Depuis treize ans, le lac du 26e centenaire a des fuites

Depuis treize ans, le lac du 26e centenaire a des fuites

L'histoire sonne comme un exercice de mathématiques pour CM2 : Dans un parc public se trouve un lac d'une surface de 4500 mètres carrés. On sait que l'évaporation normale d'une surface d'eau de ce type dans notre région est de X mètres cubes par jour. Entre le 5 et le 9 octobre, le niveau du lac a baissé en tout de 40 cm. Calculez la quantité d'eau perdue en tout sur cette période, ainsi que la perte potentielle sur un mois. Considérant que le prix moyen du mètre cube est de 2,2 euros, vous évaluerez également le coût mensuel de la fuite.

Dès sa mise en eau en mai 2001, le "lac" du parc du 26e centenaire voit son niveau baisser mystérieusement. La Ville a fini par abandonner et arrêter de le remplir au niveau prévu à l'origine. Elle a également attaqué en justice pour des malfaçons présumées l'entreprise qui a réalisé les travaux. Faute de responsabilité clairement établie, l'affaire traîne depuis treize ans, coincée dans les tuyaux de la justice. La Ville cherchant désormais une entreprise pour la conseiller sur les solutions techniques permettant de remédier à ce mystère digne du tonneau des Danaïdes.

Fuite diffuse

Un dossier de 125 pages, des croquis, des visites sur place. Suite au recours entamé par la Ville en 2006 à l'encontre de la société désignée pour effectuer les travaux, le tribunal administratif n'a pas pris les choses à la légère. A deux reprises, un expert a fait des mesures à partir d'un lac rempli à plein pour l'occasion. Sur la première période, l'expert ne relève rien d'anormal, la baisse du niveau de l'eau ne relevant que de l'évaporation. En revanche, la seconde série d'analyses vient confirmer la fuite que les employés du parc avaient remarquée. Ainsi, entre le 5 et le 9 octobre 2007, le niveau baisse de 40 centimètres soit 8 centimètres par jour. Le rapport publié en 2010 retient "une perte très importante en très peu de jours". Ainsi, "si on s'en rapporte à la superficie du lac, il est possible de considérer que la quantité d'eau perdue est de l'ordre de 1600 mètres cubes". 

La situation est d'autant plus surprenante qu'aucun dégât des eaux n'a été signalé, à part quelques bruits d'eau dans un tunnel EDF. A l'issue des "investigations géotechnnologiques et minéralogiques" menées à la demande du tribunal administratif, il a été retenu que "la fuite est diffuse : il n'a été repéré aucun trou ni élément majeur et probant d'une fuite ciblée". Pour autant, les nombreux essais ont montré que seule la partie "supérieure" du lac fuyait, c'est-à-dire qu'en dessous d'un certain niveau, l'eau reste.

150 000 à 300 000 euros de travaux

A l'issue de la première procédure, le tribunal administratif n'a pas établi de responsabilité. Ni le maître d'ouvrage, ni l'entreprise sous-traitante n'ont été condamnés. La malfaçon a été reconnue mais sans que cela ne fasse avancer l'affaire. Le rapport d'expert de 2010 évoque trois "solutions" envisageables, allant de la réparation d'une jointure pour 134 000 euros à une réfection totale des surfaces pour 240 000 euros et même une solution qualifiée de "radicale" à 334 000 euros. Dans ce cas, il s'agirait de mettre en place une "géomembrane thermosoudée" qui rendrait le fond du lac imperméable.

"Quoi qu'il arrive, ce sera à la ville d'assumer le coût des travaux. Nous retournerons devant le juge après, ajoute Laure-Agnès Caradec. Vous imaginez un particulier dans une telle situation ? On est dans le tempo de la justice…". On imagine bien qu'un particulier aurait fini par remblayer sa mare aux canards depuis fort longtemps, ou se contenter d'un niveau bas. Pour s'assurer de choisir la bonne solution, la Ville repasse donc une annonce en ce mois de janvier pour désigner une entreprise "experte" qui établira un diagnostic et chiffrera les travaux.

Si la Ville tient bon et veut obtenir gain de cause, les fuites du lac ne semblent guère incommoder les quelques promeneurs, bien moins nombreux que la volaille qui peuple le parc. Coqs, poules et canards s'accommodent fort bien du calme relatif de ce lac niché entre l'entrée du Prado Carénage et les petites collines qui le séparent du reste du parc. Ils risquent de ne plus pouvoir s'y baigner pendant quelques mois si le lac est vidé et entièrement refait.