[C’est mon data] Où sont les 22 000 hectares de terres agricoles bétonnées depuis 25 ans ?
Goulûment dans les années 1990, plus modérément depuis les années 2000, la ville grignote les terres agricoles. À l'occasion de notre débat au théâtre de l'Œuvre, Marsactu vous propose un voyage cartographique dans le temps.
[C’est mon data] Où sont les 22 000 hectares de terres agricoles bétonnées depuis 25 ans ?
Prenez une carte de Marseille. Enlevez quand même un petit bout du massif des calanques. Vous avez une idée de la surface de terres agricoles perdues entre 1988 et 2014 dans les Bouches-du-Rhône : environ 220 km² (22 000 hectares) pour 1430 km² restants. Cette estimation est issue des données du centre régional d’information géographique (CRIGE), qui réalise des cartes d’occupation du sol à partir d’images satellite. Cette estimation comprend des limites (voir notre note en fin d’article). Ainsi, l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam) s’en tient, dans une étude très récente, à un chiffrage de plus de 7560 hectares entre 1990 et 2012, espaces naturel compris (voir son commentaire).
Mais au-delà du quantitatif, les données de base permettent surtout de visualiser l’emprise croissante de l’urbanisation, au fil des décennies. L’une des zones les plus emblématiques est la périphérie nord d’Aix-en-Provence, complètement morcelée. Non loin de là, Saint-Cannat offre un exemple massif de l’impact d’un développement pavillonnaire. Sur d’autres territoires comme Roquevaire, Auriol et bien sûr Marseille, les terres agricoles sont réduites à la portion congrue.
Pensez à passer en plein écran pour une navigation plus confortable. Pour trouver plus rapidement une commune, vous pouvez utiliser le champ de recherche en haut à droite. Attention : les données ne sont pas pertinentes au-delà d’un certain niveau de zoom.
Un examen plus attentif montre cependant que le mal est fait depuis longtemps. En première approche, 90 % de ces terres agricoles bétonnées l’auraient été avant 1999. Ensuite, le rythme s’est ralenti à une centaine d’hectares par an sous plusieurs effets conjoints. Des plans locaux d’urbanisme moins gourmands d’abord, dans la ligne de lois plus exigeantes sur la question de l’étalement urbain. Mais aussi un rééquilibrage vers les espaces naturels : , ces derniers représentaient moins d’un tiers des surfaces grignotées de 1988 à 1999, contre près de 60 % de 2006 à 2014.
À l’inverse, selon la même étude (voir infographie ci-dessus), on ne “produit” plus la même chose avec ces hectares. Quasi exclusivement tournée vers le logement dans les années 1990, la croissance se fait désormais plus particulièrement au profit de zones industrielles, commerciales ou économiques. Aujourd’hui le futur plan local d’urbanisme intercommunal est soumis à enquête publique. A quel rythme fera-t-il progresser l’urbanisation?
[1] La qualité des images satellite a fortement évolué entre 1988 et 2014 et l’échelle de base du CRIGE s’est donc affinée. Une partie des changements peut venir de là. Par ailleurs, nous avons réalisé nos calculs sur la base de polygones qui pour certains sont à cheval sur deux départements.
Article actualisé le 31 janvier en écho aux commentaires de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise sur la méthodologie d’estimation quantitative des surfaces urbanisées.
Commentaires
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Merci pour ce travail de cartographie très parlant.
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et le pire c’est que ça continue. Faut GELER les zones à urbaniser ! Et ne faire plus que du renouvellement urbaine et des opérations d’ensemble en ville ! y’a l’EPF pour ça ça vaudrait le coup de lui poser des questions notamment sur les réticences des maires à 1/ construire 2/ densifier 3/ logement social pour des pensées idéologies et surtout électorales.. Notre système politique basé autour de l’élection nous bloque, c’est rageant..
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L’Agence d’urbanisme de l’Agglomération marseillaise (Agam) citée dans cet article a souhaité réagir en informant au préalable l’auteur de l’article de sa démarche.
Si nous comprenons le sens de votre propos et les motivations de l’article vers un urbanisme plus vertueux, que nous partageons, nous interrogeons la méthode utilisée pour arriver aux chiffres de : 22 000 hectares de terres agricoles bétonnées depuis 25 ans.
Les chiffres présentés dans cette article sont issus d’une méthode discutable et qui peuvent induire des interprétations biaisées des enjeux de l’étalement urbain sur notre territoire, et donc avoir des répercussions importantes à l’échelle d’un territoire de plus de 2 millions d’habitants.
La donnée SIG étant très technique et peu digeste, le travail d’analyse et de traitement pour lui donner du sens « concret » est le fruit d’un travail au long court des équipes d’études des agences d’urbanisme mais également des collectivités ou de toute autre organisme habitué à manipuler la donnée géographique. Ce travail implique des précautions d’interprétation propres aux limites des données existantes.
L’étude de l’AGAM citée dans votre article, pointe justement la complexité d’obtenir une mesure précise de cette consommation d’espace « longue période » en l’absence de référentiel stable.
Il nous semble donc indispensable de manipuler ces données avec des pincettes car nous pouvons faire dire beaucoup de choses aux chiffres.
Les données du CRIGE que vous présentez ne sont pas comparables d’une période à l’autre, le CRIGE lui-même avertit régulièrement ses utilisateurs de ces limites : les résolutions et méthodes de production des données ont changé et rendent impossible une simple superposition : voir les notices et éléments de métadonnées sur leur page officielle : http://www.crige-paca.org/projets-en-cours/bd-ocsol-paca.html.
1988-1999 ne se compare donc pas à 1999-2006 qui ne se compare pas à 2006-2014. En revanche, l’AGAM a pu tout de même en déduire*, en valeurs relatives, pour chaque période prises indépendamment, les formes urbaines ou agro-naturelles en %, sans donner de chiffres absolus invérifiables (nombre d’ha). Les seuls nombres d’ha donnés par l’AGAM concernent la période 2006-2014, avec raison : les données sont plus précises (images à plus haute résolution) mais surtout comparables (même résolution et méthode de production).
Pour illustrer des tendances sur une longue période, on ne peut donc qu’utiliser un même référentiel sur toute la période comparée… Or, une seule base de donnée existe, mais elle est beaucoup moins précise et ne prend en compte que les « grands changements » (supérieurs à 5ha) : Corine Land Cover.
C’est pourquoi l’Agam choisit délibérément ici de donner avec beaucoup de précautions (estimations), des chiffres de 7560 hectares minimum** à l’échelle des Bouches-du-Rhône***, pris de A à Z avec une même référence pour “comparer des choux avec des choux” (traitements AGAM issus de l’exploitation de Corine Land Cover entre 1990 et 2012). Ils concernent l’ensemble des espaces naturels et agricoles artificialisés (urbanisés) entre 1990 et 2012.
Cette expérience met en lumière l’importance stratégique pour les territoires d’avoir accès à une donnée de référence comparative, que seul le CRIGE élabore progressivement depuis un grand nombre d’années à échelle moyenne. Mais pour le suivi et l’évaluation des politiques publiques territoriales, un référentiel plus précis est attendu.
* Échelle : métropole Aix-Marseille Provence
** Dont 4600 ha (60% environ) d’espaces agricoles.
*** Calculs AGAM réalisés en 2017
Pour plus d’informations :
http://www.agam.org/fr/publications/regards-de-lagam/regards-de-lagam-n80.html
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