Plaidoyer pour les food trucks à Marseille
crédit photo : Ezechiel Zerah
Les habitués de cette chronique se rappelleront peut-être qu’il était déjà question de camion en novembre dernier. Je vous présentais alors Gérald dit “Gé”, chauve de caractère reconverti dans les pizze mobiles après un passage dans les cuisines du rocher de Malmousque (Le Petit Nice d’un autre Gérald). La pizza, j’adore ça, surtout tombée du camion. C’est viscéral : chaque fois que j’en vois un, je m’arrête, regarde si j’ai une ou deux pièces (si ce n’est pas le cas, je me mue en radar de distributeur de billets et tant pis si ce dernier est à 800 mètres) et demande une portion rouge ou à la crème. Parfois, c’est bon et je suis content. Parfois, c’est très bon et je reviens quelques minutes après. Ne le dites pas à ma mère mais il m’arrive de mordre dedans juste avant de dîner avec elle, alors qu’elle me demandait simplement de lui ramener un morceau de chez le boucher ou des légumes destinés à être apprêtés en curry. Le problème du camion pizza, c’est qu’une fois épuisée la demi-douzaine d’options disponibles (merguez, poivrons, ananas, saumon, tartiflette…), on tourne un peu en rond. D’où l’intérêt des véhicules nouvelle génération, celui dédié au fromage-anchois ayant été inventé au début des années 60.
Ces foodtrucks modernes proposent des plats de barbecue coréen, poulet frit, gluten-free, indonésien, tacos, sushis, fruits de mer, salades, ramen… Ils seraient 350 dans l’Hexagone, dont un tiers à Paname. Pas de chiffres précis dans l’agglomération marseillaise si ce n’est que la Food Trucks Association regroupe 28 membres entre Marseille, Jouques et Carnoux-en-Provence. Quelque-uns des adhérents et non adhérents que je recommande sans broncher : rouget ou merlan en fish’n chips aïoli (les panisses remplacent les frites) par la voiture ambulante de la Boîte à Sardine (8 €), resto-poissonnerie du boulevard de la Libération ; nouilles de riz cuisinées d’On Mange Thaï (8 € la portion) ; raviolis dinguos (brousse-pistou, daube provençale, sauté de veau à la crème et aux cèpes, bouillabaisse, trois fromages) tout droit sortis des petites mains de Daniel Luperini (8,50 € en sauce dans sa box prête à manger, entre 2,5 et 3,4 € la douzaine crue), spécialités tahitiennes (thon au lait de coco, poulet fafa) du Moana ; grignotages salés-sucrés du Kabanon à Boulettes. Un ami chef pâtissier me recommande les yeux fermés La Quille, un food truck 100% vins qui a imaginé pour lui des accords avec ses desserts boutique et qui, réciproquement, fait dans le bar à choux et verres de rosé (mais pas que).
Reste une épine et pas des moindres : en dehors des marchés où sont exclusivement acceptées une poignée d’enseignes faisant du frais ou du cuisiné à emporter à la maison, des terrains privés (Friche, Kedge Business School, parkings d’entreprises) et de manifestations ponctuelles (Hors les Vignes aux Docks des Suds dernièrement), il n’existe pas d’emplacement dédié aux foodtrucks à Marseille à l’exception notable d’une mauvaise baraque à gaufres près des Terrasses du Port. Circulez, y’a rien à voir ? “Cinq ans que je fais la demande et toujours rien” confesse un foodtrucker. “Niet, même dans 20 ans” lui aurait-on rétorqué à l’Hôtel de Ville. A Paris, un an après l’élection d’Anne Hidalgo, une vingtaine d’espaces furent débloqués pour un total de 56 camions (seuls trois en bénéficiaient jusque-là) malgré la pression d’un certain nombre de structures, restaurateurs en tête, qui voient encore d’un mauvais œil cette concurrence soudaine. Quand est-ce que la seconde ville de France se décidera à accepter ces nouveaux modèles de restauration qui se sont parfaitement intégrés à l’offre locale de Berlin à Atlanta (Géorgie) en passant par Austin (Texas), Londres, Seattle (Washington) et bien d’autres cités ?
Madame Lota (18e adjointe au maire, en charge des emplacements publics), Madame Biaggi (4e adjointe au maire, en charge du grand centre-ville), il serait désormais temps de faire avec l’époque. Les Marseillais aiment les restaurants. Les Marseillais aiment la pizza. Mais ils voudraient également goûter à d’autres joies qu’ils connaissent encore trop peu. Laissez-nous cette liberté !
Commentaires
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Il n’est pas aisé effectivement d’avoir ces autorisations-là d’autant que la ville n’aiment ce type de restauration hors gabarit. Seuls les camions pizza pouvaient en décrocher, mais ils sont réduits à peau de chagrin.
Lorsque le cours Belsunce a été réaménagé pour le passage du tram “les baraques à sandwich” historiques de Marseille ont été rasées sans autre forme de procès. Pourtant le sandwich Merguez-frittes était tout autant historique. Une suggestion : puisque -hélas- les kiosques à journaux ferment un à un sans aucun repreneur, pourquoi ne pas céder la place à ce nouveau type de restauration.
J’émettrai une seule condition : retirer ce terme de “food truck” pour lui trouver un mot français. Marre de cette anglicisation sauvage !
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Excellente idée que les kiosques à journaux, à voir si le format est viable notamment pour le matériel.
Camion à manger ?
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Vive les camion-bouffes!
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Nos amis québécois, qu’on sait à cheval sur l’utilisation du français, parlent de camions-restaurants, de restaurants mobiles, de camions de cuisine de rue, ou… de food trucks !
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Madame Lota et madame Biaggi sont de leur époque…les années 70, époque bénie du tout voiture, des civilités, de la saleté, telle qu’elle existe encore aujourd’hui à Marseille. Ne leur demandez pas de changement ou d’évolution, ces gens-là ne voient pas au-delà de la ville le monde tel qu’il est. Et de toute façon c’est papy qui décide tout.
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RDV en 2020… ou avant ?
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Bravo pour cet article.
Etre libre de choisir comment, ou et quoi manger, c’est formidable !
Nul ne doit posséder quelconque monopole sur le créneau des” camions”.
De plus, les foodtrucks permettent à des jeunes qui “en veulent” de monter un petit commerce sans avancer des fonds colossaux. …et c’est un vrai travail !
Je salue au passage “On mange Thaï” dont les produits sont excellents !
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Oui, c’est important de souligner l’aventure entreprenariale également. A Londres (et ailleurs), où les loyers sont intouchables pour 99% des futurs jeunes et moins jeunes professionnels, c’est devenu un excellent moyen de se lancer.
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« Camion à manger ! » Tout n’est pas toujours traduisible, le mot peut garder sa formulation initiale dans une langue plus ou moins universelle. On peut faire du «kite» au Jaï à Marignane, mais qui parlerait de « planche de saut aérotractée » ?
Je mange sans doute comme dans les années 70 de Laplaine, mais j’ai trouvé cet article passionnant. Je me souviens que les « sandwicheries » qui précédaient, où l’on pouvait se restaurer pour moins cher qu’au restaurant traditionnel et pas forcément pire en qualité, ne pouvaient être comptées dans le fichier Sirene de l’Insee au nombre des activités économiques. Je me demande si les food trucks le sont ? Ce qui se passe de nouveau passe d’abord inaperçu statistiquement, on le retrouve au mieux en vrac dans une catégorie « autres activités de restauration ».
Dans un autre article de Marsactu il est question des lacunes en lecture publique à Marseille. La question n’est-elle par aussi un peu « années 70 » ? Evidemment , beaucoup des lecteurs cultivés de Marsactu pensent qu’il faut s’aligner sur les normes auxquelles on était parvenu dans d’autres villes. Mais est-ce que les choses n’ont pas un peu changé ? On est à l’époque du numérique, où la minorité instruite façon « années 70 » n’a plus de stylo sur soi, mais où la presque totalité de la population est équipée d’outils de communication nomades et numériques ?
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Je ne sais pas pour l’INSEE mais la DGCCRF surveille les foodtrucks de près. Après, avec un chiffre d’affaires d’environ 30-40 000 € par camion et compte tenu de leur nombre, l’activité globale à Marseille et environs doit être relativement limitée… pour le moment !
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N’enfonçons pas trop Marseille, qu’il est toujours délicat de comparer à Paris. Lors des travaux du rond-point du Prado, le kiosque côté Rabatau a été sérieusement agrandi. Si les camions-resto restent rares, on a tout ce qu’il faut en snacks ou sandwicheries dans toute la Ville, que rien n’empêche de monter un peu en gamme pour sortir du sandwich frite … pour peu qu’il y ait une clientèle ;o)) Le camion-resto peut répartir sa clientèle sur différents quartiers en alternant les jours. Du point de vue du client cerné par les snacks-sandwich, on comprend l’intérêt de varier le menu. Mais cela devrait rester une période transitoire, le temps pour le restaurateur de chercher son secteur d’installation. On comprend aussi que c’est dur pour les petits resto avec toutes leurs charges (loyer, taxes, …) de voir une telle concurrence … car ils sont nombreux à devoir jeter l’éponge. (http://marsactu.fr/bref/lhecatombe-restos-de-joliette/)
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