Écroué pour avoir loué un appart en péril à des touristes, David B. est un habitué du genre
Placé en détention provisoire pour avoir loué des touristes un appartement frappé d'arrêté de péril, David B. n'en est pas à son coup d'essai. En effet, depuis le printemps, il a fait l'objet d'un signalement de l'agence nationale de l'habitat. Il a touché près de 250 000 euros de subventions pour rénover un immeuble à Noailles en contrepartie de loyers sociaux pendant 9 ans. Or, la justice soupçonne qu'il serve lui aussi à accueillir les touristes.
Des touristes patientent devant le 17 rue du Musée. Photo : DR
L'enjeu
Un propriétaire a été écroué vendredi pour avoir loué à des touristes un appartement frappé de péril. Or, il est soupçonné d'avoir détourné des subventions de l'Agence nationale de l'habitat.
Le contexte
L'agence nationale de l'habitat peut subventionner la rénovation d'un appartement à condition que le propriétaire loue celui-ci à un tarif social jusqu'à 9 ans.
Depuis vendredi, David B. dort en prison. Écroué en détention préventive, il est mis en examen notamment pour “mise en danger de la vie d’autrui” après avoir loué deux appartements à des touristes alors que l’immeuble était frappé d’arrêté de péril depuis juin. L’affaire a été confiée au juge Mathieu Grand dans le cadre d’une information judiciaire. Mais le cas de David B. ne se limite pas à cette seule infraction. Il est en effet dans le collimateur de la justice depuis plusieurs mois pour des faits liés à un autre immeuble.
Selon nos informations, son cas est au cœur d’un signalement établi par l’agence nationale de l’habitat (ANAH) et transmis au procureur de la République, le 17 avril dernier. David B est soupçonné de “manœuvres frauduleuses” à l’encontre de cet organisme qui octroie des subventions aux bailleurs privés pour contribuer à l’amélioration de l’habitat. La hauteur de ces subventions est conditionnée aux engagements du propriétaire de louer durant 9 ans ces logements à des niveaux de loyer social, voire très social suivant les ressources des locataires.
250 000 euros de subventions publiques
David B. a bénéficié d’une enveloppe de près de 250 000 euros subventions de l’ANAH mais aussi du département et de la métropole pour rénover un immeuble de huit appartements situé au 17, rue du Musée, à Noailles. En contrepartie des sommes reçues, David B. s’engage donc à louer à des personnes aux ressources limitées, pour une durée de 9 ans. Ces locations font l’objet d’une convention avec l’ANAH.
Un immeuble connu des opérations municipalesLe 17 rue du Musée a longtemps été une propriété publique. En effet, cette adresse figure bien dans les fichiers compulsées par Marsactu, Mediapart, La Marseillaise et Le Ravi dans le cadre de l’opération La Grande Vacance. Les lots de cet immeuble décrépi du centre-ville sont acquis par voie amiable ou expropriation par Marseille Aménagement dans le cadre du périmètre de restauration immobilière (PRI) que la société d’économie mixte gère pour le compte de la Ville. À la clôture de cette opération, la Ville récupère les lots, propriétés de Marseille Aménagement puis les revend pour 2 euros en 2015 à Marseille Habitat. Cette autre société d’économie mixte est titulaire de l’opération d’éradication de l’habitat indigne EHI qui a pris la place du PRI. C’est dans le cadre de cette opération que Marseille Habitat vend à son tour le 17, rue du Musée à David B. en 2016 pour 124 000 euros. Il a 18 mois pour réaliser les travaux. Il entreprend ce chantier dès qu’il a la certitude de pouvoir toucher les subventions de l’ANAH.
Les touristes amenés du 1 au 17 rue du Musée
Problème, les voisins du 17 rue du Musée sont régulièrement réveillés par le bruit des roulettes de valises. Avant même l’issue des travaux, l’immeuble reçoit régulièrement la visite de voyageurs, venus grâce aux annonces déposées sur les sites de location touristique de courte durée, dont booking.com. Curieusement, sur ce site, les “appartements design Centre Marseille Vieux-Port et Noailles” ne sont pas situés au 17 rue du Musée, mais au n°1. Au fil des commentaires laissées par les touristes en goguette, il apparaît clair qu’il s’agit là d’un leurre provisoire, censé les amener au 17.
Ainsi, en mai 2018, une certaine Diniza note :
“Communication difficile : pas de réponse au mail envoyé via booking, plusieurs numéros de tel (certains répondent, d’autres pas), on ne sait pas à qui on à affaire (le/la propriétaire? Les employés?) Appartement pas situé au n°1 mais au 17 de la rue (rue pas très sécurisante)”
Sur un autre site, l’ensemble des appartements du 17 sont présentés comme un package permettant d’accueillir jusqu’à 36 personnes d’un seul coup.
Au bout de quelques mois, la direction locale de l’ANAH a été informée de la présence de touristes dans un immeuble qui n’est pas censé en accueillir. Elle diligente donc une enquête en demandant à David B. les baux qui ont fait l’objet d’une loyer conventionné, mais aussi les avis d’impositions et les attestations d’assurance.
Or, sept des locataires de cet immeuble ont souscrit une assurance chez le même courtier, Aleph Conseil et à la même date, le 21 janvier 2019. Le représentant de cette agence, Lionel Cohen reconnaît avoir souscrit ces assurances à la demande de David B. “Je travaille depuis longtemps avec ce monsieur, explique-t-il. Il m’a demandé de souscrire ces assurances pour les comptes de ses locataires, afin d’être sûr que ces derniers soient bien assurés. C’est assez courant, notamment chez les gestionnaires de biens, pour éviter des attestations, immédiatement suivies d’une résiliation.”
Contrôle de l’ANAH
Peu rassurée par les pièces remises, selon nos informations, l’ANAH diligente un contrôle sur place. Sept des locataires sont présents en même temps que le propriétaire. Les agents mandatés par l’ANAH constatent que les meubles de plusieurs appartements sont semblables à ceux présentés sur la plateforme de location. Ils feront le même constat rue Saint-Pierre dans un appartement pour lequel David B. attend également le versement d’une subvention au titre d’une convention pour un loyer social. L’attestation d’assurance est également établie auprès d’Aleph Conseil, cette fois-ci le 22 janvier 2019, soit le lendemain de la première.
Sur place, rue du Musée, le gestionnaire du centre d’affaires qui jouxte l’immeuble de David B. confirme que les touristes sont nombreux à venir séjourner là “même si en ce moment, c’est plus calme”. Il indique également recevoir du courrier pour le compte des locataires de l’immeuble voisin. “Une dame vient régulièrement le chercher, explique l’employé. C’est commun puisque notre travail est justement de domicilier des entreprises. Dans ce cas précis, nous le faisons au titre du bon voisinage, comme on le fait pour les habitants délogés d’un immeuble rue Pollack“. En revanche, il n’est pas capable de préciser si son interlocutrice est une habitante de l’immeuble ou une employée du propriétaire.
Au pied du 17, rue du Musée dont la façade détonne dans une rue qui attend encore les effets de la rénovation du centre-ville, une jeune femme s’apprête à sortir. Intimidée, elle explique habiter là depuis le 1er juillet 2019 mais elle hésite entre le deuxième et le quatrième quand on lui demande à quel étage elle réside. Elle dit “être sans-papier et ne pas avoir de bail pour son appartement, ni d’accès aux aides aux logements” et ne pas connaître ses voisins. Les sonnettes sont vierges de tout nom et l’immeuble est accessible via un digicode.
Un site pour orienter les touristes
Plusieurs autres immeubles figurent sur le site de la société Idapart qu’il a créée avec Manon T. On y trouve le 3 rue d’Homère, le 17 rue Longue des Capucins, et le 21 rue d’Anvers, “appartement tout confort, récemment rénové”, celui-là même frappé d’arrêté de péril et “interdit de tout occupation et utilisation depuis le 14 juin 2019” qui vaut à David B. sa mise en examen. C’est également le cas dans un autre de ses biens, 7 rue André-Poggioli.
Selon La Provence, la jeune femme qui préside désormais cette société, Manon T. a aussi été mise en examen et placée sous contrôle judiciaire. Joint à plusieurs reprises sans résultat, le parquet de Marseille ne nous a pas confirmé que David B. était visé par cette enquête aux multiples ramifications qui pourrait révéler plusieurs niveaux de fraudes entremêlés.
Commentaires
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On croit deviner que sans la dénonciation à l’ANAH, ce serait une affaire qui roulerait encore pour de nombreuses années. Tant de règles et si peu de contrôles…
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Encore faudrait-il qu’il y ait des personnes en nombre suffisant pour contrôler
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Encore faudrait-il qu’il y ait des personnes en nombre suffisant pour contrôler
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Voilà le volet qui manquait à la spéculation charognarde des logements sociaux, l’arnaque aux subventions pour la rénovation. Malheureusement, il aura fallu un drame pour qu’enfin les yeux s’ouvrent sur la situation catastrophique de la ville.
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Qu’il lui vienne la gale et les bras courts à ce David B.
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Un escroc isolé ? Qui sont ses amis, ses proches ?
C est tellement typique d un certain microcosme marseillais…. et je suppose qu il crie sa bonne foi, et sa volonté de “rendre service”, aux touristes jeunes et sympas, et à ses employés, sans papiers et précaires, à qui il “donnait” travail et logement , et puis mince “tout le monde fait ça , non ?”
Non.
Merci encore pour votre travail d investigation. En mettant à jour tout cela, on peut espérer que les choses changeront à Marseille.
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