Des polos pour 210 000 euros : le département déploie la “tenue unique” dans deux collèges

Aux deux extrémités, les mannequins présentant les uniformes qui seront déployés dès la semaine prochaine (Photo : CM)

Rentrée des classes oblige, une conférence de presse se tenait ce lundi 26 août à l’hôtel du département des Bouches-du-Rhône pour détailler les nouveautés à venir dans les collèges. Parmi elles : l’expérimentation de l’uniforme dans deux établissements du département, Mont-Sauvy, à Orgon, et Château-Forbin, dans le 11ᵉ arrondissement de Marseille. Les intervenants parlent plutôt de “tenue unique”, ou de “tenue vestimentaire commune”. Martine Vassal, présidente de la collectivité, le martèle : “Je n’aime pas le mot uniforme, qui fait très militaire. Ça renvoie au costume, à la cravate, à la chemise plissée… Là, on est sur quelque chose qui va avec le temps, qui correspond à la façon dont les enfants s’habillent”.

Pour visualiser un peu mieux, deux petits mannequins de plastique ont été vêtus de la fameuse “tenue unique”, assortie d’une élégante perruque rousse. Au total, le trousseau se compose de 12 pièces : 3 tee-shirts, 3 polos manches courtes et autant à manches longues, ainsi que 3 sweat-shirts. Déclinés entre le bleu roi, le blanc écru, le gris clair ou le bleu marine, ils présentent au niveau de la poitrine une broderie au nom de l’établissement, qui rappelle les tenues des étudiants de la saga Harry Potter, frappées d’un écusson aux couleurs de leur maison.

Lutter contre le harcèlement

Les trousseaux ne prévoient ni chaussures, ni pantalon. “Ça reste une expérimentation, tempère Martine Vassal. Sinon après il faudra aussi fournir les chaussures, les manteaux en hiver… Pour le bas et les baskets, ils mettent ce qu’ils veulent.” La tenue unique est censée susciter la “fierté d’appartenir à un établissement” et “lutter contre le fléau du harcèlement, beaucoup lié à la tenue vestimentaire”, complète Nourdine Hocine, le principal du collège Château Forbin. Une tenue vestimentaire qui reste en grande partie laissée à la libre appréciation des collégiens. Ces trousseaux seront distribués aux 1200 élèves concernés pour un coût total de 210 000 euros, financés à hauteur égale par le département et l’État.

Bernard Nahon, le principal du collège Mont-Sauvy, à Orgon, se félicite : “80 % de la communauté éducative s’est prononcée favorablement sur le port de la tenue unique”. Ce qui laisse 20 % de personnes opposées au projet. Qu’en est-il alors des parents d’élèves ou des collégiens réfractaires ? “Tout ce qui est voté dans le règlement intérieur fait force de loi, poursuit Bernard Nahon. Après, dans les faits, il va falloir entamer le dialogue et être persuasif.” Pas question, donc, dans les premiers temps du moins, de recaler les élèves ne portant pas la tenue réglementaire. “Au début, on va plutôt être sur de la pédagogie”, complète Nourdine Hocine.

Une “fausse solution miracle”

“Il y a bien d’autres priorités dans les collèges que de faire porter un polo à des gamins. C’est une fausse solution miracle”, s’agace Christope Merlino, président de la FCPE 13, principale association de parents d’élèves des Bouches-du-Rhône. Pour lui, le budget alloué au trousseau aurait pu servir à régler en priorité des problèmes bien plus urgents. “Il y a un manque criant de conseillers principaux d’éducation (CPE), d’assistants d’éducation, les chefs d’établissements sont à bout. Cela amène à un manque de surveillants, à des élèves qui se retiennent toute la journée d’aller aux toilettes, à des bagarres…”.

 “on ne gomme pas le harcèlement avec un polo

Christophe Merlino

Le président de la FCPE pointe également du doigt le côté “insuffisant” de ce trousseau : “On ne gomme pas ni le harcèlement, ni les différences sociales avec un polo. Un gamin qui a des chaussures à 150€ sera toujours différent d’un autre avec des chaussures à 20€”. Pour Christophe Merlino, il s’agit d’une “décision politique, qui ne provient pas d’une demande formulées par les acteurs qui sont sur le terrain”.

L’année dernière, le département a déjà eu bien du mal à trouver deux collèges souhaitant réaliser l’expérimentation. Ça ne se bousculait pas trop au portillon : le seul établissement à avoir répondu à l’appel lancé par Martine Vassal en septembre 2024 était le collège Chape (4ᵉ), qui ambitionnait de déployer sa tenue scolaire au printemps de la même année. Une mesure qui n’avait finalement pas été validée par le conseil d’administration de l’établissement, le refus de 66 % des élèves entraînant le 25 janvier dernier l’abandon de l’expérimentation.

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