Charte du relogement : associations et mairie entrent dans la phase dure des négociations

Actualité
le 9 Avr 2019
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La mairie et les collectifs de soutien aux délogés vont tenter de s'accorder sur une charte du relogement. Ils ont jusqu'à la mi-mai pour rédiger un document qui sera présenté au prochain conseil municipal. Mais les négociations s'annoncent serrées.

Principale revendication des manifestants : la réquisition de logements vides pour les évacués. Photo : Julia Beaufils
Principale revendication des manifestants : la réquisition de logements vides pour les évacués. Photo : Julia Beaufils

Principale revendication des manifestants : la réquisition de logements vides pour les évacués. Photo : Julia Beaufils

La mairie de Marseille a acté le principe il y a de ça plusieurs mois. Elle envisageait alors l’élaboration de la charte du relogement sous la forme d’une “co-construction”. Voilà pour la théorie. En pratique, il semblerait que l’élaboration de ce document très attendu, qui visera à encadrer le parcours de personnes délogées entre le moment de l’expulsions et le retour à un logement pérenne, se déplace sur le terrain des négociations serrées.

La semaine dernière, lors d’une réunion à l’hôtel de Ville avec élus, représentants de l’État et militants, un premier document – en réalité un second, le premier ayant été proposé au début de l’année – a été posé sur la table par les collectifs et associations (lire notre article). Et pour la première fois, une échéance a été fixée : d’ici à la mi-mai, les différents acteurs dans ce dossier devront se mettre d’accord sur une version, en vue de la soumettre au conseil municipal de juin. Jeudi dernier, la discussion a débuté sur un mode tendu.

“La mairie n’a pas vraiment apprécié la façon dont nous avons amené la charte, même s’ils l’ont reçue 48 heures avant la réunion”, se remémore Martin Lefebvre, membre de l’Assemblée des délogés et présent ce jour là. “En même temps, depuis l’annonce de l’accord de principe avec la Ville et l’État, ils n’ont pas écrit une ligne. On peut donc difficilement nous reprocher de les mettre devant le fait accompli“, justifie Bernard Eynaud, membre du collectif du 5 novembre qui a également participé à la rédaction de la charte, par ailleurs président de la Ligue des droits de l’Homme des Bouches-du-Rhône.

Effectivement agacée par la démarche des associations et du collectif qui ont opté pour l’ultimatum, la mairie de Marseille a cependant accepté de regarder de près le document. Une nouvelle réunion est programmée ce mercredi en préfecture, avec l’ensemble des acteurs concernés.

“Des éléments constructifs”  et d’autres “légalement impossibles”

“Nous avons pris connaissance jeudi soir de la charte [jour de la réunion, Ndlr] dans laquelle il y a quelques pistes. Entre temps il y a eu le week-end. Nous avons maintenant jusqu’à mercredi pour envisager des éléments constructifs, détaille Patrick Padovani, adjoint au maire en charge de l’hygiène et de la santé. Nous allons étudier cela sachant que tout ce qui est légal est possible, mais que certaines choses ne le sont pas. C’est la même chose sur le plan technique.”

L’élu range ainsi dans la catégorie “impossible” la partie de la charte concernant la “mobilisation du parc privé et social”, dans laquelle il est envisagé que les délogés aient accès au parc social sans condition. “Il s’agit plutôt d’un manque de volonté politique”, estime pour sa part Kevin Vacher du collectif du 5 novembre. “Nous citons presque toujours la loi. Lorsque nous ne le faisons pas, c’est parce que nous avons proposé des choses lorsqu’il y a une carence légale, parce que nous sommes dans une situation de crise”, ajoute Martin Lefebvre.

“C’est vous qui payez”

Quant aux “éléments constructifs”, Patrick Padovani reste évasif. “On ne peut pas en dire plus pour le moment”, coupe-t-il court, arguant du manque de temps pour une analyse poussée. Et si l’élu se dit prêt à discuter, il souhaite aussi rappeler que les limites de la solidarité de la mairie ne sont pas loin :

Le problème de la rue d’Aubagne est réglé à 80 ou 90 %. Tout le reste n’est quasiment pas de notre fait. On accepte que le périmètre de sécurité soit de notre fait et qu’une loi nous permette d’agir en cas de carence des propriétaires. Mais il y a un moment, il va falloir secouer les propriétaires, parce que finalement, c’est vous [les contribuables, ndlr] qui payez pour des gens qui refusent de se mobiliser.

Autre point de contentieux dur :  la fin de la gratuité des repas pour les délogés, actée lors du dernier conseil municipal“Nous avons notamment proposé qu’un bilan des familles soit établi pour définir les situations précaires et que la mairie prenne en charge le reste à charge de ces familles pour les repas”, complète Martin Lefebvre. Patrick Padovani promet une réponse rapide sur ce point, dès le prochain rendez-vous.

“La préfecture a été impressionnée de la qualité de notre travail”

Une prochaine réunion est donc prévue ce mercredi à la préfecture, qui accepte de chapeauter le dossier. “L’État est à la disposition des parties prenantes pour faciliter et suivre les discussions. Nous sommes directement sollicités dans ce rôle, et sur des points particuliers qui appellent une discussion approfondie, notamment lorsqu’ils peuvent être créateurs de norme”, confirme-t-on. “La préfecture a été impressionnée par la qualité de notre travail et la précision de nos propositions”, ajoute Kevin Vacher. Un sentiment que l’on approuve dans les couloirs de la préfecture : “Ce document est très bien fait”.

Des réunions doivent donc se tenir de façon hebdomadaire jusqu’à la mi-mai. Du côté des associations et du collectif, plusieurs enjeux vont alors se dessiner. “La partie qui sera peut-être la plus difficile à faire accepter est celle qui concerne la transparence et la participation citoyenne dans le pilotage des opérations”, estime Bernard Eynaud qui pointe une autre problématique : “l’absence de la métropole est un souci. Nous allons écrire un courrier à Martine Vassal pour lui demander comment elle se positionne.”

La métropole absente des discussions

Questionnée sur le sujet, la métropole n’a pas répondu dans le temps imparti à la réalisation de cet article. “Mais étant donné que la métropole est plus sur les questions de fond, et la mairie sur l’urgence, ce n’est pas forcément à nous d’être présents dans ces négociations”, fait-on tout de même savoir au service presse. La métropole est bien citée dans la charte du relogement rédigée par les associations, qui espèrent notamment un soutien via le plan pour l’habitat.

Quoi qu’il en soit, les discussions autour de la charte du relogement sont bel et bien entamées entre pouvoirs publics et représentants des délogés. Depuis qu’ils attendent ce moment, ces derniers ont eu le temps de maîtriser le sujet. Sans illusion sur la transparence dont font preuve leurs interlocuteurs jusqu’alors, comme en témoigne Martin Lefebvre : “D’un côté nous avons la volonté de la discussion, mais d’un autre on leur en veut d’avoir fait passer en douce certaines choses et que d’autres ne soient pas claires. Nous allons donc maintenir la veille pour que nos propositions soient mises en place ou aménagées pour l’être”. Un rassemblement est prévu à 17 heures devant la préfecture ce mercredi*, juste avant la tenue de la réunion.

*Le rassemblement, envisagé dans un premier temps, a finalement été annulé.


Les annonces hâtives de Jean-Claude Gaudin

“La Ville et la métropole vont réactiver un centre d’hébergement d’urgence sur un ou plusieurs sites pour pallier les problèmes des hôtels auxquels on ne peut plus faire largement appel, s’est exprimé le maire lors du dernier conseil municipal la semaine dernière. 32 hôtels sont occupés, nous sommes de tout cœur solidaires mais les hôteliers nous ont fait remarquer que la saison d’été arrive ainsi que celle des congrès et qu’ils aimeraient récupérer de la place.” Inquiets par ces propos, les représentants des associations et collectifs ont questionné les élus municipaux sur cette annonce.

“On nous a répondu que la presse avait mal interprété et que nous avions mal compris. Mais on a vérifié les propos du maire et la presse a fait son travail. C’est pourquoi il va falloir que l’on reste vigilants car certaines choses peuvent se faire de manière sournoise”, commente Fathi Bouaroua, président d’Emmaüs Pointe Rouge et soutien des associations et collectifs qui viennent en aide aux délogés. Interrogé sur le sujet, Patrick Padovani ne nie pas l’option de l’ouverture d’un centre d’hébergement d’urgence, mais à plus long terme. “Il est évident que nous faisons notre maximum pour que les gens réintègrent de vrais logements et que les hôtels ont de leur côté des réservations de longue date à assumer. […] Mais pour l’instant nous en sommes simplement au stade de la réflexion et à la recherche d’un site qui puisse être utile plus dans l’avenir que le présent.” 

Idem pour l’annonce concernant les propositions de relogement qui étaient censées passer de trois à deux. “Nous avons discuté avec la Soliha, et il n’est pour l’instant pas du tout question d’abaisser le nombre de propositions. Dans les faits, c’est même plus de trois propositions qui sont faites”, réajuste Kevin Vacher.

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