OM à vendre : “Le chiffre d’affaires d’un grand club est celui d’un gros hypermarché”
Spécialiste de l'économie du sport, Didier Primault revient sur la récente décision de Margarita Louis-Dreyfus de vendre l'Olympique de Marseille. Prix du club, propriété du stade, place des supporteurs... L'économiste replace le cas de Marseille dans le cadre plus global du marché international des clubs de foot.
OM à vendre : “Le chiffre d’affaires d’un grand club est celui d’un gros hypermarché”
Après des années de suspense, des mois de tension et de résultats sportifs calamiteux, la propriétaire de l’Olympique de Marseille, Margarita Louis-Dreyfus a pris seule la décision de mettre officiellement en vente le club chéri de son défunt mari. Cette annonce a fait immédiatement polémique et prépare un super mercato médiatique. Déjà, les journaux spécialisés et les quotidiens régionaux ont commencé à poser des paris plus ou moins risqués sur le rôle de l’homme d’affaires marseillais, Xavier Giocanti, ou de l’intermédiaire italo-suisse, Pablo Dana. Faudra-t-il un riche mécène ou une nation assise sur un puits de pétrodollars ?
Entre deux rebondissements d’un feuilleton qui risque de supplanter les habituels pronostics autour du recrutement d’un attaquant, nous avons choisi d’entendre la parole d’un spécialiste de l’économie du sport, Didier Primault qui dirige le centre de droit et d’économie du sport (CDES), rattaché à l’Université de Limoges.
Margarita Louis-Dreyfus vient d’officialiser son intention de vendre l’Olympique de Marseille. Est-ce que cela vous surprend ?
Didier Primault : On est peu surpris. Cette question est revenue à plusieurs reprises depuis la mort de Robert-Louis Dreyfus. La deuxième raison est qu’il y a un problème de modèle économique pour plusieurs clubs français. Ils sont en recherche d’investisseurs soit pour rejoindre l’équipe en place soit pour racheter le club. Il y a une vraie difficulté à faire passer un club français comme l’OM à un niveau supérieur et atteindre ainsi des perspectives plus ambitieuses sur le plan sportif.
Dans son communiqué, Margarita Louis-Dreyfus indique le prix de vente n’est pas sa “préoccupation première”. Quel est le prix de l’OM ?
Cela dépend surtout des candidats au rachat. Si le propriétaire fixe un prix trop haut, il ne trouve pas preneur. Nous sommes dans une logique d’offre et de demande. Margarita Louis-Dreyfus fera en fonction des offres qui lui seront faites. Le Qatar a racheté le PSG entre 50 et 75 millions d’euros. Mais le prix varie parce qu’il est aussi dépendant de la nécessité ou pas de remettre de l’argent pour boucler le budget. Un autre mode de calcul me laisse dubitatif. Il consiste à comptabiliser les dettes dans la valeur d’un club. C’est ce que fait le magazine Forbes et c’est sans doute adapté aux franchises américaines. Ils y voient un signe positif de la capacité à s’endetter. De par ce fait, le club de Valence apparaît très haut dans leur palmarès, alors que cela ne correspond pas à la valeur réelle du club. Le prix est aussi fonction du nombre de spectateurs par match, du nombre de millions de followers sur les réseaux sociaux et de la solidité des comptes du club. Il n’a pas la même valeur si le club a des réserves ou s’il a 15 à 20 millions de déficit et qu’il faut remettre au pot chaque année.
Pensez-vous que l’OM puisse attirer des acteurs internationaux ?
De toute façon, le marché est international et la France est un pays attractif. Le cadre juridique y est rassurant. Il n’y a pas de mauvaises surprises ou de cadavres dans les placards comme cela peut être le cas en Italie ou en Espagne. Il y a ici une vraie qualité de gestion et de formation. Ce n’est pas pour rien que la France et la Chine ont signé des accords qui couvrent notamment la formation avec un accord avec entre la fédération française et chinoise sur ce point. En revanche, je ne suis pas sûr que Marseille ait totalement développé cet aspect…
Les grandes franchises américaines ont mis un pied dans le football anglais. Un club comme Marseille peut les intéresser, il occupe encore une place importante dans le football français. Il a tout de même quelques points faibles : le poids des associations de supporteurs, la violence de ces derniers. Si elle n’est pas comparable à ce qui se passait à Paris, le PSG a fait le ménage avant d’être en vente. Il y a également le poids des affaires en cours sur le plan judiciaire et la gestion sportive. Il y a une équipe à reconstruire avec plusieurs grands joueurs en fin de contrat. Enfin, je ne connais pas l’implication de spécialistes du third ownership dans le club, comme Doyen sports [cette société rachète une part des droits des joueurs pour baisser leur prix à l’achat et récupérer des dividendes à la revente, NDLR]. Selon le nombre de joueurs concernés, cela peut avoir un impact surtout quand il s’agit de rebâtir entièrement une équipe.
Le fait que l’OM ne soit pas propriétaire du Vélodrome peut-il avoir un effet négatif sur la vente ?
En France, on ne peut pas bâtir un projet sportif sans avoir une relation forte avec la principale collectivité même si on arrive avec beaucoup d’argent. Pour le Parc des Princes, par exemple, les Qataris ont passé beaucoup de temps à discuter avec la mairie de Paris pour que la Ville puisse se sentir à l’aise avec le projet. Dans le cas d’un stade bâti dans le cadre d’un partenariat public-privé, il y a forcément un impact sur les recettes du stade et la part versée au propriétaire. Il faut donc une discussion sur le long terme avec la collectivité. Le fait que le club ne soit pas propriétaire n’est pas un obstacle en soi. La plupart des grands stades aux États-Unis sont construits sur des fonds publics, en dehors des grandes villes comme New-York, Chicago ou Los Angeles. Cela permet notamment de s’assurer que les équipes ne partent pas ailleurs.
Le fait de posséder son stade a surtout son importance pour le développement des autres activités. Ce que l’on regroupe sous le nom d’hospitalités [accueil de congrès, de cocktails, des concerts…, ndlr]. Cela fait partie des éléments qui ont été largement discutés par Qatar tourism authorities dans le partenariat avec le club. J’en discutais récemment avec Christophe Bouchet [ancien président de l’OM reconverti dans le marketing sportif, ndlr]. Il est assez dubitatif sur le fait que l’agglomération de Marseille puisse permettre de générer assez de revenus d’hospitalités.
Surtout ce que ces revenus tombent dans la poche d’Arema, la filiale de Bouygues qui a construit le nouveau stade…
On a effectivement un problème en France avec ce ménage à trois entre l’opérateur, la ville et le club. On peut donc avoir un bel outil et un cadre juridique qui ne permet pas de l’optimiser parce que les relations entre les trois acteurs ne sont pas clairement définies.
Si son propriétaire n’attend pas de dividendes, quel est le modèle économique d’un club de football professionnel ?
Ce n’est pas de gagner de l’argent. Même à l’échelle européenne, ils sont très peu nombreux dans ce cas. Il y en a quelques uns en France, en Espagne, en Angleterre – par exemple Arsenal, si on ne regarde pas de trop près, et Manchester. Pour le reste, peu de clubs sont à même d’attirer des investisseurs en recherche de rentabilité. Si certains investissent dans des clubs, c’est forcément pour servir d’autres intérêts. On dit souvent que l’impact économique du football est fabuleux mais c’est faux. Si on regarde ce que rapporte le sport professionnel en terme de PIB, c’est insignifiant. Et cela vaut également pour les jeux olympiques ou le championnat d’Europe, deux évènements sur lesquels nous avons travaillé au sein du Centre de droit et d’économie du sport. Les retombées économiques directes sont très faibles. Le chiffre d’affaires d’un gros club de football professionnel à l’échelle européenne tourne autour de 500 millions d’euros. C’est comparable à celui d’un gros hypermarché d’une grosse agglomération. Pas plus. En revanche, quand le n°4 ou 5 d’un club de foot fait une déclaration, cela peut entraîner une tempête médiatique. C’est rarement le cas pour le n°4 ou 5 d’un hypermarché…
S’il n’y a pas de retombées économiques à attendre quel est l’impact d’un club professionnel sur le territoire ?
C’est important pour l’image et pour l’effet d’entraînement que cela peut avoir. Les hommes politiques qui sont souvent en désaccord sur tout tombent toujours d’accord quand il est question de sport. Regardez ce qui se passe avec la candidature de Paris pour les jeux olympiques de 2024. Il n’y aura pas forcément d’impact économique mais cela permettra peut-être de construire un consensus politique pour réussir le Grand Paris et hisser la capitale au niveau des grandes agglomérations européennes. Contrairement à l’image habituellement véhiculée sur la rigidité de nos procédures et notre marché du travail, la France est un des gros marchés européens qui reste très attractif pour les investisseurs internationaux. Les Français sont des gens très productifs et on peut faire des affaires en France. Les Qataris ont compris qu’il y avait un vrai intérêt à venir investir dans le sport en France pour s’y implanter et faire des affaires. Marseille est tout de même la deuxième ville de France et le club a une vraie histoire.
Commentaires
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ça me ferait vraiment mal que l’OM porte les couleurs de l’intégrisme religieux ou d’une dictature belliqueuse – voir Paris, Arsenal, Atletico… déjà qu’on a sur les maillots beurkturkish
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Ce n’est qu’un détail dans cette analyse intéressante, mais parler d’une violence intrinsèque aux associations de supporters, voire mettre leur comportement sur le même plan que le contexte du PSG pré-Colony Capital, me fait un peu sauter au plafond.
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Une candidature à de grands évènements pour construire le “jouer collectif” ? Marseille s’y est essayée en 2013 avec la formidable dynamique métropolitaine que l’on connaît aujourd’hui…
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Comme d’habitude, un article très éclairant qui montre bien l’originalité de traitement de l’actu par Marsactu. On peut parler intelligemment du rachat de l’OM en dépassant la question des rumeurs.
J’ai 2 questions complémentaires pour votre invité s’il les voit.
“Il y a une vraie difficulté à faire passer un club français comme l’OM à un niveau supérieur”, c’est à dire ? Quelle serait la nature de cette difficulté ? En quoi c’est plus important qu’ailleurs ?
J’ai aussi du mal à comprendre comment se calculerait la valeur “réelle” du club… Ou en tous cas quelle est la méthode qu’il préconise puisque visiblement l’autre n’est pas bonne.
Merci
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Pour reprendre ce que je disais, tout en relayant les stimulantes interrogations de Lagachon, il me semble que le calcul de la “valeur” d’un club de football ne saurait se résumer à un chiffre d’affaire ou à des actifs financiers, mais devrait pouvoir rendre compte des aspects symboliques qu’il véhicule et des retombées qu’il engendre pour son propriétaire, notamment, mais pas seulement, en termes de notoriété.
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“2ème Ville de France”… à part en kilomètres carrés, ou en population intra-muros, on parle au mieux d’une 3ème aire urbaine (en population) voire de bien moins suivant les règles de classement. (13 ème d’après une étude du cabinet PWC)
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“Le centre de droit et d’économie du sport (CDES) est une structure de formation de l’Université de Limoges, créée en 1978 par François Alaphilippe et Jean-Pierre Karaquillo.” je ne vois pas en quoi le poste de directeur d’un département de l’université de limoges donne de qualification pour estimer le poids d’un club de foot comme l’OM; ce monsieur ressemble plus à un technocrate qu’à autre chose; et comparer le psg et l’om c’etait pas vraiment intelligent, me semble-t-il !! enfin ce qui se dégage des propos qu’il tient, c’est sa tendance pro quatari et fric ainsi que son mépris pour les supporters de l’om; y-a un club à limoges au fait ?
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Didier Primault est économiste du sport, il a travaillé pour différentes instances notamment pour le basket pro (le CDES a été créé à Limoges autour du petit club de basket local, dont le palmarès est plus riche que celui de l’OM au foot).
Son positionnement pro-PSG et pro-Qatari explique sans doute son plaidoyer ultra-libéral publié dans le quotidien de droite “L’Humanité”, bizarrement titré “Il faut réguler l’économie du foot européen” (sûrement encore du second degré): http://www.humanite.fr/didier-primault-il-faut-reguler-leconomie-du-foot-europeen-568076 .
Le CDES est quant à lui un repaire de technocrates qui délivre l’obscur et inutile diplôme de Manager Général de Club Sportif, en association avec les fédés et ligues pro de foot, rugby, hand, volley, basket.
La vacuité de son contenu est certainement ce qui a incité un certain Zinédine Zidane, imposteur célèbre du sport professionnel et anti-OM notoire, à obtenir ce diplôme en 2013.
La Nouvelle Société Savante de Marseillologie a encore de beaux jours devant elle.
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Tout est dans le texte “le club chéri de son défunt mari” c’est pas comme si on avait écrit ‘ le club de son mari chéri et défunt ” dans le premier cas rien à battre , voire un peu de jalousie dans le second cas …..
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Un des soucis de l’OM est qu’en presque 20 ans de gestion par la famille Louis-Dreyfus, le club n’a pas évolué à part sur un plan immobilier (stade + centre d’entraînement). L’importance de la formation n’y est actée que depuis quelques années, pas assez pour voir assez de jeunes fournir l’équipe première en éléments assez bons et ainsi permettre de dépenser moins en transferts. Quant au recrutement, on y est à l’âge de pierre, comptant sur le réseau de l’homme providentiel du moment, qu’il se nomme Courbis, Diouf, Anigo ou Labrune. Un club aux structures saines base son recrutement sur une équipe rémunérée par le club, suffisamment fournie pour pouvoir aller voir des matchs en Europe, Amérique du Sud, et qui bosse sur la durée sans être parasitée par les lubies d’un président influencé par des agents ou fonds d’investissement (ce qui est le cas actuellement, Labrune ayant fait les poubelles de Doyen Sport).
Les Louis-Dreyfus ont sans doute perdu plus d’argent qu’ils n’en ont gagné avec l’OM, mais au bout du compte ils en sont le seuls responsables en n’ayant jamais compris comment été géré un club moderne, alternant les périodes de folies dépensières et de rigueur.
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