Comment Marsactu a (presque) failli rater les Jeux olympiques
Marsactu n'a pas l'habitude de couvrir les événements sportifs. Mais difficile de refuser une proposition pour assister aux Jeux olympiques, dont les épreuves de voile se déroulent intégralement à Marseille. Récit d'une journée sous le cagnard, avec quelques frissons.
Les épreuves de voiles se terminent ce vendredi 9 août sur les plages du Prado. (Photo : VA)
“Tu veux des places pour les épreuves de voiles des JO ?”. Marsactu a comme religion de refuser les propositions de la sorte… du moins quand elles viennent des organisateurs d’événements eux-mêmes. Mais cette fois-ci, il s’agit d’un ami, qui a lui même récupéré les billets par un ami, qui lui, les a récupérés par ses parents, qui eux, finalement, ont autre chose à faire. Et nous, finalement, on a bien envie d’y aller, aux Jeux Olympiques, quitte à sortir un peu de notre couloir de nage. Surtout qu’on a raté, il y a déjà longtemps, la date limite pour faire partie des journalistes autorisés à couvrir les compétitions. Alors oui, on veut bien.
Mercredi 7 juillet, 9 h 22. Le téléphone vibre et un petit message s’affiche sur l’écran. L’expéditeur attentionné se nomme Paris 2024 : “Fortes chaleurs aujourd’hui : prévoyez des tenues adaptées, chapeau à large bord, crème solaire, lunettes de soleil, petit parapluie pliant.” Pas sûr que la casquette soit considérée comme un “chapeau à large bord” et tant pis pour le “parapluie pliant” (on n’est pas des touristes, nous, oh). Nous voilà en route pour la marina que l’on longe depuis des mois sans jamais voir ce qu’il se passe derrière. Point de foule pour y parvenir, mais ça grouille tout de même un peu autour du David.
Il est midi et le soleil tape fort. Les bénévoles aux beaux polos bleux accueillent les spectateurs en les saluant tous, un par un. Dans la queue, ça parle prix des places. 24 euros pour voir les épreuves de voile qui ont débuté fin juillet et se terminent ce vendredi. “45 pour une finale de taekwondo”, renchérit une jeune femme. “200 pour des sessions médailles en athlétisme”, lui répond son compagnon. “900 pour la cérémonie d’ouverture”, conclut un papet sous son bob en faisant signe de se pousser. Ça avance rapidement dans cette file d’attente et on se perd dans un labyrinthe de barrières surdimensionné.
“Aujourd’hui, C’est maxi pétole”
Pour fluidifier tout ça, des bénévoles vous indiquent le chemin, jusqu’à la cahute où ces derniers scannent notre ticket. Nous voilà déjà dans l’enceinte de la marina olympique des jeux 2024, à Marseille. La chaleur et l’accès à la plage dénude la foule, on croirait débarquer dans un festival, sans musique, ni participants alcoolisés, mais avec quantité de familles accompagnées d’enfants. Le stand information nous tend les bras.
Les prévisions donnent une fenêtre entre 13 et 15 heures. Normalement, il faut huit manches pour ouvrir la course aux médailles.
Une bénévole
Delayed, delayed, delayed. “Les épreuves de kite ont été repoussées, il n’y a pas assez de vent. Du coup, on attend, nous met au courant une bénévole à l’accent anglais et à la manucure de circonstance. Les prévisions donnent une fenêtre entre 13 et 15 heures. Normalement, il faut huit manches pour ouvrir la course aux médailles. Là, il y en aura sûrement moins”. Un peu plus tôt, un ami “voileux” prévenait : “Aujourd’hui, c’est maxi pétole”. Pé-quoi ? Pas un souffle, pas un pet d’air : pétole, comme on dit en marseillais. Des conditions qui ne conviennent pas vraiment au kite, discipline qui, plus encore que le dériveur (petit bateau équipé d’une dérive rétractable, également au programme aujourd’hui), a besoin de vent pour être pratiqué. Patience donc.
Karaoké et jambon-beurre
Boutique officielle, jeux pour enfants, concours de pétanque… Les stands et activités autour des épreuves ne donnent pas franchement envie. Des tentatives de karaoké géant ou de danse collective sont lancées au micro. Succès mitigé. Il est 12h30, il fait très, très chaud et un peu faim, aussi. Pas trop de queue à la buvette – mais où sont les gens ? -, on en profite. La gorge se serre un peu quand on nous annonce l’addition : 13 euros pour un coca et un sandwich. Cerise sur le jambon-beurre, on ne peut payer qu’en Visa. “Sûrement un partenariat”, nous lance un père de famille en chemise de lin et mocassins. “Ou en espèces”, ajoute la très jeune demoiselle derrière le comptoir. Sauvée.
Forcément, les quelques tables à l’ombre sont prises. La tendance est plutôt à s’asseoir par terre, à l’ombre des pins. Voire, au milieu des petits bosquets qui font – hors période olympique – bien souvent office de toilettes publiques. Jamais le fond de scène des plages du Prado n’aura été aussi propre. Là, une famille se “partage un sandwich à trois”. Ici, un père à chemise fleurie grimpe sur un arbre avec sa fille pour s’asseoir à l’ombre des branches. Tout le monde sue à grosses gouttes quand tout à coup, le monsieur assis à côté se frotte les yeux : une légère brise vient de faire voler la poussière dans laquelle meurt l’herbe sèche sur laquelle nous sommes assis. Je répète, une légère brise.
Formules 1 de la mer
“Ah ! On voit les bateaux dans la zone initiation qui accélèrent, c’est bon signe !”, lance un animateur au micro. L’immense queue déjà formée depuis plusieurs heures devant la zone d’observation est en plein cagnard. Le doute s’installe. Comment ne pas rater le départ des courses “au large”, qui, comme leur nom l’indique, seront rapidement invisibles à l’œil nu ? Il faut vite un plan B pour se rapprocher de la mer. On atterrit dans la zone baignade, les haut-parleurs annoncent l’imminence du départ des ILCA7, comprendre des dériveurs solitaires aussi appelés Laser. Derrière la digue, on aperçoit leurs petites voiles (sept mètres carrés, donc) s’agiter.
Ici, la foule semble moins concentrée sur les courses que sur les joies de la plage. Quelques baigneurs effectuent tout de même une poignée de brasses pour se coller aux bouées qui délimitent la zone. Bien renseignée, on a aussi emporté un maillot, et on peut donc rapidement les suivre. À quelques mètres de nous, les lasers profitent des subtils coups de vent pour filer comme des bombes vers la ligne de départ. Le temps de trouver la technique pour applaudir en nageant que déjà, les petites formule 1 de la mer ont disparu.
Attention, femmes à bord
14h30. Déjà l’heure de se diriger vers le lieu d’embarquement pour la navette qui, si vous avez été prévoyant (et couche-tard, les réservations ont été lancées trois jours plus tôt à minuit), vous emmènera gratuitement voir les courses sur l’eau. Prévoyant, couche-tard et surtout, très chanceux : les horaires des courses étant chamboulés à cause de la météo, pas sûr que le créneau réservé corresponde à un départ de course. Pour nous, ça a l’air de bien s’enquiller. En embarquant sur cette vedette familière – il s’agit de Planier, d’ordinaire affrété par la RTM – les ailes de kite montent dans le ciel et quittent une par une la baie, comme autant de papillons floqués aux noms de différents pays qui se réveilleraient d’une longue sieste.
La surface des ailes de kite est de 21 mètres carrés. C’est comme un petit appartement qui les tracte au-dessus de leur tête.
Marion Couturier, membre de l’équipe de France de planche à voile sur foil
“Allez Jean-Philippe, c’est parti !”, ordonne au micro une petite jeune femme à l’adresse du capitaine de la RTM, visiblement peu habitué à l’autorité féminine. L’animatrice, 19 ans, est accessoirement membre de l’équipe de France de planche à voile sur foil. Tandis que l’équipage largue les amarres, Marion Couturier, ici dans sa rade, lance un vote à main levée : “Bon alors, qu’est-ce qu’on fait ? On va voir le kite ou les dériveurs ?” Le kite l’emporte. Dans le cockpit, une seconde jeune femme, pas plus âgée, indique la direction à Jean-Philippe. Manon Peyre est championne du monde junior en Laser. Jean-Philippe obéit. Cap sur les ailes de papillon.
La planchiste marseillaise profite du temps de navigation pour nous donner quelques chiffres : “la surface des ailes de kite est de 21 mètres carrés. C’est comme un petit appartement qui les tracte au-dessus de leur tête. Leur vitesse de pointe atteint les 40 nœuds, soit 70 km/h”, déroule-t-elle. Les “kiteurs” et “kiteuses” sont désormais tout proches, la dimension de leurs ailes prend tout son sens. Comme en cyclisme, il existe aussi dans cette discipline un maillot jaune. Celle qui le porte aujourd’hui vient de frôler notre bateau. “C’est Laurianne Nolot, elle aussi, est marseillaise”, place Marion Couturier, un brin chauvine (Laurianne Nolot est en réalité varoise, ndlr).
Le départ de la course homme sera lancé dans quelques minutes. Devant nous, plusieurs ailes se mettent à dangereusement se rapprocher de la surface de l’eau. “Alors là, ce n’est pas bon du tout, commente la jeune championne du cru. Il y a tout juste assez de vent pour faire voler un kite. Le risque, c’est la bâche.” À quelques dizaines de mètres de là, comme pour illustrer ses propos, la voile du Thaïlandais tombe dans l’eau. “C’est fini pour lui”, annonce Marion Couturier. Le compte à rebours est lancé. “Ils vont maintenant tous s’aligner, regardez bien, ça va être sublime”.
Un court instant de magie
Silence à bord. Les arcs de cercle formés par les voiles de ces cerfs-volants immenses s’alignent à la perfection, immobiles. Les enfants collent leur nez contre les hublots, les ados sortent les téléphones. 3, 2, 1, partez ! Les 21 participants s’élèvent en quelques secondes au-dessus de leurs foils, ces ailes d’eau qui leur permettent de flotter dans l’air. Jean-Philippe et Manon ont bien calculé l’axe, ils nous foncent presque dessus. Le spectacle est splendide. Les athlètes se dispersent. On ne sait plus où poser le regard. Ici, vers l’aile du Canadien, tout proche de notre embarcation, qui frôle la mer, puis s’élève à nouveau. Soulagement dans le bateau. Mais les yeux aguerris notent ce qui se profile. Plusieurs ailes sont tombées, comme des mouches. “La course est annulée, annonce Marion Couturier. Les équipes de sécurité vont prendre le relais car à ce stade, s’ils ne les récupèrent pas vite, les voiles peuvent prendre l’eau et les tirer vers le bas. Le but, c’est pas de noyer les athlètes non plus”, ironise à moitié la jeune femme. Retour au bercail.
Sur le retour, les discussions tournent autour du choix de Marseille pour ces épreuves de voile. “Marseille est une ville tournée vers la mer, qui dispose des infrastructures nécessaires, dont un aéroport international”, vante l’animatrice du jour, forcément pas très objective. “On était en concurrence avec la Rochelle, je crois. Mais là-bas, il y a des marais”, ajoute un vieil homme a la peau cramée. “Oui, mais aussi, du vent”, renchérit une maman. “Oh, début juillet, on en a eu, aussi, du vent, lui répond sa collègue. Ici, c’est tout, ou rien.” Puis on change de sujet, pour voguer vers l’élistime de la voile. “Combien de personnes font de la voile, ici ?”, questionne Marion. Deux jeunes garçons lèvent la main.“En tout cas, on espère que vous n’êtes pas trop déçus, car on a cœur de vous partager notre passion de ce sport qu’on sait peu accessible”. Des heures d’attente sous le soleil pour un instant de magie. Pari réussi, semble répondre à l’unanimité les passagers du Planier. Et pourtant, c’était pas gagné.
Commentaires
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Comme la pluie (chiant).
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Merci pour ce compte rendu.
Je suis allé voir 2 journées de voiles et je retrouve sur certains points mon expérience, pas tout à fait sur d’autres.
En vrac:
pour les attractions annexes présentes sur le site de la compétition (grimper sur un mat de bateau de pirate, manier une wing, jokari, etc, elles étaient clairement destinées aux enfants et j’ai eu l’impression qu’elles remplissaient leur rôle: les occuper pendant un moment… (avec certes un peu moins de succès que les quelques brumisateurs mis en place à l’entrée).
Je voudrais aussi noter à quel point les bénévoles étaient sympa, motivés, souriants, mais aussi nombreux sur le site. Le dimanche en fin d’après-midi nous avons même eu droit au passage d’un petit orchestre sur la plage! Pour 24 euros, j’ai vraiment eu le sentiment que tout était fait pour qu’on ne s’ennuie pas…
Du point de vue sportif, suivre des courses de voile tout un après-midi c’est effectivement un peu long, mais je suis d’accord que voir les concurrents manœuvrer sur l’eau est un régal pour les yeux. En plus les kites nous ont fait profiter que quelques petites figures en revenant à terre après leurs courses.
L’ambiance était également assez étonnante car on avait à la fois le sentiment de participer à un événement planétaire (une grande partie du public était étrangère) mais malgré tout assez confidentiel, d’où une grande proximité avec les sportifs. J’ai assisté notamment à l’arrivée de la course pour la médaille du 49er FX (médaille de bronze de C. Picon et S. Steyaert) et les groupes de supporters néerlandais ou suédois à côté de moi avaient clairement l’air d’être de la famille ou des amis proches des championnes. Le contraste était assez touchant entre l’énormité de l’événement et la célébration assez modeste des concurrentes avec le fan-club venu les soutenir.
Les principaux problèmes — car il y en avait quelques-uns — étaient surtout liés à la faiblesse de la communication. Les organisateurs, sans doute par peur d’un afflux trop important, ont volontairement caché certaines infos et si V. Artaud, en tant que journaliste de Marsactu était naturellement au courant de tous les bons plans, il y a tout de même quelques couillons qui, ne se doutant pas qu’ils pourraient se baigner, n’avaient donc pas prévu de maillot de bain et se sont retrouvés à cramer toute une après-midi en regardant avec envie ceux qui faisaient des allers-retours entre la plage et le site des course.
Même chose pour la navette dont je découvre l’existence dans cet article.
Dans la même veine, les infos pratiques fournies par l’organisateur invitaient les spectateurs à privilégier le métro par rapport au bus et à s’arrêter au Rond-Point du Prado alors que la ligne 83 n’a probablement jamais aussi bien fonctionné…
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Bof bof bof
J’ai appris qu’il y avait des marais à la Rochelle ! texto !
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Si les épreuves se finissent aujourd’hui, va-t-on voir les plages du Prado se rouvrir au public ?
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Quelques petits jours d’ouverture avant leur fermeture pour festival delta… Mais qu’a fait la population marseillaise pour mériter un été pareil ?
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Vous êtes drôlement mal luné, Barbapapa !
Les Marseillais ont eu l’occasion de voir des épreuves des JO pour 24 euros (voile) ou 30 euros (match d’ouverture du tournoi de foot, peut-être y avait-il même des places moins chères).
Ils ont eu droit à une fan zone avec une bonne ambiance et à un bus des plages qui pour une fois était adapté à la demande…
Il y avait sans aucun doute de pires endroits que Marseille pour passer la dernière quinzaine…
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J’y étais jeudi 1er. Pas beaucoup de monde, des WASPS (BD-IRE-AUS-NZ-PB) et quelques Espagnols. Pour la diversité on repassera. Pas d’ombre, pas de vent, des aînés en souffrance. Les medal races ont été annulées. Pas de place sur les navettes. Pas d’accès à la marina. On est partis à 15h30. Et je n’y suis pas retourné le mardi suivant… Et personne n’a voulu racheter mes places !!!
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GB pas BD
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Dire que Planier aurait été si bien de continuer les navettes entre Pointe Rouge et le Vx Port. Avec un terminus au Mucem et en passant derrière le Château d’if ça le faisait. Mais la Métropole en a décidé autrement…
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