De la porte d’Aix au Racati, des habitantes explorent un quartier accaparé par les hommes

Reportage
le 4 Mai 2019
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Depuis quelques semaines, l'association Ancrages anime des ateliers autour de la place des femmes dans l'espace public dans le 3e arrondissement de Marseille. Marsactu s'est glissé au sein d'une marche exploratoire, point d'orgue de ce cycle. Un parcours réalisé entre femmes pour observer les obstacles à un partage équitable de la ville et du quartier.

Trois participantes à la marche exploratoire dans un jardin pour enfants à proximité de la gare Saint-Charles. (Image LC)
Trois participantes à la marche exploratoire dans un jardin pour enfants à proximité de la gare Saint-Charles. (Image LC)

Trois participantes à la marche exploratoire dans un jardin pour enfants à proximité de la gare Saint-Charles. (Image LC)

Ce n’est pas souvent que la petite place de Turenne sert de point de rendez-vous. Nichée entre la Bourse du travail, des bâtiments flambants neufs et les palissades du chantier de la porte d’Aix, elle consiste en une petite esplanade goudronnée où ont été installés quelques jeux d’enfants, des arbres, et quelques bancs et sièges. La place n’a en réalité pas de nom officiel, c’est le petit groupe que nous rejoignons ce matin-là qui lui en a attribué une, d’autorité. “Elle n’a pas de nom, parce qu’elle va disparaître, mais la transformation urbaine dure …”, explique Barbara Perazzo. Pour l’association Ancrages, la chargée de projet mène depuis fin mars des ateliers et désormais des marches exploratoires ...
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Commentaires

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  1. manu théron manu théron

    Dans un quartier qui subit actuellement une métamorphose déroutante à tous niveaux, un traumatisme urbain qui dure depuis bien plus de vingt ans, la relation des habitant.e.s aux espaces traversés peut-elle être explorée uniquement par le prisme de la mixité ? Voilà qui est certes passionnant, mais interroge-t-on la mixité à Saint-Giniez ou au Roucas (bien) Blanc ? Et qu’est-ce qui est effleuré de la mixité sociale chez les uns comme chez les autres ? Le débat sur la mixité dans l’espace public prend toujours un tour curieux lorsqu’on ne le fait que chez des populations socialement fragiles, dont on questionne les pratiques culturelles de façon péremptoire ou surplombante (trop d’hommes/que des hommes/que pour les hommes) mais surtout non scientifique (on interroge le ressenti sans faire d’observations statistiques). Ça me rappelle le scandale orchestré à La Chapelle (à Paris) ou ce bar en banlieue parisienne, où l’interrogation sur la mixité prend un tour raciste assumé et où sont pointées des habitudes qu’on assigne à des catégories raciales ou confessionnelles. Et où l’on passe sous silence les causes réelles de la misère, les populations maltraitées ou abandonnées par l’état et les pouvoirs publics. Rien dans cet article ne dit que pendant quarante ans, la France a fait venir des hommes seuls d’Afrique du Nord pour travailler sur les chantiers les plus harassants et les plus ingrats, et que beaucoup d’entre eux ont pris aussi l’habitude de se rassembler dans des cafés et autres lieux de sociabilité à l’extérieur, pour échanger, se rencontrer, et pour rendre les traitements infligés au travail et pendant la retraite à peu près supportable. Que rien ne soit dit de cette histoire qui a façonné une grandes parties des pratiques de ce quartier depuis les années 60 est une marque soit de grande ignorance, soit de grande perversité. De même qu’il est inadmissible de dire que que quand on traverse une place remplie d’hommes, la plupart d’entree eux attendent d’être providentiellement embauchés sur des gâches pour la journée, souvent de façon illégale, tant les conditions de vie sont précaires. Et effectivement, peu de femmes étant employées à faire les routes ou à construire ces magnifiques immeubles d’Euromed (je me demande comment est interprétée la non-mixité sur les chantiers d’Euromed par cette association, d’ailleurs), elles n’occupent pas les bars et les terrasses où les travailleurs se rassemblent. Ces espaces ne sont pas “accaparés” par des hommes, personne n’est venu dire “ici les femmes ne passeront pas”, je ne l’ai vu écrit nulle part, ma mère et d’autres dames du quartier que je connais le traversent souvent, de jour comme de nuit, sans ressentir aucune hostilité. Et il y a moins d’hommes assemblés ici dans l’espoir de s’accaparer un territoire qu’au cercle des nageurs, beaucoup moins. Heureusement que les habitantes pointent, elles, ce qui rend ce quartier hostile : l’incohérence urbaine, l’absence d’arbres et de lieux apaisants, de toilettes publiques, toutes les difficultés liées aux usages piétonniers (on pourrait ajouter l’accessibilité pour les handicapés) … mais curieusement, ce qu’on vient questionner et culpabiliser ici ce sont des hommes qui “s’accaparent” l’espace public !

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      Bonjour, ce genre de marche a lieu dans toutes sortes de quartier, et en l’occurrence l’association Ancrages y a été orientée par rapport aux chantiers en cours. Le regard des femmes est un des regards qui permet d’analyser la ville, particulièrement pertinent parce qu’elles y sont, de façon générale, plus vulnérables pour mille raisons. J’entends vos inquiétudes mais je ne pense pas qu’elles soient justifiées ici, d’autant plus quand on connaît le travail de l’association Ancrages.
      Je n’ai pas raconté cette étape, j’aurais peut être du, mais à la porte d’Aix, une des membres de l’association Ancrages a pris le temps d’expliquer des bouts d’histoire du quartier, et notamment celle des chibanis. Personne ne jette la pierre, ne stigmatise, mais le constat est là : ici comme ailleurs les femmes n’osent pas s’arrêter, ne l’envisagent même pas. Et sans ce genre d’expérience , les blocages personnels et structurels ne peuvent pas être désamorcés.
      Quant à une marche exploratoire au Roucas, il y aurait peut-être un obstacle (qui a certainement des biais sociaux et de genre à explorer) : on s’y déplace en voiture. Cordialement

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    • Tarama Tarama

      Le mot “accaparé” n’apparaît d’ailleurs jamais dans le corps de texte. Attention aux titres (trop) accrocheurs…

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    • manu théron manu théron

      Bonjour, et merci pour cette précision concernant le préambule de l’association Ancrage. Travaillant dans ce quartier depuis 20 ans et y ayant habité une dizaine d’années, je trouve inquiétant qu’on décrive les pratiques de ses habitant.e.s et usagers sans interroger un seul instant de les causes et origines autrement que par le prisme de la mixité. Encore une fois c’est une grille de lecture possible, mais absolument pas efficiente, et encore moins exhaustive sur les notions de sécurité, et même sur les questions de sécurité liées à la mixité. Etablir un diagnostic est une chose, mais dire que c’est “l’accaparement” d’un espace par des hommes qui est responsable du sentiment de sécurité, c’est une autre responsabilité. Pour moi, c’est rendre coupable le doigt qui montre le nuage en cas de la pluie. J’entends parfaitement ce que vous dites sur le sentiment de sécurité des femmes. Sur la porte d’Aix, sous mes fenêtres, avant que les pelouses ne soient rasées, des femmes avec leurs enfants s’arrêtaient, s’asseyaient à toute heure du jour, des femmes ensemble aussi venaient discuter, et même des amoureux s’embrassaient, tout ce monde venait prendre le frais parfois jusqu’à tard le soir au moment du Ramadan. Et l’on sentait que la seule présence d’un endroit pour s’asseoir où les enfants puissent jouer, où il y ait un peu d’ombre et un peu de repos possible, que cette unique havre dans le quartier était prisé par tou.te.s les habitant.e.s. Preuve que lorsque l’on donne accès au minimum vital pour que la ville ne soit pas un enfer où l’on passe en courant, tout le monde en profite … les femmes aussi ! Mais bref, la pelouse a disparu l’an dernier, laissant place à un dallage “minéral” et un alignement de platanes plus rectiligne qu’un bataillon d’infanterie. Et l’on y passe en courant comme dans la moitié des places “minérales” de cette ville, soumises en hiver aux tempêtes de Mistral et véritables rôtissoires en été. Quant à la parole et au commentaire des femmes, ils sont effectivement essentiels et présentent une vision de la ville dont tout le monde pourrait profiter. Mais on a l’impression qu’elle est ici guidée et instrumentalisée pour dénoncer un fait, regardé dans son essence “genrée”, et duquel on évacue toute explication historique ou économique. Désolé, mais la présence masculine au PMU ou à l’hippodrome a d’autres explications que le simple accaparement d’un espace par des hommes. Et il en va de même ici. Enfin, c’est pour moi une caractéristique importante des plans de rénovations en cours que d’accuser les habitant.e.s de toutes sortes de tares, et d’incriminer leurs pratiques dans le sentiment d’insécurité (accaparement, occupation, etc…) afin de s’en débarrasser. Quand ce sentiment relève aussi -surtout- de la responsabilité municipale, c’est même plutôt dirigé comme explication. Et quand on apprend en fin d’article qu’on “apporte des outils” dans “dialogue au service de la Ville”. Il faut vraiment faire preuve d’un angélisme invincible pour ne pas comprendre ce que vont en faire lesdits “services”. Là où j’habite actuellement, les Réformés, beaucoup de gens se plaignent “d’épaves avinées” qui errent sur tous les trottoirs, abribus et autres fontaines du quartier. San jamais préciser que la plupart sont des malades mentaux que plus aucune institution ne peut prendre en charge au quotidien comme c’était pourtant le cas depuis la guerre. Et au lieu de considérer l’abandon total et la souffrance qui accable ces personnes, on les accuse de répandre un sentiment d’insécurité. Un grand classique dans le traitement des problèmes de cette ville. Enfin je ne citai pas que le Roucas (bien) Blanc, je parlais aussi de Saint-Giniez, mais sachez qu’il y a plein de gens à pied au Roucas, entre 5h45 et 7h00 le matin, ce sont les “gens de maison”. Quelle est leur sentiment de sécurité à eux, quand la plupart sont payés au black et n’auront ni retraite, ni chômage, ni vacances pour leurs enfants ? Qui est responsable de cette sécurité-là ?

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  2. Opiniatre Opiniatre

    Pourquoi diable vouloir à tout prix expliquer, relativiser, comparer, amoindrir… Et pourquoi nier que pour un pan de la société, les femmes sont considérées comme inférieures. Ne pas faire de généralités trop simplificatrices, mais ne pas se voiler la face (…).
    Mais plus généralement, la ville n’est pas faite pour les femmes, il y a là un chantier important et riche. D’autant qu’en travaillant cette question, on ne va pas seulement s’attaquer à une discrimination, mais inventer un espace public plus convivial, partagé. Merci aux personnes (femmes et hommes) qui s’attaquent au sujet, dans le quartier qu’elles habitent.

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    • Tarama Tarama

      Malheureusement ce pan de la société est assez répandu et multi-facettes si on en croit les statistiques de (non) féminisation des assemblées politiques, conseils d’administration et autres.

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  3. Alceste. Alceste.

    Je ne vois pas le fond de votre commentaire sur certains points . Quel problème voyez vous concernant la mixité au Roucas, avec un jeu de mot bien vaseux au passage d’ailleurs, La mixité Femmes/Hommes ne pose pas de problèmes, comme ailleurs dans Marseille dans la très grande majorité des cas . Si vous parlez de mixité économique , c’est un autre débat. Précision je ne réside pas au Roucas.
    Concernant les incohérences urbaines , elles sont inhérentes à Marseille et si vous me trouvez foule de toilettes publiques ici ou là , je vous remercie de bien vouloir m’en indiquer les lieux, si j’ose dire et ce n’est pas le propre du 3e.De même concernant l’accessibilité.
    J’espère que aurez noté que cette démarche est menée par des femme dont certaines sont du dit arrondissement et non pas par des sociologue en tailleur CHANEL et escarpins GUCCI .Je suppose quelles connaissent aussi un peu le sujet quelles abordent car visiblement le vivant au quotidien visiblement. Mais un témoignage ne fait pas Loi.
    En revanche il y a aussi des faits et des pratiques qui existent concernant la non mixité dans cette partie de Marseille , sûrement pas généralisés mais pour lesquels il est inutile de se voiler la face et cela ne sert vraiment .De plus il est inutile de remonter au débarquement de Sidi Ferruch en 1830 et vers qui je n’ai aucune affection particulière, au contraire., pour expliquer ceci ou cela.Nous sombrons ici aussi dans le cliché.
    En parlant de cliché , essayer d’éviter aussi celui concernant le CNM, il y a des gens très bien et la même proportion d’imbéciles comme ailleurs . Et je ne suis pas membre du Cercle , petite précision.
    Cette partie de Marseille est en difficultés , la mairie y apporte chaque matin sa pierre malheureusement , mais par pitié évitez les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. C’est un peu plus compliqué.

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    • manu théron manu théron

      Absolument, aussi simpliste me paraît l’explication du sentiment d’insécurité des femmes par la seule “sur-représentation” de la présence masculine. Surtout quand la sécurité est une compétence municipale … Quant à la présence des chibanis et le passage d’employeurs illégaux (pour des travaux au Roucas Blanc ?), ils ne remontent pas à Sidi Ferruch, et sont toujours en activité. Quant à la mixité, c’est aussi un peu plus complexe qu’un problème de représentation dans l’espace public. Quant à l’abandon des services de la Ville, il est effectivement nettement plus sensible dans les quartiers populaires qu’à Saint-Giniez. Par contre que voulez-vous dire ici : “il y a aussi des faits et des pratiques qui existent concernant la non mixité dans cette partie de Marseille , sûrement pas généralisés mais pour lesquels il est inutile de se voiler la face”, pouvez-vous être plus explicite ?

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  4. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Il n’est en effet pas nécessaire d’aller chercher des explications du côté de l’immigration masculine pour constater que la ville est depuis toujours faite par des hommes pour les hommes.

    C’est devenu récemment un sujet de préoccupation pour les urbanistes, ou du moins pour certain•e•s urbanistes, pas seulement en France, et pas seulement dans les quartiers populaires : https://www.demainlaville.com/femmes-ville-audrey-noeltner/. Et la question de l’égalité des genres en ville commence à se faire une place dans la formation des architectes et des urbanistes : https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/10/16/dans-les-ecoles-d-architecture-la-parite-en-construction_5369851_4401467.html.

    Merci pour ces témoignages ancrés dans la pratique quotidienne du quartier par ses habitantes.

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  5. Regard Neutre Regard Neutre

    Espérons que ces marches exploratoires débouchent sur un démarche municipale concrète,ourdie de bon sens…Très bon article de Lisa castelly, merci.

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  6. barbapapa barbapapa

    Des bancs, des fontaines, des jardins d’enfants, de larges trottoirs sans voitures, sans motos, sans trottinettes, des pistes cyclables et trottinettables, des wc publics, des arbres, des espaces verts, des terrasses, des zones piétonnes et des zones 30 km/h, une police de proximité, des parkings relais, des bus électriques, des rues propres, etc. la ville qui se transforme en commençant par le Canet, le Merlan, saint Henri et la Capelette, puis on aperçoit des dames qui papotent tranquilles aux terrasses des cafés, les commerces qui reviennent rue de Rome, et rue Vacon… et après on se réveille

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  7. Alceste. Alceste.

    Le rêve, serpent traître éclos dans le duvet,
    Roule autour de mes bras une flatteuse entrave,
    Sur mes lèvres distille un philtre dans sa bave,
    Et m’amuse aux couleurs changeantes qu’il revêt.

    Sully Prudhomme

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  8. corsaire vert corsaire vert

    bravo ! le réveil est dur , le demeurera encore longtemps , et demain ne sera encore pas enchanteur ….

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  9. Chris Huette Chris Huette

    Merci pour cet article Lisa, mais une petite remarque quand même concernant le Roucas : “on s’y déplace en voiture” comme vous dites certes, mais je peux vous dire qu’en tant qu’adepte de la dérive urbaine, j’ai découvert que le Roucas était sillonné de beaucoup de traverses et autres escaliers inaccessibles aux 4 roues, qui en font un terrain d’exploration intéressant et agréable, même s’il ressemble à un désert humain 🙂

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