Demandeurs d’asile et réfugiés afghans manifestent pour obtenir un toit
La pénurie de places d'hébergement pour les demandeurs d'asile s'aggrave dans le département. Depuis plusieurs semaines, un groupe d'Afghans, rejoints par d'autres nationalités, manifeste et demande à avoir accès à un toit.
Demandeurs d’asile et réfugiés afghans manifestent pour obtenir un toit
“On avait donné 10 jours !”, affirment-ils, chacun à leur tour, dans leur français approximatif. Ils sont donc revenus mercredi devant les bureaux marseillais de l’OFII (l’Office français pour l’immigration et l’intégration). Une quinzaine, puis une vingtaine pour atteindre la cinquantaine à la mi-journée. Des jeunes hommes afghans, quelques Soudanais, un Pakistanais. Certains dans la vingtaine, d’autre plus vieux. Chacun a son parcours, sa procédure administrative particulière, demandeurs d’asile, en procédure de réadmission dans un autre pays européen, dite Dublin, ou pas, d’autres encore sont officiellement reconnus réfugiés. Tous sont reliés par une situation critique : aucun n’a de logement et tous en ont fait la demande auprès de l’office, sans succès.
C’est un fait, entre la fin de la jungle de Calais, la “vague” migratoire dont l’importance est à relativiser mais qui est toutefois constatée par beaucoup de travailleurs sociaux, et la pénurie locale de budgets pour l’hébergement d’urgence, le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile est proche de l’implosion. Malgré les créations de places en CADA (centre d’accueil des demandeurs d’asile) prévues par l’État, trouver un toit le temps de voir leur dossier traité relève pour beaucoup du parcours du combattant. D’ordinaire, l’OFII pouvait proposer des nuits à l’hôtel en substitution, mais le manque de crédits dont il dispose a rendu la pratique de plus en plus rare.
Sans logement, avec deux enfants
Parmi la petite foule, il y a Nasim, 38 ans, que ses collègues de lutte mettent en avant. Père de famille, il est à Marseille depuis plus d’un an explique-t-il en brandissant son attestation de protection internationale, ainsi que celle de sa femme, prouvant que tout deux ont été reconnus réfugiés. “On a été logés à l’hôtel, un peu, il y a longtemps mais après plus rien, pas de CADA, pas de maison, pas d’école, pas d’assistante sociale”. Car Nasim et son épouse sont accompagnés de leurs enfants de 10 et 12 ans, qui n’ont, en un an sur le territoire, jamais pu accéder aux bancs d’une école, faute de domicile fixe.
Le cas de ce chauffeur poids lourd afghan est atypique : il semble que sa procédure d’asile a été si rapide que les services de l’OFII n’ont même pas eu le temps de trouver un hébergement transitoire ni même de mettre en place un suivi pour lui et les siens. La demande d’asile acceptée, ils se retrouvent donc hors de la prise en charge initiale, seuls face à l’immensité des urgences et des démarches qui s’imposent à eux. Et surtout sans toit, naviguant entre la gare Saint-Charles et des squats bondés sans eau ni électricité. “Tout le monde nous dit “après, après”. Y a pas de travail, pas d’école, alors toute la journée on marche, on marche”.
Négociation tendue
Devant les bureaux de l’OFII, alors que le nombre de manifestants augmente doucement, l’agent de sécurité au blouson siglé “Onet” se rapproche du groupe en éclaireur. “Il m’en faut qui parlent français.” Deux jeunes se proposent puis jettent un regard à Claudine, membre du collectif Al Manba (ex-Migrants 13), qui les épaule depuis le début de la matinée. La militante tente de rentrer avec eux. “C’est leur souhait, ils l’ont demandé ! À moi ils font confiance !”, tente-t-elle. “On cherche un terrain d’entente madame, vous n’aidez pas là !”, lui répond le vigile, très investi. Un homme, qui explique travailler pour l’OFII, passe alors la tête par l’entrebâillement de la porte. “Qu’est-ce que c’est que cet argument madame ?”, s’emporte-t-il avant d’interpeller les manifestants en langue farsi. Le court-circuitage fonctionne : deux jeunes gens s’introduisent dans l’OFII pour y être reçus par la direction.
“Ils vont leur retourner la tête ! L’OFII préfère qu’on ne soit pas là pour qu’on soit largués après !”, peste Claudine. Elle qui a suivi les précédentes mobilisations – c’est la troisième fois que le groupe se rassemble ainsi – explique que le mouvement est parti des concernés eux-mêmes. “Les Afghans sont les individus qu’on croise le plus [au sein du collectif, ndlr], ils se sont regroupés et se mobilisent. Progressivement, des Soudanais les rejoignent, avec les mêmes revendications, qui sont générales. Les Afghans ont compris que dublinés, demandeurs d’asile ou réfugiés, ils ont tous droit à un logement.” C’est en effet en ce sens qu’avait tranché le tribunal administratif de Marseille en juillet dernier : quelque soit le statut précis de ces migrants, l’État doit leur garantir l’accès à un logement.
“Une maison, du travail et aller à l’école pour apprendre à parler français”
Tous ont leurs papiers officiels à portée de main. Mohammad n’a que 23 ans, il a déposé sa demande d’asile il y a trois mois. “Pas d’hôtel, pas de CADA, déplore-t-il en anglais, j’ai dit à la plateforme asile que je voudrais des cours de langue, mais il n’y a rien”. En Afghanistan, il était étudiant. Il lève les yeux au ciel avec un sourire triste quand on lui demande si ce sont des problèmes politiques qui l’ont poussé à l’exil. “Ce sont des gens qui viennent de pays en guerre, il n’y a vraiment aucune excuse” à leur refuser un hébergement, constate Christiane Russel, une militante du Réseau éducation sans frontières (RESF) venue soutenir la manifestation. Pour elle, il est clair que la situation s’aggrave au fil des années.
À l’écart, Arif, 26 ans, a la mine épuisée. Il fait bien plus que son âge. Pour parvenir en France depuis le Pakistan dont il est originaire, il se souvient des pays traversés. “Bulgarie, Serbie, Italie…”. Et c’est dans le premier de ces pays que ses empreintes ont été enregistrées. Il fait donc l’objet d’une procédure Dublin. Par deux fois il a été placé au centre de rétention en vue d’être renvoyé en Bulgarie. Par deux fois il s’y est opposé. “Je n’ai jamais rien eu ici, jamais de docteur, jamais de CADA, jamais d’hôtel”, balbutie-t-il en français. Voilà 18 mois qu’il est à Marseille, vivotant “un jour ici, un jour ailleurs”, entre les amis et les unités d’hébergement d’urgence. Quand on l’interroge sur sa santé, il répond abruptement : “Ça va pas.” Ironie du sort, pour échapper à des criminels en Afghanistan, il s’était fait porter pâle pour se cacher dans un hôpital. Une militante l’oriente vers une permanence médicale ouverte à tous à la Timone, dont il n’avait jusqu’ici jamais entendu parler.
Au cœur du groupe, Azeem, grand jeune homme de 36 ans aux cheveux très noirs séparés par une raie au milieu, a, lui, le statut de réfugié. “Non je ne me sens pas en sécurité ! Pourquoi je me sentirai en sécurité, je vis dans un endroit sans eau et sans électricité ! On demande une maison, du travail et aller à l’école pour apprendre à parler français.”, résume-t-il.
La petite délégation des deux Afghans finit par sortir de l’OFII, une feuille A4 à la main pour que chacun note son nom. “On ne donne pas les noms ! On ne sait pas ce qu’il vont en faire de ce papelard ! Ils travaillent avec la police !”, alerte la gouailleuse Claudine. Mais les arguments des représentants de l’OFII ont convaincu.“Comment ils peuvent les aider si ils n’ont pas leurs noms ?”, appuie Christiane Russel de RESF. “Ne mettez les noms que de ceux qui sont en règle”, suggère-t-elle toutefois. “Ils nous ont bien parlé”, commente Hossein, un des deux membres à avoir pris part à la rencontre. Les promesses arrachées ne sont pourtant pas extraordinaires. “Ils ont dit que peut être dans 15 jours, un mois, ils pourront trouver quelque chose, peut-être pas à Marseille. Mais c’est pas grave.”, détaille-t-il la mine assurée, en gardant un œil sur la liste de noms qui s’allonge.
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