Des accusations de racisme secouent EELV en PACA

Enquête
le 30 Oct 2022
21

Un message interne de la co-secrétaire régionale d'EELV Brigitte Apothéloz évoquant la "saleté" des "quartiers délaissés" mais aussi des habitants a été dévoilé sur les réseaux sociaux. Au sein du parti des voix s'élèvent pour dénoncer un événement révélateur du climat interne et demander des sanctions.

Des militants écologistes de PACA rassemblées pour un événement de soutien à Yannick Jadot pendant la présidentielle 2022.
Des militants écologistes de PACA rassemblées pour un événement de soutien à Yannick Jadot pendant la présidentielle 2022.

Des militants écologistes de PACA rassemblées pour un événement de soutien à Yannick Jadot pendant la présidentielle 2022.

“Les quartiers que je nomme “délaissés” sont sales, parfois dangereux, emplis de dealers”. Cette phrase n’est pas la première d’un mauvais film d’action, mais bien celle de Brigitte Apothéloz, la co-secrétaire régionale du parti d’Europe écologie-les Verts dans la région PACA. Dans un mail envoyé en février dernier à une dizaine d’autres membres du parti, dont son homologue Jean-Laurent Felizia mais aussi le député et désormais ex-secrétaire national Julien Bayou, elle va plus loin : “Les habitants y vivent dans un environnement sale car délaissé. Les habitants pauvres manquant de confort donc d’hygiène.” 

Passés sous silence jusqu’à présent, des extraits de ce mail viennent de fuiter sur les réseaux sociaux. C’est la militante Sophia Hocini, candidate de la gauche républicaine et sociale aux dernières législatives dans la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône, qui l’a rendu public. “Quand j’ai eu vent de ce mail [elle ne fait pas partie des destinataires et n’est pas adhérente à EELV, ndlr], j’étais moi-même en campagne. Je n’ai pas voulu faire de vagues et puis il y a cette culpabilité qu’on fait souvent peser sur les victimes de cette violence ordinaire. Les instances font planer une sorte de chape de plomb et inversent les rôles, se justifie la jeune femme. Pour moi qui vis à la Sauvagère [quartier populaire dans le 10e], je peux vous dire que c’est insultant. Et le silence, c’est cautionner ce racisme”.

Marsactu a pu se procurer ce message dans son intégralité. Celui-ci porte précisément sur la question du racisme au sein d’EELV et plus particulièrement au sein du parti dans la région. Brigitte Apothéloz y tente de prouver qu’EELV PACA n’est pas raciste tout en admettant “un habitus culturel de bons blancs”.

“Culture scout” et “gens sales”

La co-secrétaire régionale débute son mail en tentant d’expliquer par “l’humour façon Charlie” des propos pouvant être catalogués, selon elle-même, de racistes, d’un salarié marseillais de la campagne de Yannick Jadot. Selon nos informations, celui-ci aurait employé “M’ame” pour désigner Christiane Taubira et le terme de “blédards” dans un groupe de discussion. Ce qui a suscité l’agacement de plusieurs militants locaux et notamment de deux membres du bureau exécutif régional, Nathalie Morand et Jean-Pierre Cervantès.

Sans préciser dans son propre mail de quoi il s’agit précisément, Brigitte Apothéloz défend : “Ça ne signifie pas qu’il est raciste mais qu’il y eu un propos désobligeant de type raciste. Il a compris que ce trait d’humour était désobligeant et renvoyait à une période colonialiste chère à Zemmour.” Mais la plupart de son argumentaire porte bien sur les “quartiers délaissés”, la façon d’en parler et de traiter la problématique au sein du parti. Prenant Marseille pour exemple.

“Se rendre régulièrement dans le 3e à Marseille à la sortie des stations Bougainville, National, La Rose et vous comprendrez que des habitants de ces quartiers puissent dire que les gens sont sales sans ce que cela soit une parole raciste”, insiste ainsi la co-secrétaire régionale. Puis elle propose “d’accompagner les habitants” grâce à “l’éducation populaire” et “la culture scoute”.

“Ils fliquent les adhésions issues des quartiers”

“Elle défend des propos racistes, parle des gens des quartiers en les stigmatisant. Ce n’est pas acceptable, ce genre de propos me dégoutent”, s’indigne de son côté Hassen Hammou, responsable du groupe EELV Marseille Nord et ancien candidat aux départementales. Sur les réseaux sociaux, il a appelé son mouvement à “réagir”.

Contactée, Brigitte Apothéloz confirme l’envoi de ce mail et son contenu. L’ex-conseillère municipale de Gardanne insiste sur le caractère interne de ce texte qui, pour elle, n’a rien de raciste. “C’était une image, un regard sociologique sur ce qui se passe quand on délaisse un quartier, sur les conséquences sur un quartier quand on ne s’en occupe pas, tente-t-elle en essayant de retenir sa colère. Je parlais de la saleté des rues, j’ai vécu dans ces quartiers.” Quant à la référence à la « culture scoute » pour intervenir dans les quartiers populaires, elle dérape à nouveau : “Le scoutisme prône la fraternité. Mais ce texte n’était pas fait pour eux”. Comprendre, les musulmans.

Pour Hassen Hammou, c’est précisément ce genre d’exclusion qui pose problème dans le fonctionnement de tout le parti qui est selon lui, localement du moins, raciste. “Si aujourd’hui, on n’est pas blanc, pas en bermuda et en sandales, on n’a pas le droit à la parole. Il y a constamment une suspicion et la volonté d’empêcher les gens des quartiers de militer. Par exemple, ils vont systématiquement fliquer les adhésions.”

“Il y a eu une lutte en interne”

Ce dernier point est partagé par Brigitte Apothéloz dans son mail. La co-secrétaire mentionne une proposition qui aurait été faite au sein du conseil du pôle régional “de voter des adhésions à Avignon avec une colonne avis favorables tous sur des noms dits français” et “une longue colonne d’avis défavorables tous avec des prénoms et des noms à consonances de l’autre côté de la Méditerranée.” Une proposition qu’elle juge “intolérable”. “Ça c’est raciste !” s’emporte-t-elle au téléphone.

Le co-secrétaire régional du parti, Jean-Laurent Félizia dit n’avoir eu vent d’aucune proposition de la sorte et refuse de caractériser les propos de sa co-secrétaire comme racistes. Nathalie Morand, porte-parole du parti dans la région, confirme quant à elle qu’un certain nombre de candidatures issues des quartiers populaires ont mis plus de temps à être validées que les autres. “Il a fallu plusieurs mois pour arriver à faire accepter certains militants. Le parti est le reflet de la société. Il y a eu une lutte en interne pour que les gens issus des quartiers soient traités de manière normale”, explique Nathalie Morand. Une méfiance souvent justifiée par des craintes d’“entrisme”, une pratique déjà connue par le passé.

Mais la porte-parole revient aussi sur les écrits de la co-secrétaire régionale. “Ces propos sont intolérables et contraires aux valeurs du parti. Je m’en étais plainte au niveau national à l’époque”, indique-t-elle. Selon elle, Brigitte Apothéloz a écopé pour son message d’un “rappel à l’ordre” de la direction nationale. La question serait donc déjà réglée ? Certains rouvrent le débat. Sur Twitter, le Niçois Saber Gasmi, membre lui aussi du bureau exécutif régional, “demande que des sanctions internes soient prises”. “Si j’étais Brigitte Apothéloz et que j’étais attaqué sur des choses pouvant nuire au parti, même à tort, je ferais en sorte de me défendre de manière libre, en me retirant”, suggère de son côté Jean-Laurent Félizia. “Me retirer ? Pour quoi faire ?, rigole la principale intéressée. Je suis bien moi, dans ce parti. Et on m’appelle “le Che” dans les quartiers Nord.”

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Patafanari Patafanari

    Un bon point: On ne pourra plus traiter les Verts de « Pastèques » ; verts dehors, rouges dedans. Ils sont blancs à l’intérieur, ce sont des « Poires ».

    Signaler
  2. MarsKaa MarsKaa

    Le racisme et le mépris de classe ordinaires en PACA. Heureusement cela choque encore certains.

    Signaler
    • patrick R patrick R

      Dire que certains quartiers sont sales ce ne sont que des faits qu’il est possible de constater tous les jours

      Signaler
  3. didier L didier L

    Dire ” M’am” à propos de Taubira, faire des listes de ” bons” militants en fonction des noms et des origines, c’est raciste ou cela refléte a minima un inconscient raciste.
    Dire qu’à Marseille et ailleurs il y a des quartiers délaissés, mal entretenu, voire carrément sales, où les dealers règnent n’est pas raciste, cela décrit une réalité dont souffrent les habitants quelle que soit leur origine. Là, les politiques, les institutions publiques ont abandonné un terrain qu’il va falloir “reconstruire”. Oui ou non ?

    Signaler
    • Haçaira Haçaira

      Tout à fait d’accord

      Signaler
    • Pascal L Pascal L

      +1
      Et que ceux qui s’indignent de ces propos aillent plutôt se battre pour améliorer les choses.

      Signaler
    • claquette claquette

      Il me semble aussi…

      Signaler
    • Happy Happy

      Je suis d’accord avec la distinction que vous faites. Il me semble que l’article est construit au contraire dans une certaine confusion, en mettant côte à côte des éléments très hétérogènes, pour produire assez artificiellement une accumulation qui ferait “dossier” sur le racisme imputé à certains cadres ou militants d’EELV. Les extraits du mail reproché à Mme Apothéloz, tels qu’ils sont cités, paraissent au contraire bien veiller à ne pas imputer aux habitants la responsabilité de la saleté des rues, mais à suggérer un lien de causalité avec le manque de confort, la pauvreté et l’abandon de leurs quartiers qu’il subissent.

      Signaler
    • RML RML

      Assez d accord…je comprends pas très bien l article qui fait un amalgame surprenant…

      Signaler
  4. Manipulite Manipulite

    Dire que les habitants sont aussi responsables de l’état de saleté de leur quartier n’a rien de raciste. Le rappel à l’esprit civique, le souci de propreté et d’hygiène n’ont rien de stigmatisant. Les pages Facebook quotidiennes montrant des photos de saleté par quartier à Marseille sont la preuve de la réalité vécue.Le politiquement correct empêche de faire le lien selon la sociologie des populations. Il y a peut-être une corrélation. Une analyse à froid devrait pouvoir démontrer s’il y a une inégalité dans la répartition des moyens de nettoyage selon la densité de population. Cette militante EELV a raison de parler sans langue de bois.

    Signaler
  5. Nic Onico Nic Onico

    Bonjour
    Cet extrait de mail est intéressant pour prendre connaissance de tensions, dérapages non acceptables, mais on a du mal à s’y retrouver et à comprendre.

    Signaler
  6. CAT13 CAT13

    On a un peu de mal à s’y retrouver en lisant cet article, à l’image du fonctionnement interne d’EELV où il y des débats incessants sur tous les sujets.
    Sur le début de l’article elle fait un constat, je ne vois pas ce qu’il y a de raciste ou d’offensant, on est dans le fléau du politiquement correct, il faut que certains arrêtent de vivre hors sol, ce n’est pas en mettant la poussière sous le tapis qu’on va régler les problèmes.

    Signaler
  7. TINO TINO

    Tout ça ne masquerait il pas un règlement de compte, des luttes intestines au sein d’EELV Paca.

    Signaler
  8. Clément Yana Clément Yana

    mais elle a raison !!
    en écrivant cela , je deviens donc un raciste !!

    Signaler
  9. p b p b

    oui, il y a des racistes dans tous les partis, ce n’est pas l’apanage du RN.
    de même on peut être de gauche, féministe et transphobe, comme ses retweet me laissent à penser.

    des cons partout quoi.

    Signaler
  10. Maltsec Maltsec

    Une remise en contexte serait nécessaire sur ces mises en causes qui viennent de l’extérieure d’ EELV. Qu’ils soient l’objet d’une déstabilisations et de noyautage en règle n’est pas une surprise. Mais le compte rendu de Marsactu semble considérer que c’est un débat interne? En matière d’idéologie l’excès l’emporte à la longue sur le faible…

    Signaler
  11. kukulkan kukulkan

    beurk. De toute façon EELV PACA avec la destitution d’Olivier Dubuquoy a perdu toute crédibilité

    Signaler
  12. ldmk ldmk

    Pour vivre dans le 3 eme je confirme que c’est extrêmement sale et il est vrai que les dechets ne tombe pas du ciel mais plutôt des fenêtres de certains crasseux

    Signaler
  13. Daniel Bourély Daniel Bourély

    J’avoue que cet article est consternant : on parle de saleté sans indiquer une seule fois le rôle pour le moins faiblard des services de nettoyage. Pas un seul quartier n’est épargné par la saleté à Marseille.
    Rien de nouveau à ça : pour qu’une ville soit propre, il faut des services de nettoyage sérieux. Le sale appelle le sale et dans ce cas-là, la pédagogie ne sert à rien. La propreté est un combat jamais gagné, il doit être remanié en permanence par l’éducation et la solidarité. C’est sûr que plus de cinquante ans de syndicalisme FO soutenu par Defferre n’aide pas dans les mentalités. Regardez ailleurs. Des villes propres, ça existe

    Signaler
    • zehour salmi zehour salmi

      J’avoue

      Signaler
  14. zehour salmi zehour salmi

    Je ne comprend pas ce que veux dire m’am.
    En tout cas c’est scandaleux .Je déteste les raciste ,et oui je m’exprime TRÈS clairement.

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire