Comment Aix a lancé un centre de dépistage avant d’y renoncer à la dernière minute
Début avril, des médecins se sont lancés dans la création d'un centre de dépistage et de consultations provisoire hors l'enceinte de l'hôpital. D'abord soutenu par la mairie, il a finalement été stoppé net par le maire Maryse Joissains. L'un des médecins, Dominique Sassoon, était l'un de ses adversaires aux municipales.
Le centre de dépistage devait s'installer 1, route de Galice.
On change la serrure à la hâte et tout s’arrête, brutalement à la veille de l’ouverture prévue. Voilà la méthode peu commune utilisée par la Ville d’Aix-en-Provence pour mettre fin le lundi 6 avril à un projet de centre de consultation et de dépistage du coronavirus. L’initiative lancée par des médecins avait pourtant reçu le concours des services municipaux, dont la mise à disposition d’un local de 200 mètres carrés, route de Galice.
Trois semaines plus tard, quelques barrières Vauban rangées le long de l’entrée témoignent encore de l’initiative. À l’intérieur, deux boxes délimités par des grillages renferment des tables et quelques chaises. Ce centre, s’il avait ouvert, aurait été le seul équipement provisoire de la ville. Désormais, l’ancien local dédié à la livraison de proximité à vélo est retourné à son inutilité.
L’idée émane du laboratoire d’analyses Centraix du médecin biologiste, Philippe Celse L’Hoste et d’un confrère. Ce dernier n’est pas un inconnu de la scène politique aixoise puisqu’il s’agit de Dominique Sassoon, suppléant de la députée LREM Anne-Laurence Petel et candidat soutenu par Europe écologie-les Verts aux dernières municipales (il a obtenu 9,28 % des voix au premier tour le 15 mars). “On avait donné rendez-vous le lundi après-midi à la Croix-Rouge et on était comme des cons devant sans pouvoir rentrer”, se souvient Dominique Sassoon.
Un centre et un drive envisagés
“Persuadés que le dépistage est une chose importante”, ils décident fin mars de fédérer une équipe pour monter un centre de dépistage. Ils s’entourent d’un spécialiste, le colonel Marc Caudrillier. Celui-ci a un CV fourni : directeur du Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive, installé à Aix, il a précédemment été à la tête du 2e Dragons, un régiment militaire de la même spécialité. Il vient en outre de monter le centre de Bouc-Bel-Air, un des premiers centres de dépistage temporaires du département. C’est lui qui pousse pour un centre de consultations en plus du dépistage “drive” prévu initialement.
Très vite, la municipalité appuie le projet, raconte Dominique Sassoon : “Ils ont débarrassé les vélos qui étaient là. Ils ont amené du matériel. La mairie a aussi installé une ligne téléphonique avec la 5G.” Le lundi 6 avril, l’ouverture se rapproche donc. “Le matin, on a une réunion où le sous-préfet et la Ville sont représentés, se souvient le colonel Caudrillier. Le local est désinfecté sur frais municipaux et l’on doit revenir l’après-midi. Quand nous arrivons dans ce qui doit devenir le centre, les barillets sont changés.”
La proximité d’une résidence étudiante en question
Le revirement est brutal et la méthode cavalière. La création de ce centre s’arrête net sans que les initiateurs ne comprennent vraiment pourquoi. Il faut attendre le lendemain pour que Maryse Joissains en personne siffle officiellement la fin de la partie dans un courrier. Le principal motif : le local est le rez-de-chaussée d’une résidence où vivent encore quelques étudiants. “Un courrier émanant de la sous-préfecture nous a alertés sur le risque d’étanchéité entre les habitants qui logent au-dessus du local et les personnes venant se faire dépister”, explique la maire d’Aix-en-Provence.
Contactée la sous-préfecture confirme avoir émis des “recommandations” : “Le sous-préfet a souligné la nécessité de mener une communication préalable vers ces derniers et une attention toute particulière est à porter à “l’étanchéité” entre la structure et l’immeuble, notamment son accès.” Des observations dont avaient eu connaissance les porteurs du projet. “Il y a 20 mètres d’écart entre la porte d’entrée de la résidence et celle du local, il y avait largement la possibilité en délimitant des parcours de faire en sorte que les gens ne se croisent pas”, assure Dominique Sassoon. L’aménagement ne paraît effectivement pas impossible lorsque l’on rend sur place. “On nous a bien dit que ce n’était pas un facteur bloquant”, rapporte le colonel Caudrillier.
“Un coup politique” de Maryse Joissains ?
Entre les hôpitaux et les labos qui dépistent, nous sommes bien dotés à Aix pour le moment
Sylvain Dijon, élu chargé de la cellule de crise.
L’élu chargé de la coordination de la cellule de crise municipale Sylvain Dijon, ajoute d’autres motifs. “Nous avions un avis défavorable de l’union régionale des professionnels de santé – médecins libéraux, notamment concernant l’équipement nécessaire pour ce genre de centre et des recommandations de l’agence régionale de santé qui préconise de garder la moitié des cabinets pour les consultations classiques et l’autre pour les consultations Covid. Nous avons choisi de suivre ces avis”, explique-t-il.
Dans son courrier, Maryse Joissains marque en tout cas sa volonté de ne plus avancer sur le sujet. “Les établissements hospitaliers aixois ont prévu des centres de dépistage sécurisés sur leurs parkings. […] Ils sont prêts à assumer le dépistage de la population aixoise”, balaye-t-elle. Elle ne propose donc pas de solution de repli aux initiateurs du centre de la route de Galice et les invite à se rapprocher du centre hospitalier. “Entre les hôpitaux et les labos qui dépistent, nous sommes bien dotés à Aix pour le moment”, appuie Sylvain Dijon.
Après avoir soutenu initialement le projet, cette position est un soudain changement de stratégie municipale. Si, dès que nous l’avons contacté à propos de cette histoire, Dominique Sassoon nous a précisé qu’il “ne [souhaitait] pas entrer dans une polémique”, un membre de son équipe y voit “un coup politique. Quand Maryse Joissains a vu son nom, elle a voulu fermer l’affaire”. Le colonel Caudrillier lui se contente de constater qu’il y avait dans cette équipe “l’expression de bonnes volontés, qu’elles viennent de la mairie, de membres de l’équipe de Jean-Marc Perrin [adjoint au maire et candidat divers droite aux municipales, ndlr] et donc Dominique Sassoon”. “Quand nous avons décidé d’aider la structure, nous savions déjà que monsieur Sassoon était dans ce projet. Toutes les volontés sont les bienvenues en temps de crise”, rétorque Sylvain Dijon. Voilà un débat qui rappelle tout de même le temps de la campagne électorale.
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Entre les ouvertures de parapluie des uns et les batailles d’égo des autres, la France n’est pas prête de quitter son image de lanterne rouge des pays contaminés. Le temps est venu de changer de paradigme pour se consacrer enfin à l’intérêt général.
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