fait rire, répond Annick Karsenty, présidente de femmes solidaires Marseille. Au niveau national il y a la parité ? On porte des revendications ici qui font avancer partout. Il faut au moins que ça se retranscrive dans la politique. C’est un peu fort de café qu’aucune femme ne soit investie dans la deuxième ville de France !” La tribune a été pour elle un “un cri du cœur” qui, convient-elle, n’aboutira à rien : les choix ont été faits, gênants ou pas.

“Elles ont eu mille fois raison de pousser cette gueulante. On ne se retrouve qu’avec des hommes blancs des classes supérieures et issus des appareils de parti“, reprend Kevin Vacher, qui regrette la sous-représentation des candidatures citoyennes, issues des quartiers populaires ou féminines. Le militant espère encore l’investiture dans la 4e circonscription contre Manuel Bompard, la dernière où le candidat n’est pas connu. “Le seul cas où je pourrais me retirer de moi-même, mais ça n’a jamais été posé sur la table, ce serait pour rattraper la parité.” Mais la décision n’est, in fine, pas la sienne, elle revient au comité électoral de LFI.

Autocensure des femmes

J’aurais peut-être dû plus insister

Katia Yacoubi, militante LFI

Il existe pourtant des femmes qui auraient pu remplir le rôle. Ainsi, au sein de La France insoumise, la Marseillaise Katia Yacoubi est la co-responsable du programme quartiers populaire au niveau national. Elle a déjà porté les couleurs de son parti aux départementales. Candidate à la candidature, elle a finalement laissé sa place à un homme, dans la circonscription qu’elle convoitait. “J’aurais peut-être dû plus insister, être moins conciliante, regrette-t-elle. On peut être un homme et porter les questions féminines, bien sûr. Mais s’il n’y a que des hommes, cela pose problème. On a mal joué et on va tout faire pour que ça ne se reproduise plus. On s’en mord les doigts.”

Katia Yacoubi évoque un phénomène social plus large. “Les femmes s’autocensurent souvent. Les hommes ont plus de facilités à montrer qu’ils ont envie de prendre le pouvoir démocratique. Il y a un travail à faire en interne pour que les femmes sortent du bois“, confie-t-elle. Un phénomène qu’en conscience, les partis politiques pourraient tenter d’endiguer. La prochaine fois.

Actualisation à 11 heures le 12 mai 2022 : Kévin Vacher nous précise, contrairement à ce qui était indiqué dans une 1re version, qu’il serait prêt à se retirer en cas d’investiture au profit d’une femme.