Dans les 13/14, Benoît Payan inaugure un centre social et peaufine son ancrage

Le maire de Marseille le 18 mars lors de l'inauguration du centre social Saint-Just-Corot. (Photo : LC)

“Quelqu’un sait où est Marion Bareille ? Benoît la cherche !”. Au moment de dévoiler la plaque du nouveau centre social Saint-Just-Corot, l’entourage du maire de Marseille réalise son oubli : la maire de secteur LR est encore à l’extérieur. Le temps qu’elle fende la foule, la photo officielle se fera sans Marion Bareille, remplacée par le conseiller métropolitain Denis Rossi. Sans essayer de corriger le tir, le cortège d’officiels mené par le maire continue sa visite des locaux flambants neufs. Vite noyé dans la cohue des nombreux habitants venus inaugurer un équipement que le quartier attendait depuis des années.

Ce samedi matin, Benoît Payan n’a pas l’air décidé à ménager la mairie de secteur d’opposition. Si plusieurs de ses représentants participent à la visite, aucun ne sera invité à prendre la parole lors des discours officiels. Le maire, lui, s’offre une matinée où il alterne entre les selfies avec les habitants, le cours de peinture avec les tout-petits et pousse même la chansonnette après son discours officiel au son de “knocking on heaven’s door”.

Un projet laissé de côté par l’ancienne majorité

Il faut dire que le contexte donne à l’équipe municipale des arguments pour s’auto-congratuler. Avec ce bâtiment doté d’une surface de 610 mètres carrés, posé à l’entrée de la cité Corot, elle règle un dossier coincé dans les tuyaux administratifs de longue date. Née en 2003, l’association indépendante gestionnaire se préparait à déménager depuis quinze ans. “Les anciens locaux étaient excentrés par rapport à la zone de vie, aujourd’hui, on est situés en face de l’école avec qui on a l’habitude de travailler”, souligne Laure Antignani, directrice du lieu, qui emploie onze équivalents temps plein.

“Quand on est arrivés en fonction, le dossier était à l’arrêt, on l’a relancé”, confirme Ahmed Heddadi, l’adjoint au maire responsable des centres sociaux. La reprise des discussions avec l’association a permis un démarrage des travaux dès 2021. L’accord prévoit que la Ville est propriétaire des murs, mais n’impose pas de passage en délégation de service public à l’association. Coût des travaux : 3 millions d’euros, financés à 50 % par l’État, via l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU). L’État, dont les représentants sont d’ailleurs absents ce samedi.

Le symbole des 13/14

Au-delà de le baptiser du nom de la résistante Germaine-Tillion, la mairie pose avec ce centre plusieurs autres symboles. L’équipement neuf, situé à l’entrée du parc Corot, copropriété en très grande déshérence, doit illustrer le “retour” de la Ville dans ce quartier. Plus tôt, la maire adjointe Samia Ghali rassurait un habitant exaspéré en lui annonçant la démolition “courant 2023” de la tour A, verrue maintes fois squattée, évacuée, au bord de l’implosion.

Auprès de Marsactu, l’élue rappelle sa volonté, illustrée ici, d’avancer sur l’amélioration des équipements, même quand le projet de rénovation de l’habitat d’un quartier n’est pas encore bouclé. “Les gens ont assez attendu”, souffle Samia Ghali. Ces chantiers plus rapides à mener permettent aussi de rendre l’action publique visible, quand les futurs grands projets de l’ANRU dans les 13/14 ne seront pas livrés de sitôt. Les occasions de couper des rubans ne sont donc pas légion, comme le reconnaît le maire lui-même : “Les coups lancés dans les 13/14 sont quasi inexistants”.

Symbolique aussi, cette inauguration dans ce secteur géré entre 2014 et 2020 par le RN, et plus largement longtemps oublié des politiques publiques. “Pendant des décennies, les habitants et les habitants de ces quartiers n’ont pu compter que sur eux-mêmes (…) Aujourd’hui, Marseille est de retour”, appuie le maire dans un discours dont l’écho rebondit sur les barres d’immeuble voisines. Et d’insister face aux habitants réunis : “Sans ces quartiers, Marseille ne serait pas ce qu’elle est, avec vos histoires, avec vos origines”.

2026 en tête

Si le maire appelle à “dépasser les clivages” pour le bien du quartier et salue – sans trop d’emphase – la présence de Marion Bareille, la coloration politicienne de l’opération du jour est difficile à manquer. Tout particulièrement dans ce secteur populaire où en 2020, la gauche, partie divisée, avait choisi de se retirer au second tour devant le risque RN. Offrant à la droite la mairie d’arrondissements pourvue du plus grand nombre de sièges au conseil municipal. Un regret vif pour le maire qui a multiplié ces derniers mois les visites sur place, entre le Mcdo autogéré de Sainte-Marthe, son soutien à la campagne de l’Insoumis Mohamed Bensaada aux législatives et deux lancements de chantiers de groupes scolaires.

Après une semaine marquée, au niveau local, par une bataille devant la justice administrative pour l’annulation du budget 2022 menée un conseiller municipal LR, le maire et son entourage sentent se rapprocher l’échéance de 2026. Et ils s’y préparent.