La Croix-Rouge cède son service d’aide à domicile et ses 320 salariés

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le 30 Mar 2016
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Ce mercredi, les salariés de la Croix-rouge française sont en grève. Ils protestent contre le projet de cession du service d'aide et d'accompagnement à domicile. Ce service emploie 320 personnes à Marseille.

Le siège de la croix-rouge française, rue du docteur Simone Sedan, à Marseille.
Le siège de la croix-rouge française, rue du docteur Simone Sedan, à Marseille.

Le siège de la croix-rouge française, rue du docteur Simone Sedan, à Marseille.

Les drapeaux ne sont pas en berne mais le moral des salariés est loin d’être hissé haut. Ce mercredi, les employés de l’unité locale marseillaise de la Croix-Rouge française sont en grève et font le piquet devant le siège de la rue docteur Simone-Sedan (5e) toute la journée. Un évènement rare dans l’histoire de la société nationale comme dans celle de l’implantation marseillaise, riche de 140 ans d’histoire. Généralement, à la Croix-Rouge, on apprécie une discrétion plus fidèle aux racines suisses de la maison. “C’est exceptionnel”, reconnaît-on à la direction.

Le phénomène est d’autant plus rare que Marseille n’est pas la seule touchée : les mêmes piquets seront visibles au siège parisien et dans bon nombre de territoires concernés. Les salariés profitent de la tenue d’un comité central d’entreprise pour contester la politique sociale de l’association et plus spécifiquement le plan de cession de sept des services d’aides et d’accompagnement à domicile sur 27 (SAAD), dont celui de Marseille.

320 salariés concernés

Ce service emploie près de 320 personnes à temps complet et à mi-temps qui interviennent aux domiciles de personnes le plus souvent âgées et en grande fragilité. Elles y préparent les repas, font les courses, aident à remplir les papiers et à faire un brin de promenade. Pour les salariés, c’est un pan de l’histoire du mouvement qui prend fin. “Nous entendons dénoncer la politique mise en œuvre par la Croix-Rouge qui met à mal les valeurs humanitaires du mouvement au nom du seul principe de rentabilité, conteste Anne Taquet, secrétaire du comité central d’entreprise. La direction reproche à l’aide à domicile d’être déficitaire mais les 38 millions d’euros de déficit constitue à peine 1% du chiffre d’affaires global sur le territoire”.

L’élue CGT prend pour exemple le service d’aide à domicile des Bouches-du-Rhône pour vilipender les choix de la direction nationale : “En 2011, il était question d’agrandir ce service, de le restructurer pour le rendre performant et cinq ans plus tard, on le vend ? Entre temps, beaucoup de choses n’ont pas été faites pour rééquilibrer ce service.”

“Les pertes cumulées représentent 40 millions sur cinq ans ; c’est-à-dire 7 à 9 millions par an. Cela paraît peu en regard du budget global d’1,2 milliard d’euros mais les dons ne peuvent servir à éponger nos déficits”, constate Jean-Christophe Combe, directeur général adjoint de la Croix-Rouge. Le cadre met en avant la “taille critique” qui ne serait pas atteinte et la nécessaire “rentabilité” du service pour faire face dans un secteur concurrentiel.

Partenariat associatif

De fait, la cession des services d’aide à domicile prend la forme d’un partenariat avec une fondation, OVE, avec laquelle la Croix-Rouge va créer une structure conjointe pour continuer à gérer ces services. “Si nous avions réellement des intentions purement économiques, nous aurions choisi une structure à but lucratif, se défend le directeur général adjoint. Nous avons choisi une fondation avec laquelle nous partageons des valeurs humanistes. Si elle n’a pas l’expérience du secteur, elle a fait ses preuves dans le champs du handicap et compte réaliser des investissements importants. C’est justement par ce partenariat que nous atteindrons la taille critique nous permettant de faire face à la concurrence.”

Les représentants des salariés ne cèdent pas à ces sirènes. “Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait qu’ils vont réaliser ce plan de cession malgré notre opposition mais nous voulons des garanties sur le maintien de nos emplois, regrette Fatima Gomez, déléguée CFTC au CE de l’unité marseillaise. Ils oublient de dire aussi qu’en étant reversés dans cette nouvelle structure nous allons changer de convention collective.”

Là encore, Jean-Christophe Combe ne nie pas ce glissement : “La nouvelle structure adoptera la convention du secteur de l’aide à domicile. Jusque-là, nous avions notre propre accord d’entreprise. Cette nouvelle convention sera plus adaptée au travail des salariés”. Mais comme tout n’est pas rose au pays de la Croix-Rouge, la structure a été condamnée le 12 novembre dernier pour “délit d’entrave” à l’encontre du comité central d’entreprise par le tribunal de grande instance de Paris qui a, dans le même mouvement, suspendu un temps le projet de cession. Cet  été, les élus du personnel avaient appris par voie de presse le projet de cession porté par la direction. “Nous avons communiqué un peu trop tôt”, commente sans fard le directeur.

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Commentaires

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  1. JL41 JL41

    Dans plusieurs secteurs, aide aux particuliers ou alphabétisation, la Croix Rouge fait appel à des volontaires bénévoles qu’elle encadre et forme au besoin. Ce système n’est-il pas plus satisfaisant ?

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Le bénévolat pour remplacer des salariés ?

      Signaler
  2. JL41 JL41

    La Croix Rouge est une association de 18 000 salariés et de 56 000 bénévoles, dont le déficit attendu cette année est de 17 M€. Il s’agit d’une organisation hors normes, entre système marchand et bénévolat, dont un cinquième au moins des salariés seraient en infraction par rapport à la durée légale du travail. Elle intervient dans les situations d’urgence, elle pallie à des carences de l’Etat et à un certain manque de solidarité de la population. Une solidarité dont on découvre qu’elle existe lorsqu’on facilite son expression. C’est le cas dans les rondes de nuit assurées par la Croix Rouge auprès des SDF, ou des cours d’alphabétisation, dont personne ne dirait, sauf toi peut-être, que ces cours remplacent les salariés de l’Education Nationale. La Croix-Rouge agit face à des carences. Faut-il qu’elle se substitue à l’aide à domicile dont des organisations privées subventionnées s’occupent ? La Croix-Rouge a besoin d’assainir sa gestion et elle doit garder sa mobilité pour faire face aux situations d’urgence.

    « Le bénévolat pour remplacer les salariés ? », j’aurais dû me douter que tu étais là prêt à bondir. Ce n’est pas la question que je voulais poser. Il ne s’agit pas d’emplois de salariés d’un IMP ou de médecins que le bénévolat ne peut remplacer. Encore que de nombreux médecins sont bénévoles à la Croix-Rouge, où ils remplacent évidemment des salariés que l’organisation n’aura pas à rémunérer, ce qui lui permet de décupler son action ailleurs.

    Je ne me posais pas en analyste de la situation sociale des salariés de la Croix-Rouge, je ne tenais pas un discours syndical, mais je réagissais en simple citoyen qui se réjouira toujours de l’implication bénévole de ses semblables.

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  3. LN LN

    Dans tous les métiers il faut des professionnels formés. On toujours tendance à penser que les aides à domicile sont de simples femmes de ménage. Pourtant, au regard des coûts de prise en charge en maison de retraite et au déracinement violent vécu par les personnes âgées qui sont souvent désorientées, le maintien à domicile reste la meilleure des solutions dans la mesure où la personne est encore en sécurité.
    On n’est plus, depuis bien longtemps, dans l’aide mais dans un marché juteux bien portant (en particulier à Marseille) que se partagent quelques gros qui ont bien compris que l’avenir c’est les vieux, en embauchant ces nouvelles esclaves que sont les aides à dom. On leur en demande toujours plus dans leurs tâches situations graves en cas d’urgence, absence des familles, des responsables, soins, gestion du quotidien, prise de décision… pour le smic et temps partiel subi, souvent sans aucune reconnaissance,
    Les assos qui “tenaient” la route disparaissent. Le rapport tripartite personne âgée/aide à dom/institution n’existe quasiment plus. Il faut plutôt concurrencer avec la nouvelle boite qui rafle le client (on ne parle plus de bénéficiaires) avec souvent la bénédiction du Conseil Général qui distribue à gogo des agrément à n’importe qui.
    Posons-nous alors cette question : accepterions-nous que les enfants dans les crèches subissent ce que les personnes âgées et leurs accompagnante(s) non bénévoles vivent dans leur prise en charge ? Pourtant, les plus petits comme les plus âgés sont des personnes dépendantes.
    La disparition de ce service de la Croix Rouge est inquiétante : l’éthique passe à la trappe et je demande à voir qui va le racheter.

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