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Des millions pour l’incinérateur ? “Et moi je veux une Maserati à Noël !”

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le 11 Nov 2015
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Le président du tribunal administratif a mis en doute ce mardi la facture présentée par Evéré, l'exploitant de l'incinérateur de Fos. Après avoir réclamé 261 millions d'euros à la communauté urbaine, l'entreprise espagnole est prête à accepter un accord à 79 millions avant même la fin de l'expertise.

Photo Esther Griffe
Photo Esther Griffe

Photo Esther Griffe

Il n’y a pas plus technique qu’une commission de conciliation et rien de plus émouvant qu’une réconciliation. Ce mardi au tribunal administratif, la communauté urbaine de Marseille et la société Evéré étaient un peu entre les deux. C’est du moins la partition jouée par les avocats des deux parties, qui “s’écharpaient” depuis 2010 sur des litiges financiers. Le terme est d’Alexandre Moustardier, qui défendait les intérêts de l’exploitant de l’incinérateur de Fos-sur-Mer. Mais selon son propre aveu, il est maintenant “comme Dupond et Dupont” avec Mathieu Noël, avocat de Marseille Provence métropole, qui envoie les ordures ménagères des habitants de ses 18 communes dans l’usine d’incinération. “Je n’aurais pas mieux dit”, lance-t-il à l’issue de l’exposé de son confrère.

Au terme d’une commission de conciliation – et de négociations discrètes – leurs deux clients sont tombés d’accord sur le montant à inscrire sur le chèque de MPM à Evéré : 78 979 887 euros. La pomme de discorde est constituée en grande part de surcoûts de construction dont Evéré réclame la prise en charge par la communauté urbaine. Satisfaite, la société est donc prête à renoncer à ses prétentions initiales d’un montant total de 261 millions d’euros.

Surtout qu’un des points de l’accord a des effets sur les 20 années à venir du contrat. MPM y reconnaît que le coût d’exploitation est supérieur à ce qui était prévu et s’engage donc à verser 5,3 millions d’euros par an supplémentaires à l’entreprise. C’est donc en réalité 185 millions d’euros qu’elle récupèrera sur la durée du contrat. “Je crois que votre tribunal nous a assez vus et qu’il est temps de mettre un terme à ce fleuve procédural”, plaide Me Moustardier. En d’autres termes, ne manque plus que l’homologation du tribunal pour passer à autre chose.

Un coffre-fort bien rempli

Goguenard, le président Philippe Harang note que le coffre-fort attenant à son bureau est effectivement bien rempli de dossiers liés à la bisbille entre l’intercommunalité et son délégataire. “Lorsque je tape Evéré-MPM dans mon ordinateur, ce n’est pas trois contentieux qui sortent, mais six ou sept. Pourquoi ne font-ils pas l’objet d’un désistement dans le cadre de ce protocole ?”, interroge-t-il.

La réconciliation aurait-elle des limites ? Affaires “résiduelles, dont les sommes n’ont absolument rien à voir” avec celles de ce dossier, balaye Mathieu Noël. En fait, il s’agit notamment de deux pénalités infligées par MPM à son délégataire pour non respect des objectifs du contrat en matière de recyclage et un compte-rendu financier 2011 jugé incomplet. De quoi rappeler la bonne ambiance qui régnait entre l’un et l’autre au cours des dernières années.

Un accord irrecevable ?

Las, pour la rapporteure publique Nacima Belkacem, cet accord voté par les élus de MPM en avril 2015 est un peu prématuré. Sans compter que sur la forme, la demande d’homologation serait tout bonnement “irrecevable”. Mais quand bien même le tribunal voudrait évaluer que l’accord est correct, il serait pour elle forcé de temporiser. “Nous ne voyons pas de quelle manière vous pourriez procéder à un contrôle approfondi”, estime-t-elle. En effet, l’expert désigné pour plancher sur le dossier n’a tout simplement pas terminé son travail ! Il n’a en fait rendu qu’un premier rapport sur l’un des trois contentieux regroupés dans l’accord.

À écouter cet avis, “on a l’impression d’un accord passé sur un coin de table”, grince Alexandre Moustardier. Le pavé qui trône sur la table de Dupond et Dupont est manifestement là pour contrer cet argument : “J’ai pris le risque de me luxer l’épaule”, tente même le conseil d’Evéré. “Ce travail est précis et précieux pour l’appréciation du tribunal”, admet Philippe Harang. En revanche, il ne se prive pas d’insister sur l’absence de la préfecture, lors de l’instruction comme pendant l’audience, alors qu’il lui avait pourtant expressément demandé son avis.

Question à deux bandes

Qu’importe, sa deuxième question au duo d’avocats lui permet d’enfoncer un coin dans leur unité, confortant l’avis de la rapporteure publique. “Il y a un écart important entre l’estimation de l’expert (55 millions d’euros) et ce qui était demandé par Evéré (107 millions d’euros). S’il a bien travaillé, comment expliquez-vous cela ?” La colle vise Evéré, qui semble se dédire en acceptant l’accord. “Cela fait partie de la prise de risque d’un délégataire, vous ne pouvez pas dépenser 100, demander 100 et espérer systématiquement obtenir 100”, répond Alexandre Moustardier.

Mais du côté de la communauté urbaine, la question appelle une toute autre réponse. Vu l’écart entre les deux montants cités, elle laisse entendre que MPM aurait pu gagner au change en attendant que l’expert aille au bout de son travail. Après tout, c’est Evéré qui est pressé de récupérer un chèque, avec environ 20 millions d’euros de pertes annuelles dans l’exploitation de l’incinérateur. Tout à la défense des intérêts de MPM, Mathieu Noël rappelle que les demandes globales portaient sur 261 millions. Avec un accord à 79 millions d’euros, le ratio serait donc très avantageux. “Evéré aurait tout aussi bien pu demander 500 millions ! Et moi j’ai demandé au père Noël une Maserati”, s’amuse le président. Sous-entendu, seul l’expert pourra dire si le montant est fantaisiste ou non. “C’est vrai que les parties ont anticipé sur l’expert”, admet l’avocat, pris dans les filets d’une question à deux bandes.

Au vu de la complexité du dossier, le tribunal s’est tout de même donné jusqu’au 8 décembre pour prendre une décision. “Il est très rare que la justice administrative rejette un protocole transactionnel”, a noté Philippe Harang. Dans l’attente du délibéré, MPM s’est refusé à tout commentaire. En cas de refus d’homologation c’est la future métropole qui récupèrerait le dossier…

 

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Commentaires

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  1. Lise DelMundo Lise DelMundo

    Cette histoire qui a commencé par une grosse et longue magouille guérinesque – alors qu’Urbaser concluait ici son 1er contrat pour la France, n’en finira jamais !.
    – MPM n’est pas une entreprise, c’est l’argent public qui doit être préservé pour que des projets soient possibles. A la Ville comme à MPM, on nous dit sans cesse: “tel point de budget coûte un bras, déléguons-le au privé”… et une fois délégué au privé, on se retrouve systématiquement avec des dépassements pharaoniques ! Comment se fait-il que les Basques aient réussi à se dépêtrer d’Urbaser-Evéré? Est-ce que les avocats Dupont et Dupond préservent leurs honoraires, en faisant durer?
    – Ce n’est pas parce que Urbaser s’appelle Evéré que ses méthodes de gestion sont différentes d’en Espagne. A-t-on la preuve que si ? Un responsable d’Urbaser fait partie des entrepreneurs arrêtés en Espagne il y a 15 jours, dans le cadre d’une vaste opération de lutte contre la corruption (Petrum 3) . Des commissions versées par des entreprises au parti catalan, afin d’obtenir des marchés publics. Le président du parti ne conteste plus qu’elles soient une réalité, mais il prétend que c’est une enquête démesurée à visée politique, et considère que ces 3% de commissions sont une pratique normale (sans blague !), d’autant plus que similaire de la part de tous les partis. Toutefois, une majorité de la base de son parti le désavoue. Ca rappelle quelque chose ici… Sauf qu’en France, nous sommes encore frileux en matière de lutte contre la corruption, ce ne sont que 2 ou 3 fusibles qui sont visés pour éteindre l’incendie.
    Incendie? Au fait, quelles en étaient les causes à Fos?

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