Conseil général : les nouveaux cantons et le qu’en-dira-t-on

Conseil général : les nouveaux cantons et le qu’en-dira-t-on

Être élu, c’est aussi avoir l’oeil sur le scrutin d’après. C’est faire campagne pour les municipales de mars, mais se préoccuper des cantonales de 2015, dont le fonctionnement est chamboulé en profondeur par une loi d’avril 2013. Les aspirants conseillers généraux devront désormais se présenter en binôme, un homme et une femme pour un même canton.

Conséquence logique : le nombre de cantons est divisé par deux. Comme la quasi-totalité des départements depuis quelques mois, le conseil général des Bouches-du-Rhône doit se prononcer lundi sur la nouvelle carte électorale. Voici, tombé de la clé USB, ce que le ministère de l’Intérieur propose aux élus. Loin d’être une fusion simple, il s’agit d’une refonte complète, sans lien avec les anciennes frontières.

Au survol de la souris s’affiche la liste des anciens cantons en partie situés dans le périmètre du nouveau.

Dans le reste du département, le remaniement est moins flagrant, puisqu’il ne descend pas (sauf pour Aix et Salon) au-dessous des frontières communales.

Le résultat du vote de lundi n’est que consultatif, mais constitue pour l’UMP un argument au niveau national. Au dernier  comptage, 55 départements ont voté contre le redécoupage – dont 14 de gauche – quand 39 l’ont validé. Cette opposition tient d’abord au principe même du scrutin, critiqué par de nombreux groupes politiques lors de l’examen de la loi au Parlement. Communistes et écologistes regrettent l’absence de proportionnelle, d’autres insistent sur la difficulté de faire travailler deux élus sur le même terrain. “Cela amène également à un agrandissement des territoires”, pointe Martine Vassal, la présidente du groupe UMP/UDI au conseil général. Exemple particulièrement parlant : le 28e canton s’étend sur tout le nord-est du département.

On sacrifierait donc la sacro-sainte proximité au nom de la parité. Mais ce principe même n’est pas forcément étranger aux réticences. Le CG13 est plutôt bien placé en la matière avec une femme sur quatre, contre une sur six en moyenne. Les hommes devront encore libérer un siège sur trois pour équilibrer. Certains territoires, comme les quartiers Nord de Marseille, sont particulièrement concernés : sept hommes (Jibrayel, Noyes, Benarioua, Pezet, Rossi, Weygand, Masse) se retrouvent sur quatre nouveaux cantons. Cela fait trois de trop, à moins de trouver un point de chute ailleurs. Cette mobilité est d’autant plus difficile dans le reste du département, où beaucoup de conseillers généraux sont aussi maires, donc attachés à un territoire bien précis.

Mariages gays

D’autres se retrouvent pris au dépourvu, ne reconnaissant plus leur canton. C’est le cas de La Capelette, où Janine Ecochard, la vice-présidente du département chargée de l’éducation, avait été réélue de justesse face au Front national en 2011. Il se retrouve éclaté entre les nouveaux cantons n°19, 21 et 22. Son adversaire UMP éliminée au premier tour à l’époque se lamente : “En 2011, je cherchais des yeux les quelques personnes que j’avais déjà vues, se souvient Catherine Chantelot. Mais après les élections, je n’ai pas quitté le territoire et désormais, à chaque événement, je connais beaucoup de monde sur le canton. C’est assez frustrant de le voir supprimé”.

Martine Vassal compte bien inciter ces réserves à s’exprimer, en demandant un vote à bulletin secret. Il n’est pas inconcevable que Jean-Noël Guérini lui-même glisse un bulletin “contre” dans l’urne. Lors de ses voeux à la presse, iil s’était étonné du sort qui lui était réservé avec “le plus grand canton de tout le département”. Comme à chaque redécoupage, le soupçon de visées politiques n’est d’ailleurs pas loin. Martine Vassal note ainsi quelques coïncidences troublantes. “Mon canton, Saint-Giniez, se retrouve avec celui de Sandra Saloum. Tandis que Didier Réault et Richard Miron sont ensemble.” Autrement dit, deux femmes d’un côté, deux hommes de l’autre. Qui va déménager pour former les deux binômes nécessaires ?

Manu le malin

Les décryptages se sont vite tournés vers le canton n°12, en plein coeur de Marseille, où les coups de ciseaux proposés par Manuel Valls sont particulièrement précis. Serait-ce pour la ministre Carlotti ? Légèrement plus au Sud, le canton n°22 mérite aussi qu’on s’y intéresse. Il regroupe une partie du Camas (détenu par l’UMP Pustorino), de Notre-Dame du Mont (Biaggi, UMP) et de la Capelette (Ecochard, PS). Les deux premiers avaient basculé à droite en 2011 sur fond de division de la gauche et d’affaire Guérini. Refondus dans ce canton n°22, ils pourraient bien revenir au bercail socialiste et ainsi conforter la déjà très large majorité de gauche au conseil général.

“Il faut se méfier des découpages et garder en tête que le résultat n’est pas forcément celui qu’on compte provoquer”, glisse un observateur depuis un hublot du bateau bleu. Marie-Arlette Carlotti en sait quelque chose, elle qui a battu Renaud Muselier dans une circonscription censée avoir été préparée aux petits oignons pour lui.

>> On vous laisse naviguer dans Marseille, attention les yeux, c’est un peu plus compliqué : les frontières en noir délimitent les nouveaux cantons, tandis que les anciens – tracés en blanc – sont colorés suivant le parti de l’élu en poste.

Source cartographique : Contours…Iris® (IGN – INSEE), GEOFLA® Communes (IGN)

Article actualisé le 24 février avec harmonisation des numéros de cantons Marseille/Bouches-du-Rhône