Chronique data | Frontières intérieures

Chronique
le 9 Avr 2016
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Chronique data | Frontières intérieures
Chronique data | Frontières intérieures

Chronique data | Frontières intérieures

Chaque mois, Joël Gombin mouline des données et les habille d’une représentation graphique (carte, diagramme, etc.) pour analyser notre territoire et ses enjeux. Ce week-end, il s’intéresse aux frontières à Marseille. Sa base ? Le pourcentage de cadres, de retraités, d’étrangers ou encore le revenu médian.

Il n’y a plus de frontières, déplorent certains. À croire que ça leur manque. Ben, quoi ? Vous n’aimez pas traverser des frontières, vous ?

Laissons les frontières internationales à d’autres. Je ne suis qu’un modeste triturateur de données, qui ne voit pas plus loin que le bout du Frioul. Alors, jetons ensemble un regard sur notre bonne ville de Marseille. Et essayons de voir s’il n’y aurait pas là, sous nos yeux, à portée d’excursion, au bout de la ligne de bus, d’authentiques frontières. Tout marseillologue sait qu’elle est fragmentée, parcourue de fractures, de fossés, de cicatrices…

Le marseillologue en herbe aura sans doute le réflexe de penser que la principale frontière, le Rio Grande marseillais, passe au travers de la Canebière : n’oppose-t-on pas les quartiers Nord et les quartiers Sud ? Kalachnikov-land et Rupin-land ? Le padawan un peu plus avancé dans cette vénérable et immémoriale science se rappellera toutefois que rien n’est si simple, comme l’ont rappelé récemment des chercheurs alliés à un journaliste ou encore un journaliste qui a beaucoup cherché. Marseille est une ville fractale, traversée de fractures à toutes les échelles, ce qui explique qu’elle mette régulièrement en échec les modèles théoriques (centre-périphérie, organisation sectorielle…) des sociologues ou géographes qui aiment à penser qu’une ville égale une autre ville. Quoique, à bien y réfléchir, des villes fractales, il doit y en avoir d’autres… (je dis ça, sans quoi la brigade de répression des excès de vitesse marseillologique va me rattraper !).

Tels des explorateurs du proche, des Magellan des Catalans, des Vasco de Gama du Camas, partons à la recherche des frontières intérieures de la planète Mars(eille). Comment procéder ? Ces frontières intérieures, ces limes ne figurent sur aucune carte officielle ; point de checkpoint Charlie ni de gardes de Frontex pour les identifier.

Notre méthode est simple. Il s’agit de repérer ces frontières invisibles en regardant là où sont les plus grandes différences, les discontinuités de certaines variables. Si ici il y a beaucoup de cadres et là très peu, on peut considérer qu’il existe entre ici et là une frontière invisible, séparant deux espaces bien distincts. Et plus la différence est forte, plus cette frontière est infranchissable. Techniquement (oui, il faut bien que je fasse semblant d’être technique, à un moment donné…), on contemple les IRIS. Ce ne sont des jolies fleurs mais l’unité géographique de base de diffusion des statistiques publiques. Plus la différence de valeur d’une variable donnée entre deux IRIS adjacents est importante, plus on considère qu’il y a à leur limite une discontinuité – ce que j’appelle ici des frontières invisibles.

Les cartes ci-dessous montrent ces frontières lorsqu’on considère quelques variables : la proportion d’étrangers, celle de cadres et professions intellectuelles supérieures, celle de professions intermédiaires, celle d’ouvriers, celle de retraités et enfin les revenus médians. Une partie des frontières invisibles se superposent ; d’autres au contraire sont spécifiques à chaque dimension considérée. À chaque fois, elles dessinent comme un réseau de fortifications invisibles mais bien réelles, qui font que chaque bout de la ville appartient inégalement aux uns et aux autres. Certes, la ville est un bien commun, mais plus ou moins commun pour les uns et les autres…

Cliquez pour ouvrir les différentes cartes. Lecture : les niveaux sont représentés en vert plus ou moins foncé, les lignes rouges soulignent les écarts importants entre deux zones adjacentes.


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Étrangers

Part d’étrangers.

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Cadres et professions intellectuelles supérieures

Part de cadres et professions intellectuelles supérieures.

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Professions intermédiaires

Part de professions intermédiaires.

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Ouvriers

Part d’ouvriers

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Retraités

Part de retraités

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Revenus

Revenu médian par unité de consommation (définition ici)

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Les esprits chagrins ou simplement tatillons (je me compte parmi ceux-là sans aucune honte) noteront que les tracés des frontières dessinées correspondent à ceux des IRIS, c’est-à-dire d’un découpage opéré par l’INSEE, parfois peut-être un peu arbitraire. Peut-être. Encore que les IRIS soient découpés de manière plutôt pertinente par rapport aux réalités des quartiers. Mais l’essentiel est ailleurs : il s’agit de prendre conscience que, là où les cartes traditionnelles (celles qui répondent au doux nom de choroplèthes) nous montrent des à-plats, des dégradés, des continuités, on peut aussi voir des ruptures, des fractures, des frontières, des lignes infranchissables… « La géographie, ça sert à faire la guerre », disait l’autre (enfin, Yves Lacoste). Cette guerre est, aussi, urbaine et sociale…

Sources :

Recensement de la population, INSEE, 2012.
Revenus fiscaux localisés des ménages, DGFiP/INSEE, 2011.
Découpage des IRIS, IGN.
Code source pour les graphiques.

Comme d’habitude, le code source de cette chronique est disponible sur Github




Commentaires

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  1. Happy Happy

    Ce polygone rouge vif signalant une concentration de retraités, tellement forte qu’elle semble enclose dans un mur d’enceinte, ce ne serait pas…le cimetière Saint-Pierre ? Voilà une frontière que le vasco de gama marseillologue ne franchira que les pieds devant ! 😊
    A part ça, merci pour ces cartes. Ne pourrait-on pas zoomer dessus ? Et pour aller plus loin, les croiser (par exemple) avec les résultats électoraux par bureau de vote ? Classique mais toujours instructif.

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    • JL41 JL41

      Vous aviez l’œil aiguisé, il y a bien de 90 à 100 % de retraités au cimetière Saint Pierre.

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Chers lecteurs, détrompez-vous, l’IRIS Cimetière Saint-Pierre (c’est bien son nom officiel) accueille 76 habitants bien vivants, qui résident impasse des Magnolias ou le long de l’avenue Désiré-Bianco. Parmi eux, 36 sont retraités.

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    • JL41 JL41

      36 retraités sur un total de 76 vivants, ça fait 47 % de retraités et non 90 à100 % comme le suggère le dégradé de la carte.
      C’est dommage que l’auteur de ces cartes n’en ait pas fait de commentaires avec quelque connaisseur de la ville, nous aurions peut-être appris des choses.

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour,
      votre lecture du dégradé n’est pas bonne, l’impression d’opacité étant sûrement accentuée par la présence du cimetière, assombri sur le fond de carte. C’est un effet indésirable de la légère transparence appliquée aux couleurs, qui permet de distinguer les rues qui se situent “au-dessous” des zones. À votre décharge, la légende devrait aussi se limiter à la valeur plafond (50,75 %) et surtout une infobulle devrait permettre d’afficher la valeur exacte de chaque zone. Mais notre chroniqueur n’a pas eu le loisir de mettre en oeuvre ces développements.

      Quoi qu’il en soit les valeurs affichées sont correctes, ce qui est donc également le cas des écarts entre les zones, donnée “visuelle” la plus proche du propos de cette chronique.

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  2. Oreo Oreo

    Intéressant, mais dommage que l’échelle choisie ne permette pas de vraiment localiser ces “frontières”.

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    • Clémentine Vaysse Clémentine Vaysse

      Bonjour, nous avons changé les cartes. Vous pouvez désormais faire varier l’échelle. Les “frontières” sont matérialisées en rouge dans les nouvelles cartes

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  3. JL41 JL41

    C’est quoi ces cartes floues où l’on ne discerne même pas le Vieux Port, sur lesquelles on ne peut pas identifier les quartiers où se situent les phénomènes remarquables que les découpages et les données infra-communales Iris de l’INSEE sont censés faire ressortir ? Faute de voir apparaître sous le curseur le nom de la zone Iris ou du quartier, vous auriez pu porter sur la carte le nom des quartiers ou des sites les plus remarquables. Faute de cela, vous auriez pu aussi ajouter une carte avec ces noms, ou mettre un lien vers une carte à imprimer que nous pourrions utiliser pour identifier ces lieux ou ces zones remarquables.

    Les cartes sont parsemées de petites pyramides oranges, signifient-elles quelque chose ? Il y a un rectangle blanc ou incolore « no data » dans les légendes, mais que signifie le vert des cartes, dont on trouve 3 ou 4 dégradés qui ne sont pas dans la légende ?

    Vous nous offrez un travail banal et inutilisable de visualisation d’indicateurs, accompagné d’un discours méandreux sur les frontières, « pour analyser notre territoire et ses enjeux » lit-on dans le titre, mais vous n’analysez rien et ce que vous nous donnez ne nous permet pas de le faire nous-mêmes. Pas même quelques mots sur la localisation et la nature des densités remarquables qui apparaissent sur les cartes.

    Vous nous parlez en long et en large de nouvelles frontières qui en réalité n’en sont pas. A l’intérieur des Iris il peut très bien y avoir des variations avec des valeurs inférieures à la moyenne et inférieures à la partie contigüe d’un autre Iris, on ne peut donc pas parler de frontières. On voit aussi un même Iris partir de la partie urbanisée du sud de Marseille et s’étendre sur le massif de Marseilleveyre. Pas de frontière entre ces deux zones de densité de population très différente ? C’est le 8è arrondissement de Marseille, le zonage en Iris pouvait peut-être différencier le massif de la partie urbanisée et habitée.

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  4. Regard Neutre Regard Neutre

    @Joël Gombin —Politiste, qui mange des données au petit-déjeuner et qui— aime bien contempler le Frioul depuis son balcon. Votre article est remarquable et très intéressant. Il m’a fait découvrir – Camille Floderer (Nouvelle société savante de marseillologie),– Nicolas Maisetti (Nouvelle société savante de marseillologie)– Laurence Montel (Historienne, Université de Caen)– André Donzel (Sociologue, CNRS-LAMES)– Michel Peraldi (Anthropologue, CNRS-CADIS)– Sylvia Girel (Sociologue, Aix-Marseille Université qui ont fait de brillantes interventions lors du dernier congrès sur la Marseillologie contre les sciences sociales. Les recherches et les réflexions d’André Donzel et de Michel Peraldi sur la nouvelle métropole sont édifiantes. Merci pour votre travail de puisatier en roches politico- sociales.

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  5. LaPlaine _ LaPlaine _

    Ces cartes sont floues, peu explicites, on s’y perd un peu beaucoup, des ébauches..?

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  6. jean-michel gry jean-michel gry

    serait-il possible d’ajouter une carte du chômage?

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