Dans la tourmente financière, l’aménageur public Soleam s’apprête à supprimer des postes
La société publique locale d'aménagement de la métropole, la Soleam, traverse une crise profonde. Lestée d'un déficit de plus de 500 000 euros pour l'exercice 2023, elle a présenté à ses 70 collaborateurs un "plan de restructuration". L'essentiel de ces économies prendra la forme de réductions d'effectifs d'ici à la fin de l'année.
L'immeuble Noilly-Paradis, où la Soleam vient d'acquérir de nouveaux locaux. (Photo : SH)
La Soleam est en crise. La situation financière de cette société publique locale, filiale de la métropole Aix-Marseille-Provence, son actionnaire majoritaire, est préoccupante et l’oblige à supprimer des postes dans ce qu’on appelle pudiquement un “plan de restructuration”. Ces annonces ont été faites aux administrateurs et aux salariés de l’entreprise, d’abord lors du conseil d’administration de la fin juin, puis lors de deux réunions du comité économique et social (CSE) en juillet.
La Soleam est un acteur connu. Avatar 100% public de l’ancienne société d’économie mixte Marseille aménagement, elle a longtemps été le bras armé de la Ville puis de la métropole, tant dans l’habitat ancien du centre-ville que dans les grandes zones d’aménagement, comme celle de la Valentine (11e), de la Capelette (9e), de Château-Gombert (13e), ou du Vallon de Régny (9e). Ou encore lors de la très controversée requalification de la Plaine. Mais, depuis quelques années, le fameux bras armé est de plus en plus faible.
La société accuse pour l’année 2023 un déficit de 563 000 euros, confirme sa direction.
“Pour la 3ᵉ année consécutive, les résultats de la société sont négatifs”, décrit une synthèse transmise au CSE. “La projection pour 2024 est (…) négative, le budget consolidé est déficitaire à hauteur de 842 000 euros”, fait état ce compte rendu à l’adresse des quelque 70 collaborateurs de l’entreprise. “Une analyse fine des résultats financiers des cinq dernières années démontre que les charges société génèrent un déficit de 700 000 euros”, dit encore ce document. “Le déficit de l’année 2023 est de – 563 000 euros”, précisent à Marsactu, par écrit, Jean-Yves Miaux le directeur général et Jean-Paul Kaplanski, le directeur général délégué.
Départs volontaires… puis licenciements
De ce fait, le conseil d’administration de la société a missionné la direction générale pour établir un plan de redressement. “Ce qui m’intéresse, c’est que cette société qui a des compétences et de la qualité puisse perdurer. Les mesures de fonctionnement à prendre reviennent à la direction générale et c’est à elle de les mener à bien”, pose Yves Moraine, élu départemental Les Républicains et président du conseil d’administration. Ces économies que la société doit instamment réaliser se feront en priorité sur la masse salariale. “Étant une société de services, nos charges sont constituées à 70 % de charges de personnel. Il y aura donc de manière induite un effet de réduction sur les effectifs en privilégiant dans un premier temps les départs volontaires, dont les personnes devant prochainement prendre leur retraite”, confirment les deux DG de la Soleam sans donner plus de détails.
Deux assemblées générales se sont tenues les 11 et 25 juillet avec l’ensemble des personnels, pour présenter aux salariés de la Soleam les contours plus précis de ce plan de restructuration “visant à assurer la pérennité de [l’]entreprise et à répondre aux défis économiques actuels”. Il doit être finalisé d’ici à la fin de l’année et prévoit “la suppression de neuf postes” : “Cette mesure est indispensable pour aligner nos coûts avec nos revenus et assurer la viabilité de l’entreprise”, détaille encore un document interne. Sont ciblés les 32 salariés en CDI des fonctions dites “support” : gestion du foncier, des questions financières, pôle action sociale…
Dans un premier temps la société publique locale propose à ses personnels des départs volontaires – favorisés d’ici au 31 août –, de même que les retraites anticipées. “À l’issue de cette période durant laquelle nous étudierons les demandes de départs volontaires, si le nombre de départs n’est pas suffisant, nous serons dans l’obligation de procéder à des licenciements contraints”, lit-on dans cette note qui indique que la mise en œuvre effective des licenciements économiques contraints se fera à compter du 1ᵉʳ octobre 2024.
Gel des salaires
En outre, le plan prévoit le gel de tous les salaires pour 2024, la suppression de deux jours de congés supplémentaires, la suspension de versements de l’entreprise vers un dispositif de retraite complémentaire ou encore la fin des locations de places de parking.
En interne, après l’électrochoc des annonces, l’ambiance est à la résignation, indique-t-on à Marsactu. Même si plusieurs voix se sont levées pour pointer des aspects problématiques dans la gestion et le pilotage de la société publique. Notamment la coexistence, depuis octobre 2023, de deux directeurs : Jean-Yves Miaux, directeur général, et Jean-Paul Kaplanski, directeur général délégué, appelé à lui succéder en mars 2025.
Ce binôme est perçu comme un handicap à l’interne : onéreux et peu efficient dans son organisation. “Deux DG, c’est la meilleure solution pour que personne ne prenne de décision et à la sortie, on a quelque chose d’inefficace”, soupire un administrateur sous couvert d’anonymat. Ce n’est un secret pour personne que les deux hommes sont désormais à couteaux tirés. Interrogé sur le sujet par Marsactu, le binôme ne répond pas sur sa possible inefficacité, mais évoque une “transition managériale” avalisée par le CA en octobre dernier.
Baisse des opérations
Pour ce qui est des causes qui ont généré ce déficit, la direction générale de cette filiale de la métropole reconnaît qu’elles sont à la fois structurelles et conjoncturelles. Elle renvoie également vers le manque d’opérations commandées par certains de ses actionnaires, la Ville de Marseille en tête. “Il est à noter qu’aucune nouvelle opération n’a été confiée à la société par la Ville de Marseille, actionnaire de la société à hauteur de 20 %, depuis 2020, à l’exception d’un avenant au mandat pour les places Muselier et de l’Honnêteté pour une rémunération inférieure à 50 000 euros”, explicite une note préparatoire au conseil d’administration de juin qui observe aussi que la Soleam ne travaille pas avec les deux Spla-In (sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national) créées à Marseille pour l’habitat ancien du centre-ville et le plan écoles.
Un administrateur tempère toutefois cette lecture : “Certes, la Ville a commandé moins d’opération à la Soleam. Mais il ne faut pas en faire la cause première. Le problème, c’est d’abord une inadéquation entre les charges de l’entreprise et ses recettes ! Il faut clairement des mesures analytiques des opérations pour être sûr que lorsqu’on les lance, on va gagner de l’argent et non en perdre. C’est tout un système qui doit être modernisé.”
La Soleam est restée dans une gestion professionnelle, mais patiente, un peu passive.
Patrick Amico, adjoint marseillais chargé du logement
Patrick Amico, adjoint chargé de la politique du logement de la Ville de Marseille, qui siège également au conseil d’administration, convient que la commune a moins sollicité l’aménageur ces dernières années : “Mais ce n’est pas le cœur du problème. La Soleam est victime de situations qui l’ont dépassée, comme les coûts d’aménagement qui ont explosé. Mais ces problèmes, elle les voit venir depuis longtemps et n’a pas réagi en amont. Elle est restée dans une gestion professionnelle, mais patiente, un peu passive.”
Les promesses de “rationalisation”, “modernisations”, “digitalisation” et “projection financière de la société” promises par le tandem à la tête de la Soleam n’écartent pas un scénario redouté par nombre de collaborateurs : la possibilité d’un rapprochement avec un ou plusieurs acteurs du secteur. Piste étudiée par la métropole, confirme la direction générale : “C’est une réflexion à plusieurs niveaux qui est en cours, prenant en compte les situations économiques, les plans de charges, le pilotage des opérations, mais aussi les possibles mutualisations.”
Départs en série et atmosphère “toxique”
Dans les rangs des 70 collaborateurs de l’aménageur local, cette séquence compliquée est vécue comme la continuité d’un management “brutal” et d’une ambiance “toxique”, selon les termes d’une source, qui a quitté la société. Ces conditions de travail, sur fond de déménagement du siège de la société vers de nouveaux locaux acquis rue Paradis, ont conduit ces derniers mois à un turn over important pour une entreprise de cette taille. Une source a dénombré une quinzaine de départs – démissions, arrêts maladie, licenciements, retraites anticipées.. – depuis octobre 2023 ; une autre voit là “une hécatombe” et estime qu’entre “2022 et aujourd’hui, 35 et 40 à personnes sont parties, certaines dégagées de manière inappropriée”. Ces départs sont, pour la direction, l’un des contrecoups du Covid-19 avec des salariés qui nourrissent “de nouvelles aspirations moins centrées sur le travail”.
Reste que plusieurs de ces départs sont assortis de procédures aux prud’hommes. Par ailleurs, un courrier de la direction départementale du travail adressé, le 18 avril 2024, au directeur général de la Soleam et à sa directrice des ressources humaines, rappelle que les services de l’État ont été destinataires en juillet 2023 de trois saisines “qui ont toutes pour objet le mal-être” au travail de trois membres du personnel.
Cette lettre détaille aussi le fait que “de nouvelles plaintes d’un nombre important de salariés de [l’]entreprise pour des faits identiques engendrant une souffrance au travail” lui ont été adressées. La direction du Travail tance aussi la direction pour son manque d’action dans la détection, jugée insuffisante, des risques psychosociaux et l’enjoint à se mettre en conformité. Les deux directeurs généraux assurent à Marsactu qu’un “accompagnement renforcé” sera mis en place pour les collaborateurs impactés par les réductions de poste. Pas sûr que la réponse soit à la hauteur de l’anxiété ambiante.
Commentaires
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Cet article ressemble non pas à la chronique d’une mort annoncée mais plutôt à un avis de décès.
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Je ne comprends pas pourquoi un tel établissement, soumis aux règles du droit privé bien que son capital soit 100% public, ait à sa tête un pur politique de profession, avocat sans prédisposition spéciale à la gestion d’une entreprise commerciale (Mr Moraine dont nous ne connaissons pas le salaire, successeur de Mr Royer-Perreaut, autre grand gestionnaire) . Passons sur le gag des 18 mois de “transition managériale” nécessaire à un successeur (encore un juriste) dans la place depuis des années et des années. N’oublions pas qu’il s’agit d’une entreprise de 70 salariés avec DEUX DG (dont nous ne connaissons pas les salaires). Tout ça coûte. D’autre part, le capital est actuellement partagé entre la Métropole 70%, la municipalité de Marseille 15% et le département 15% (chiffres arrondis). Pourquoi indiquer la seule diminution des commandes de la seule Ville de Marseille (sachant qu’une bonne partie des aménagements urbains dépendent de la Métropole) ?
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Très surpris moi aussi par une gestion déficiente qui va entraîner des départs négociés ou des licenciements parmi le personnel non responsable de la situation.
Et pourquoi pas le départ des Directeurs défaillants ?
La gestion de l argent public mérite plus de rigueur…
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Moraine, clochard de la gestion et du management ?
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Richard Mouren.
Si ma mémoire est bonne la SOLEAM est une SPL,société publique locale
Capitaux publics, fonctionnement privé ce qui permets de virer les gens et notamment les salariés contrairement au fonctionnement de ses actionnaires au passage Énorme avantage,pas de mise en concurrence.
Donc si vous voulez tuer votre SPL vous ne lui donnez pas de travail.
Nous passerons l’armée mexicaine, 70 personnes pour 45 millions d’euros .
Les jours sont comptés pour la SOLEAM.
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Il est triste que des gens perdent leur emploi pendant que des directeurs profitent anormalement de restaurants et roulent en Audi sur le compte de cette société et donc des contribuables…
Il n’y a de respect ni pour l’humain ni pour l’argent public dans cette société
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Tiens donc, l’aménagement du territoire de l’Aire Métropolitaine est une activité commerciale, soumise à un impératif de rentabilité ?!
Il est vrai que dans Société Publique Locale, il y a Société, donc comptabilité, compte de résultat etc. Est-ce une raison pour rester scotché aux fichiers Excel et leur chiffre en bas à droite ?
Messieurs les actionnaires, définissez la mission, et taillez les effectifs en conséquence. Certes, il faut surveiller l’efficience du service public, autre mot pour rentabilité. Mais comme pour un chien dont on dit qu’il aurait la rage, une société publique déficitaire ne se sabre pas sur un déficit.
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Théoriquement ce type d’organisation est formatée pour les missions qui lui sont affectées.
D’autant plus que ces structures ne sont pas mises en concurrence, cela est quasiment de la régie.
Alors SOLEAM surstaffée, sous employée ou bien décision politique de la flinguer pour des raisons x ou y. Cela ressemble à un petit règlement de compte.
J’ai jeté un œil sur la métropole lyonnaise, de ce que j’en ai vu, il semble qu’ils ont une structure équivalente mais totalement intégrée à l’institution métropolitaine. La différence, des techniciens et pas de politiques.Cecu expliquant en partie cela.
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Pour une fois Alceste je totalement d accord avec vous….Il n en demeure pas moins que des travaux d aménagement prévus de longue date et attendus par la population sont en stand bye et ne pourront être livrés dans les temps
Ces mauvaises organisations de gestion de l argent public ont un impact sur tout le monde
Les salariés et les habitants…
Tout ça à cause d une gestion déplorable et un enrichissement des actionnaires au détriment du service public
Et oui la seule solution est celle adoptée par la métropole de Lyon dans l intérêt général
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Très surpris moi aussi par une gestion déficiente qui va entraîner des départs négociés ou des licenciements parmi le personnel non responsable de la situation.
Et pourquoi pas le départ des Directeurs défaillants ?
La gestion de l argent public mérite plus de rigueur…
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Pagnol qui au final était plus parisien que marseillais avait bien résumé la situation locale avec son ” bon à rien et mauvais en tout.
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Un mélange d’armée mexicaine, de lourdeur administrative, de management discutable, de procédures,d’avantages tout aussi discutable etc … bref à l’image du reste, il serait temps d’y mettre un peu d’ordre après Marseille aménagement, puis la Soléam quoi d’autre ?
Pendant ce temps Marseille attend !
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Jeanne ,les actionnaires c’est nous .
Et je ne m’enrichis pas vu la hausse de nos impôts pour financer ces structures.2 directeurs généraux et un président pour 45 millions de chiffre d’affaire.Il faut bien que les couillons,pardon les contribuables payent.
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Si dans un palais un clown émerge il ne devient pas roi mais le palais devient un cirque…
Et cette société est une véritable fabrique de clowns.
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@Alceste : vos chiffres sont faux, le CA de cette entreprise est bien moindre et le flux de 45 M€ est celui de ses opérations, pas ses revenus (5/6 M€) à opposer à ses dépenses.
D’ailleurs M. AMICO serait avisé de se taire lui qui, administrateur, n’est jamais venu au CA, à l’image de la Ville de Marseille qui n’est présente à aucune instance de cette structure depuis l’arrivée du PM au pouvoir (CA, CAO, AG des actionnaires, etc.).
Toujours intéressant de télécharger et lire les documents, nécessairement publics (comptes, relevés d’AG, etc.) publiés par ce genre de structure. J’invite chacun à faire de même avec EUROMED, la SPLAIN, la SPEM ou, plus drôle, l’EPAD Ouest Provence. Encore faut-il en faire l’effort évidemment.
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Pour avoir suivi il fut un temps les péripéties d’une opération où la SOLEAM devait intervenir, il me semble que se focaliser sur les risques psychosociaux est une façon (commode ?) de noyer le poisson pour éviter de parler de l’incompétence qui régnait à tous le niveaux. Ou pour éviter de poser la question des critères de recrutement des personnels.
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