[Mer intérieure] L’attente

Véronique Esterni

Bruit sourd d’autoroutes, avions, usines, effluves, pollutions diverses… L’étang parait, pour ceux qui ne savent pas le regarder, juste abimé. Marqué par le fil de l’histoire qui le malmène depuis longtemps. L’espoir de son entière réhabilitation agite les titres de presse régulièrement. Certains lui prédisent un avenir balnéaire, d’autres se résignent à voir perdurer cet équilibre écologique instable.

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À distance de ces enjeux, l’œil de la photographe observe. Une atmosphère tranquille et calme se construit sur ces lourdes strates. Pour ceux qui aiment embrasser toute l’épaisseur des lieux, et toute sa complexité, cet entre-deux à un charme fou. Le charme de l’état saumâtre.

Cher étang, j’aime te regarder patienter et t’apprivoiser tel que tu es. D’ailleurs comme dirait l’autre, le mieux pour attendre que l’orage passe, c’est encore d’apprendre à danser sous la pluie. Tu es imbattable dans cet exercice.

Ta beauté marginale tient par une alliance d’humilité et de force : la force de la résistance et l’humilité de celui qui connait sa condition. Tu restes fragile, certaines peines sont encore ouvertes.

Tu es multiple et composite. Tes déformations sont autant d’indices de ta résilience et le résultat de l’action cumulée des forces de la nature et des hommes. Pour le saisir, il faut succomber à ta beauté brute et regarder les strates empilées qui te composent.

Autant de couches qui portent l’incertitude de la prochaine disparition.

Autant de couches qui rendent le conte unique et fantastique.

Autant de couches qui font que tous les silences ne font pas, ici, le même bruit.