[Histoires d’ateliers] Le kiosque à Merlin
Après s'être invitée dans les cuisines des Marseillais, la dessinatrice Malika Moine part à la découverte des ateliers d'artistes. Pour Marsactu, elle et ses crayons se glissent dans les coulisses de la création, pour raconter des lieux qui en disent parfois autant que leurs occupants.
[Histoires d’ateliers] Le kiosque à Merlin
Je ne puis dater ma rencontre avec Merlin. Il me semble l’avoir toujours connu. Cet homme singulier et extravagant, portait volontiers et avec élégance des jupes lorsque cela ne venait à l’idée d’aucun garçon… C’était comme on dit par ici “une figure”. Déjà, il y a 30 ans, il portraiturait les unes et les autres à la plume et à l’encre, avec les lettres de leurs prénoms.
La dernière fois que je suis passée à son atelier-kiosque du Cours Joseph Thierry, apporter des cartes postales et des calendriers, il m’a invectivée : “Je ne comprends pas pourquoi tu n’es pas encore venue dessiner mon atelier ! Je suis vraiment pas content !” Et en effet, il vaut le détour… cet ancien kiosque à journaux est devenu atelier, boutique, galerie, tout ça sur 12 mètres carrés !
J’arrive peu après l’ouverture, ce mercredi matin. Il commande des cafés au bistrot d’en face et tout en fabriquant le cadre en carton d’un portrait anagramme, il me raconte comment il s’est installé dans ce drôle d’atelier : “Je faisais une performance pour l’Entrepôt, le restaurant en face, et j’ai installé sur le kiosque abandonné un rideau de scène. Je me suis dit alors que c’était l’idéal pour moi… j’ai contacté Médiakiosk, l’entreprise privée nationale à qui il appartient, fait un dossier pas vraiment d’artiste, mais plutôt axé sur le nerf de la guerre, en expliquant que le loyer n’étant pas cher, c’était parfait pour moi. J’ai fait ça sans passe-droit ni frangins et il a été accepté ! À l’époque à la Ville, l’élue avait des envies de cet ordre. Elle est même venue me voir et on aurait dit que c’était son idée… J’ai eu les clés fin août 2018. J’ai voulu à tout prix garder le kiosque tel qu’il était. J’ai collé des journaux étrangers, il est resté dans son jus. Je suis un des premiers à avoir repris un kiosque à journaux abandonné et c’est l’unique galerie d’art, même si le terme me paraît un peu pompeux, le fait est qu’il abrite des œuvres uniques.”
En voulant prendre une photo des outils de Merlin, j’ai bien failli renverser mille objets… C’est qu’il est petit, le kiosque à Merlin. Comment donc peut-il y travailler ? “Ça m’est très facile, peindre sur des T-shirts, dessiner sur mon bloc de dessin, faire mes cadres en carton, c’est tout à fait agréable et c’est même amusant à ranger, ça a un côté chambre d’enfant…” Je ne puis m’empêcher de penser à la chambre de mon fils qui est constamment dans un bordel monstre et qu’il ne trouve pas du tout drôle de ranger…
Merlin partage parfois son atelier. “Christine Loplop est restée un an, un jour et demi par semaine.”
Un homme vient et achète le journal.
On poursuit la discussion sur ses outils. Il y a une boîte de peintures textiles, un grand verre de pinceaux, des ciseaux, un cutter, une règle, du carton, un bloc à dessin, une plume, un rottring, du Craft gommé. Le tout tient sur son petit espace de travail.
Merlin enchaîne : “les gens qui passent sont contents de voir quelqu’un travailler”. Une dame achète le journal et un jeune homme au joli accent du sud regarde un collage de Simone Périé qu’il fait mettre de côté. Une conversation joviale s’engage avec l’acheteuse du journal et le jeune sur sa ville d’origine, Pétras.
Car l’atelier est aussi une boutique-galerie. On y trouve, outre le travail de Merlin, ceux de Sébastien Mariat, Jean-Michel Ucciani, Simone Périé, Elsa Devèze, Gioia Albano, un peu du mien…
Comment ça se passe financièrement ?
“Oh lala… avant le covid, ça marchait mieux. J’arrive à payer tous les frais, mais ça ressemble un peu à une mission : Diffuser l’art dans la rue. Ça me nourrit à peine, ce qui ne m’empêche pas d’y venir tous les jours. Je reste persuadé que c’est un super outil, mais c’est la conjoncture qui est difficile…” Je sais Merlin peintre en lettres, mais il s’en défend : “J’ai pas fait l’école, mais je sais faire.” Dans le quartier, il a repeint la devanture de l’Entrepôt, celle de la boucherie du Cours Joseph-Thierry et en janvier se profile peut-être un nouveau chantier dans le voisinage, ce qui mettrait du beurre dans les épinards.
D’ici là, vous pouvez aller rencontrer ce personnage haut en couleur et jeter un œil dans sa caverne d’Ali Baba. Vous pourriez y trouver de bonnes idées pour les fêtes.
Commentaires
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* Sous la photo de Merlin, Cours -Joseph- Thierry.
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Excellent 😀 bises à tous les deux !
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