Bientôt une aire marine protégée dans la rade de Marseille

Info Marsactu
le 19 Sep 2022
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Selon les informations de Marsactu, d'ici à la fin de l'année, une aire marine protégée va être mise en place dans la rade de Marseille. Elle devra permettre une mutualisation des moyens pour la défense de l'environnement. À terme, une nouvelle réglementation pourrait être envisagée.

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L'aire couvrira la rade notamment au large des plages du Prado et autour du Frioul. (Photo : VA)

L'aire couvrira la rade notamment au large des plages du Prado et autour du Frioul. (Photo : VA)

Elle s’étalera sur 850 hectares. Dans les prochains mois, une importante surface de la rade de Marseille passera sous le statut d’aire marine protégée, a appris Marsactu. Zone de protection renforcée de l’environnement, elle comprendra, grosso modo, la bande des 500 mètres autour du Frioul, ainsi que la concession sur laquelle reposent les récifs artificiels du Prado, située entre les plages du même nom et l’archipel. Techniquement, cette zone se situe déjà dans le périmètre de “l’aire maritime adjacente” du parc des Calanques. Un espace administrativement déjà considéré comme une aire maritime protégée, mais dans laquelle aucune réglementation, ni surveillance spécifique n’existe*.

Concrètement, le Conservatoire du littoral, établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, va devenir propriétaire de la nouvelle zone délimitée. Sa gestion dépendra alors d’un comité de pilotage où siègeront aussi la Ville de Marseille et le parc des Calanques.

Périmètre de la nouvelle aire marine protégée. (Document Marsactu)

“En PACA, nous avons sept aires marines protégées, mais aucune dans les Bouches-du-Rhône. Nous allons pouvoir valoriser cet espace, y faire de la médiation et de la pédagogie”, annonce avec fierté François Fouchier, délégué régional du Conservatoire du littoral. Ce nouveau périmètre engendrera également une surveillance renforcée, afin de faire respecter les règles déjà en vigueur. Voire, la création de règles supplémentaires.

C’est aussi un moyen de coller mieux à la feuille de route municipale en terme d’écologie, de biodiversité et de décarbonation.

Hervé Menchon, adjoint au littoral

“Cela permettra d’augmenter le niveau de protection, réagit Hervé Menchon, adjoint au maire de Marseille chargé de la mer. Pour nous, c’est aussi un moyen de coller mieux à la feuille de route municipale en terme d’écologie, de biodiversité et de décarbonation. À terme, le dispositif ressemblera à un cœur de parc”. L’un des objectifs de l’opération est aussi de permettre une continuité écologique avec le parc des Calanques, qui comprend déjà la partie terrestre des îles du Frioul.

“Personne n’en a entendu parler”

La nouvelle réglementation pourrait, à terme, porter sur la pêche. Sur le Vieux-Port, quai des Belges, ils ne sont plus beaucoup à vendre du poisson. Isabelle* fait partie des derniers Mohicans, mais n’a jamais entendu parler de la future aire marine protégée. “45 ans que je suis ici ! Et c’est de plus en plus dur. On nous empêche déjà tout, qu’est-ce qu’on vient encore nous faire chier ?”, s’emporte-t-elle quand on lui partage la nouvelle. En déplaçant les soles de son étal, elle poursuit : “Je ne suis pas une tueuse moi, je suis une protectrice. Les petits, on les relâche. Je suis en première ligne pour voir les changements de l’environnement, mais on ne peut plus pêcher nulle part.”

Actuellement, la pêche est interdite au-dessus des récifs artificiels, mais encore autorisée autour du Frioul. “Heureusement, je pêche plus loin”, souffle Isabelle, fille et petite-fille de pêcheurs. “Ils ne sont plus très nombreux, mais les pêcheurs de Marseille ne vont pas être contents du tout”, confirme William Tillet, de la prud’homie de pêche. Basé à Martigues, celui-ci a vécu il y a quelques années un changement similaire, avec la création du parc marin protégé de la côte Bleue. Un mauvais souvenir qui l’empêche de croire à la création de cette nouvelle aire protégée. “Personne n’en a entendu parler. Pour la côte Bleue, il y a eu une enquête publique, c’est obligatoire”, insiste-t-il.

Il n’y aura pas de changement de réglementation sur la zone à court terme.

Pourtant, le projet est avéré. Et la tenue d’une enquête publique n’a, pour le moment, rien d’obligatoire. En effet, aucune modification de la réglementation n’est prévue. En tout cas, pour le moment. La signature qui acte le transfert de propriété de l’État au Conservatoire du littoral et la création du comité de pilotage tripartite doit d’abord avoir lieu. Avant la fin de l’année, nous confirment les acteurs concernés, qui ont jusqu’ici gardé pour eux ce projet. L’écriture d’un nouveau plan de gestion n’arrivera que dans un second temps, courant 2023, et pourra alors faire l’objet d’une enquête publique.

Musée et surveillance accrue

Parmi les premières actions de pédagogie liées à l’aire marine, la création d’un lieu d’information au Frioul. Il sera hébergé au sein de la villa marine, bâtisse militaire située à quelques centaines de mètres du débarcadère de la navette, en allant vers la plage Saint-Estève. “Ce sera un lieu dédié à la connaissance des îles et des fonds marins, où l’on fera de l’éducation environnementale avec un espace muséographique”, explique le délégué du Conservatoire du littoral. L’inauguration de ce lieu est prévue pour la fin 2023. D’ici là, les usagers du pourtour du Frioul et de la zone située entre Pomègues et le Prado risquent de ressentir les effets de la création de l’aire marine par un autre biais : la surveillance dans cette zone sera renforcée.

“Concrètement, les agents municipaux et ceux du parc seront assermentés par le conservatoire, avec un insigne bleu, blanc, rouge pour surveiller quotidiennement la zone”, détaille encore François Fouchier. Et donc, mettre des amendes si le droit maritime n’est pas respecté. S’il incombe déjà à la mairie de Marseille de surveiller la zone des récifs artificiels, ses agents pourront désormais aussi faire des rondes autour du Frioul. Pour ceux du parc des Calanques, cette nouvelle zone s’ajoute entièrement à leur périmètre.

Cela impliquera-t-il pour autant des moyens supplémentaires ? “Les agents du parc passent déjà dans cette zone quand ils se rendent sur les îles du Frioul”, répond dans un premier temps Didier Réault, président du parc national. Avant de noter tout de même qu’un “surcroit de travail et donc d’investissement” est forcément à prévoir : “Il me faut des moyens, que cela soit assorti d’engagement de l’État”. Selon le président du parc, qui espère à cette occasion passer de 54 à “une soixantaine d’agents”, les discussions concernant le budget sont toujours en cours.

Après la médiation, l’évaluation, puis les sanctions ?

Du côté du Conservatoire, on envisage au contraire la création de l’aire marine protégée comme une façon de pallier le manque de moyens de l’État et de décentraliser les questions environnementales. “On peut protéger la nature par la loi et je ne dis pas qu’il ne faut pas de règlementation. Mais ce n’est que quand les gens s’approprient un patrimoine que la partie est gagnée”, veut croire François Fouchier, qui espère ne pas avoir à vraiment faire la police sur cette zone.

Le délégué régional du conservatoire du littoral dit tout miser sur la médiation, au moins dans un premier temps. “Ensuite, nous évaluerons les résultats et si cela ne suffit pas nous serons force de proposition pour mettre en place des aménagements et fixer des règles”, prévient-il. Un travail qui devra se faire en concertation avec les professionnels et les usagers de la zone, promet François Fouchier. Il a déjà des idées de sujets : un plan de mouillage ou encore la fin des “bateaux boîtes de nuit”.

*Précision sur la présence de l’aire maritime adjacente apportée le 21/09/2022.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    L’été qui s’achève a montré en vraie grandeur que les équilibres environnementaux de la planète commencent à s’effondrer. Mais aux yeux de certains, ce projet d’aire protégée, c’est “faire chier”. Consternant de myopie.

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  2. barbapapa barbapapa

    Il serait opportun de créer l’aire marine protégée à Marseille même, en se servant des fabuleuses dispositions de la digue du large et de la digue des Catalans. Parce que les lieux sont ultra propices à y faire revenir tout un tas d’espèces aujourd’hui éradiquées par la pêche, amateur et professionnelle : mérous, rascasses, chapons, sars tambour, corbs, moustelles, langoustes, homards, cigales, poulpes, etc De plus les loups, sars et dorades pourraient y passer au stade adult et y vivre paisiblement. Parce qu’on peut s’y rendre facilement. Parce qu’on ne serait pas obligés de se faire racketer par la compagnie des navettes du Frioul. Parce que la réserve des récifs immergés du Prado est trop profonde et non propice à la reproduction de nombreuses espèces. Parce que ce serait bon pour l’économie de Marseille et pour le plaisir des marseillais.

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  3. vékiya vékiya

    ce projet est parfait

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  4. BRASILIA8 BRASILIA8

    En dehors de la communication l’impact des “protections” est très aléatoires
    voir l’autorisation de chasser des espèces en danger dans le Parc des Calanques

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