La nuit marseillaise est-elle LGBT-friendly ?
La vie nocturne, à Marseille, est rarement un feu d'artifices mais plutôt un hasard de rencontres, de rendez-vous d'initiés et parfois de fêtes sauvages improvisées. Marsactu a confié au journaliste Iliès Hagoug le soin de l'arpenter et de la raconter. Les cotillons retombés, il sonde l'inclusivité des soirées marseillaises.
Crédit photo : Iliès Hagoug.
Le bar commence à s’activer, les videurs enfilent leurs vestes pour tenir le froid de la nuit, et la musique a augmenté de volume. Il est 22 heures, et Bison futé annonce en ce week-end d’avant les fêtes un orange foncé sur l’axe nocturne entre les bars d’apéro et les lieux qui n’hésitent pas à monter la musique, où on casse un peu la tirelire pour danser, une fois les happy hours terminées. C’est l’espoir en tout cas du patron, qui garde l’œil partout. Il a l’accent marseillais bien marqué et une carrière dans les bars qui force au pragmatisme : “Avant, les gens voulaient juste un endroit pour prendre l’apéro. Maintenant, ils veulent des DJs. Alors je mets des DJs”.
Les nouvelles générations, ils préfèrent venir dans des endroits comme ça, alors je mets le drapeau.
Un patron de bar
Dans ce lieu on ne peut plus classique de la nuit marseillaise, pas militant pour un sous et aux playlists vaguement électroniques, la décoration est assez classique. Entre quelques autocollants de brasseurs, et une plaque affichant la licence IV, un drapeau arc-en-ciel est posé, aussi visible qu’anodin. “C’est un des DJs qui m’en a parlé, de mettre ça comme quoi tout le monde est le bienvenu. Moi, tout le monde est le bienvenu chez moi, tant que tu te comportes bien et que tu consommes, je m’en fous de qui tu es.” Suit pourtant un descriptif long et détaillé de qui peut être le bienvenu. Dans un langage chargé, qu’on préférera décrire plutôt que retranscrire : qu’importe l’identité, la pratique sexuelle, on est là pour remplir un bar. Et ça a l’air de prendre : “Les nouvelles générations, ils préfèrent venir dans des endroits comme ça, alors je mets le drapeau”.
Marseille est une ville méridionale, terme qui sert souvent d’excuse à un vocabulaire ou des comportements pour le moins peu inclusifs. Il n’y a pas si longtemps, il était impensable donc qu’un accueil plus large des publics LGBT+ puisse être un argument de vente pour les lieux de sortie. L’organisation des soirées auto-gérées par la communauté était volontairement plus anonyme, avec comme objectif premier la sécurité face aux risques que peut représenter l’expression de son identité. Quelques historiques, comme le New Cancan ou le Polikarpov, étaient présents, plus perçus comme des ovnis que comme partie intégrante du décor.
En février 2022, le magazine Têtu titrait pourtant : “Marseille, le bon coin queer au soleil”. Avec en constat : “la ville attire de plus en plus de personnes LGBTQI+”, ou encore “le monde de la nuit se fait de plus en plus queer”. Plus qu’un drapeau dans un bar banal, l’ouverture du BOUM est bien le symbole de cette évolution : dans un des carrefours les plus fréquentés de la nuit marseillaise, rue André Poggioli, le lieu se décrit comme un “Bar dansant inclusif”. Son ouverture a fait l’objet d’une attention particulière, de la part du public comme des médias.
BOUM, le queer marseillais nouvelle génération
Amal, l’une des deux fondatrices, explique : “On est un bar à destination prioritaire des publics LGBTQIA+, même si on reçoit tout le monde. On prône l’inclusivité au sens large”. Elle décrit un accueil exemplaire et même une bienveillance de la part des commerces voisins et du quartier. Si ce n’est quelques serveurs qui se regardent du coin de l’œil à l’ouverture, se demandant qui va le plus cartonner. Autrement dit, une ouverture de bar tout ce qu’il y a de plus normal, LGBT ou pas.
À l’intérieur du BOUM, les slogans écrits à la craie souhaitent la bonne année aux queers, les brochures renseignent sur la transidentité, les affiches parlent de prévention, de racisme, d’homophobie. Les artistes programmés sont tous issus de la communauté. Une identité pour le moins forte et assumée.
À l’entrée, deux membres de l’équipe font de la pédagogie, expliquent, et font ponctuellement de la sélection : “Pour le nouvel an par exemple, puisqu’on savait qu’on attendait beaucoup de monde, on a fait une sélection sur l’auto-determination [le fait pour quelqu’un de se revendiquer d’une identité sexuelle LGBT+, ndlr]. Vu qu’il y a déjà énormément de possibilités ouvertes pour tout le monde, personnes cis-hétéro comprises, on a fait ce choix.” Avec espoir, même pour ceux qui grincent des dents face à ce positionnement, de planter les prémices d’une réflexion sur la question.
Il y a eu un fort développement de la communauté queer politisée, une forme de revendication collective de notre identité, de notre besoin de présence.
Amal,co-fondatrice de BOUM
Amal, à Marseille depuis 2017, explique le succès populaire de son lieu par la présence plus affirmée de la communauté tout simplement : “On est très nombreux et nombreuses, mais on vivait cachés pour notre propre sécurité”. À son arrivée, être en sécurité de tenir la main de sa partenaire n’était pas pensable. “Il y a eu un fort développement de la communauté queer politisée, auquel j’ai assisté ces 5 dernières années, une forme de revendication collective de notre identité, de notre besoin de présence”.
Sans tomber dans l’angélisme non plus, puisqu’elle parle également des agressions subies par les membres de l’équipe, ou même les réactions et les menaces de mort sur les réseaux sociaux suite à la publication d’articles sur l’ouverture du lieu. “Il y a quelque chose qui se joue : oui, c’est cool d’être de la communauté LGBT, les soirées Drag, on rigole bien, mais on reste menacés”.
Discrétion à l’ancienne
Greg, pour sa part, pourrait en parler des heures. L’histoire tristement familière. Du chemin de la cour de récréation jusqu’au bar, jonchée des mêmes embûches homophobes. Celle où, à 33 ans, il ne vit pas publiquement qui il est, même dans une ville où il n’a que très peu de famille. Celle où il témoigne sous pseudo, même de ses habitudes de sortie. Celle où il s’est habitué aux insultes, et où il a toujours peur du jugement de la famille : “Tu imagines, un jour, on me voit en date ? Ça ferait le tour de ma famille, je serais foutu”.
Il a donc plutôt tendance à sortir dans un milieu plus historique et surtout plus discret de la nuit marseillaise. Le fait qu’il soit historique est déjà révélateur. Comme le disait Amal, la communauté est nombreuse, mais tout un pan des soirées LGBT+ à Marseille reste un milieu uniquement sur invitation, dans des lieux fermés. Et Greg ne le verrait pas autrement : “Je suis en sécurité dans ces lieux. C’est ma priorité parce que non, ce n’est pas encore le cas ailleurs.”
Commentaires
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« Alors je mets le drapeau »
Le menfoutisme marseillais illustre en une phrase
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mouais. dubitatif me rend cet article.
j ai autour de moi des jeunes pas si jeunes, la tranche 30 à 40. ils aiment aller boire un apéro un peu long les soirs de week end, et ils le font régulièrement.
ils fréquentent ces endroits du bord de mer généralement où ils sont à l’aise et se réunissent “au hasard des rencontres, de rdv d’initiés..”
ils s’interrogent, (et moi aussi) pourquoi des endroits prioritaires pour les lgbtqia+ ???? l’inclusion doit passer par un repère quelconque ? qui est qui ?
le savoir et le faire savoir ?
on n’est pas chez les bisounours, mais boire un pot entre copains provoque une inclusivité naturelle le plus souvent.
bizarre cette préoccupation et ce désir inavoué de stigmatisation.
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Mais qui sont ces ovnis qui se permettent de dire des choses pareilles et comment des « journalistes » peuvent publier cet article sans prendre la peine de s’intéresser à l’histoire lgbt de Marseille !!!
J’ai 53 ans pur marseillais, j’ai toujours fréquenté des lieux gays et croyez moi ce n’était pas des extraterrestres… beaucoup sont présents depuis des décennies et ne se sont JAMAIS cachés de peur de qui que se soit et de quoi que se soit bien au contraire ma génération est celle qui a su avec détermination se montrer aux yeux du monde… ils étaient où c’est jeunes patrons qui pensent tout révolutionner quand nous faisions des chars pour la gay pride avec un seul but se montrer!!!! Sans compter la programmation que ces manifestations entraînent dans TOUS les établissements gay de Marseille en terrasse pas au fond d’une salle minable bien cachée et bien gardée par des videurs !!!
Que se soit au New cancan au Polikarpov au play bar au trash au pulse au bistro Venitien chez la célèbre Marie et bien d’autres établissements qui illuminent depuis des décennies les nuits arc en ciel de Marseille et le jour aussi d’ailleurs !!!!
Ne vous prenez pas pour des révolutionnaires vous utilisez simplement les recettes de vos aînés… mais l’art de manier la bonne cuisine c’est pas donner à tout le monde … rien que pour cet article je ne mettrais jamais les pieds dans cet établissement qui manque de respect à tous ceux qui ont tout fait … et je me ferai un plaisir de venter votre stratégie prétentieuse pour que tout le monde sache qui vous êtes mais sans journaliste dans notre milieu on en a pas besoin le bouche à oreille fonctionne très bien….
Bruno Ruiz.
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