"Ces primaires, c'est une élection de réseaux"

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le 11 Oct 2013
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"Ces primaires, c'est une élection de réseaux"
"Ces primaires, c'est une élection de réseaux"

"Ces primaires, c'est une élection de réseaux"

À chacun ses réseaux. Qu'ils soient obscurs ou dans la lumière, chaque candidat aux primaires socialistes a travaillé pendant des mois à mobiliser pour le premier tour, ce dimanche. L'équation est d'une simplicité trompeuse : au-delà de l'adhésion de la population, celui qui gagnera sera celui qui fera déplacer le plus d'électeurs. Les sondages de popularité ne sont d'aucun secours, tant ils ne peuvent déterminer le type d'électeurs qui se prononceront in fine ce dimanche et le suivant.

Les réseaux sont en ce sens des maillons essentiels de la chaîne de mobilisation. Celle qui sans doute rejette le plus le terme est la ministre candidate Marie-Arlette Carlotti qui tenait ce vendredi matin un point presse à l'issue d'une nuit (presque) blanche de rencontres et de tractages. "Mais qu'est-ce que c'est le réseau ? Moi, je ne sais pas ce que c'est, proteste-t-elle. Je ne suis pas de ceux qui racontent qu'ils peuvent appuyer sur un bouton pour faire voter les gens". Dans son discours, le réseau renvoie directement vers son combat contre le clientélisme, étendard de sa campagne. "Son réseau, ce sont les Marseillaises et les Marseillais", insiste-t-on dans son entourage.

Pourtant, durant ces longs mois de campagne, elle aussi a ciblé des groupes de personnes déjà constitués. "On mobilise des réseaux entre guillemets officiels, explique un membre de son équipe de campagne : les associations, les syndicats… C'est aussi à cela que servent les cafés-citoyens thématiques". La ministre déléguée aux personnes handicapées a multiplié ses rendez-vous en tablant sur ses points forts : l'accessibilité évidemment, l'égalité hommes-femmes, la culture… À chaque étape, elle rencontre des responsables associatifs, des militants qui, elle l'espère, feront des petits dans les urnes.

Une montagne de petites pierres

On retrouve cette stratégie ciblée chez tous les candidats. "Par exemple, j'ai fait une réunion à l'Ostau dau païs marselhes, décrit Patrick Mennucci. Je suis le seul candidat à proposer une calandreta, une école primaire en occitan. On ne sait jamais, cela peut peser quelques voix". "L'idée, c'était de le mettre le plus possible en situation de discuter avec des groupes de personne", complète son directeur de campagne Yves Botton qui estime avoir réussi à "installer le programme de Patrick Mennucci au coeur du débat". Cela n'empêche pas que telle ou telle phrase ait aussi servi à s'attirer les faveurs de certains réseaux constitués. Ainsi, les déclarations contre "la crampe Force ouvrière" du candidat l'ont-elles rapproché des syndicats minoritaire et notamment du SDU-FSU.

Si les candidats jouent ainsi sur la stratégie de la montagne de petites pierres, c'est que la mayonnaise de ce nouveau scrutin n'a pas pris. Dans aucune équipe de campagne – à l'exception notable de celle de Samia Ghali – on ne parie sur un engouement populaire. "C'est une élection de réseaux, formule Sébastien Jibrayel qui fait la campagne de son père, Henri. Je ne vois pas un gros score [de participation], peu de Marseillais vont voter d'eux-mêmes". Les staffs surveilleront avec attention les premières heures de l'élection : plus les Marseillais se déplaceront, moins les seuls réseaux suffiront à revenir en deuxième semaine. Aujourd'hui, ceux qui savent devoir compter sur "une forte participation", comme on l'admet par exemple dans le camp Mennucci, font pourtant montre d'une certaine inquiétude.

Le PS n'a "pas fait le boulot"

On cherche les coupables, puisqu'il ne peut s'agir de la difficulté des six socialistes à soulever les foules. Il y a les déçus de la tutelle du PS 13, comme les carlottistes qui pointent un parti qui n'aurait "pas fait le boulot". L'affichage 4 par 3 abandonné, les publicités – dont nous avons bénéficié, ndlr – réduites à leur strict minimum, les débats moins nombreux qu'annoncés tendent plutôt à accréditer cette thèse. Sur le banc des accusés, on retrouve aussi les médias : le débat de France 3, diffusé à 23 h 15 un jeudi soir, est resté en travers de la gorge de certains.

Cette stratégie empirique est concurrencée par des procédés bien plus méthodiques de mobilisation. Ainsi, Christophe Masse détaille sans se cacher une méthode pyramidale. "J'ai 30 personnes qui contactent 30 personnes qui contactent 30 personnes", nous avait-il détaillé il y a plusieurs semaines. Son directeur de campagne, Pascal Chamassian, reprend le schéma : "Nous, c'est un petit peu particulier puisqu'on a lancé la campagne trois semaines avant le dépôt des parrainages militants et citoyens nécessaires. Cette logique des parrainages nous a tous poussé à mettre en place une organisation pour ainsi dire militaire, une mobilisation en chaîne. On a vingt ou cinquante têtes de réseau qui elles-mêmes ont des sous-réseaux et on continue comme ça. Dimanche, on va voir qui est le mieux organisé, qui a le plus la possibilité de transformer les parrainages en vote. Est-ce qu'on en fera un sur deux, sur trois, sur quatre ?" 

Dans l'entourage du candidat, on évoque même le recours à des procédés plus technologiques avec envois automatiques de messages à des listes d'électeurs préétablies. "Vous l'avez bien vu à Marsactu, le jour où vous avez voulu faire un sondage sur les candidats aux primaires", sourit-on, goguenard.

Formulaires de soutien

D'ailleurs, toujours chez Masse, les fiches de parrainages citoyens ont laissé la place à des "formulaires de soutien". Cette technique, si elle porte un autre nom ailleurs, a été mise en place partout. Récolter un mail, un numéro de portable sont autant de moyens d'activer le réseau au moment du vote. Certains axent même la quasi-totalité de leurs efforts là-dessus comme Eugène Caselli. "Outre, les contacts individuels de chaque militant sur le terrain, on ne travaille que sur les documents de parrainage :  avec 10 800, nous sommes ceux qui en avons récolté le plus, assure Pierre Bonneric, son directeur de campagne. Quand vous signez un document, cela vous engage". Avec ses équipes, Bonneric a même fait ses calculs : "Il faut 6 000 électeurs pour être au second tour, 8 000 pour l'emporter dès le premier." La base des parrains est donc suffisante pour espérer sortir vainqueur. Dans son comité de soutien, chaque militant a 60 contacts à activer y compris le jour du scrutin pour vérifier si ces derniers ont bien voté.

Après avoir entamé une campagne déjà axée sur le coup d'après – les municipales – le président de la communauté urbaine a donc basculé tardivement vers une stratégie spécifique aux primaires, sans abandonner sa posture de rassembleur. "Plus les électeurs de centre gauche se déplaceront, plus j'aurais mes chances", confie-t-il. Côté réseaux, il peut compter sur les bonnes grâces des territoriaux Force ouvrière qui ont opportunément distribué ces dernières semaines un tract sur les tickets restaurants affichant en gros titre : "Le président Caselli tient sa promesse : le ticket resto porté à 8,50 € !". Toujours dans cette logique, le départ de Sylvie Andrieux et de ses équipes pour le camp Ghali a porté un coup assez rude à sa campagne même si Bonneric assure que ceux-ci "ne sont pas forcément partis avec armes et bagages".

Outre ce renfort, Samia Ghali est celle à qui l'on prête le secours de plus de réseaux, notamment ceux du président du conseil général. Libération indiquait cette semaine que Franck Dumontel, le mari de la candidate qui la conseille dans cette campagne, a rencontré Jean-Noël Guérini au Bateau bleu, en début de mois. "Je ne l'ai vu que 30 secondes", se défend le patron du CG. Même si, selon une autre source, l'entretien a duré bien plus longtemps. Dans l'entourage de la candidate, de tout cela, on n'en a cure. "Je connais très bien Jean-Noël et je peux vous dire qu'il se désintéresse vraiment de cette campagne, glisse Christophe Lopez, conseiller communautaire PS et directeur de campagne de Samia Ghali. Il a juste apprécié le fait qu'elle ne hurle pas avec les loups quand il a commencé à avoir des ennuis. Pour le reste, elle n'a vraiment pas besoin de ses réseaux. À chaque déplacement, les gens viennent à elle, je n'ai jamais vu ça. Elle a une aura médiatique qu'on voit chez les artistes et moins chez les politiques".

Une aura d'artiste

Preuve à l'appui : en ce mardi après-midi, sa candidate remonte la rue Saint Ferréol en serrant des mains comme on signe des autographes. Derrière cet effet "vue à la télé", les jeunes militants de sa cause insistent sur le sens du vote et récoltent adresses mail et numéros de téléphone. Comme les autres, l'équipe Ghali a mis sur pied une cellule en charge du phoning qui rappelle aux gens rencontrés qu'au-delà des sourires, il faudra aller voter dimanche.

Chacun a ainsi scruté l'emplacement des bureaux de vote : celui initialement implanté aux Olives, au coeur du canton de Christophe Masse a été déplacé à la demande de ses concurrents. Dans les quartiers Nord, les lieux de vote ne sont pas plus nombreux qu'ailleurs (un par arrondissement) et fort mal desservis par les transports en commun. Les adversaires de la sénatrice voient déjà des minibus chargés d'acheminer les électeurs. Balivernes, répond-on de son côté. "On compte sur la politique des grands frères, contre Christophe Lopez, sans crainte des formules galvaudées. On incite ceux qui sont véhiculés à prendre en charge ceux qui ne le sont. Mais, arrêtez, il n'y a pas de bus affrétés".

Dans l'équipe de Mennucci, on ne déploie pas les grands moyens, mais on prévient par textos les habitants du Frioul que des véhicules se tiennent à leur disposition dimanche matin, jour d'élection, pour les amener jusqu'à la salle des Lices où ils voteront. Bien entendu, le SMS ne dit pas pour qui voteront les îliens. Chez les Jibrayel, on mise également sur l'artisanat. A la manière d'un Giscard président, père et fils s'invitent à domicile. "Il y a peu, nous étions à Plan d'Aou dans un petit immeuble. Les gens qui nous recevaient avaient invité leurs voisins. A la fin, cela fait du monde", décrit Sébastien Jibrayel. Mais le directeur de campagne du député du Verduron ne se fait pas d'illusion. "Sur nos 2200 parrainages, si 1000 personnes se déplacent, c'est déjà beau. Après, il y a notre réseau. A force de faire des campagnes, on connaît du monde". Mais, sauf à parier sur le report des Like Facebook, bien malin celui qui croit pouvoir prévoir les résultats de ce premier tour.

>> Post-scriptum : À défaut de jouer les voyants, toute l'équipe de Marsactu vous attend dimanche soir pour un live blogging. Au programme : ambiance, résultats, réactions (et contestations ?)

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Il y a mieux comme cadeau que le ralliement d Andrieux a samia Ghalil.

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  2. Kirkou Kirkou

    Jour de vote dans le 15 eme, un vrai bordel, pastis le ouialle quoi.

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  3. Anonyme Anonyme

    Très bon article, merci !
    (juste, parce que je suis exigeant avec les journalistes : ” “On compte sur la politique des grands frères, contre Christophe Lopez, sans crainte des formules galvaudées. On incite ceux qui sont véhiculés à prendre en charge ceux qui ne le sont. Mais, arrêtez, il n’y a pas de bus affrétés”. Soit je comprends pas la phrase, soit vous vouliez peut être dire “conte” et non pas ” contre” ? )

    Pour le reste, comme beaucoup (6000 votes à 13 heures à priori …) je n’irai pas voter car aucun candidat ne m’a donné envie d’aller voter pour un candidat que je pourrais éventuellement soutenir au second tour des municipales. (Les candidats sont à l’image du PS local …).

    Quelques petites choses :
    1) Christophe Lopez ! Encore … Encore un vraiment prêt à tout …
    2) J’ai croisé Mennuci hier dans le panier, je suppose qu’il allait au vide grenier organisé par le CAL, et c’était assez comique : personne ne le reconnaissait … Pas très bon signe à la veille d’une élection …
    3) Marsactu, j’aimerais beaucoup que vous enquêtiez autour de l’affaire de l’association UFM et de ses subventions douteuses, dont nous sommes beaucoup à s’interroger depuis quelques années déjà dans l’associatif 🙂

    Merci et à ce soir !

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  4. Anonyme Anonyme

    Cet am, salle Vallier, tout semblait bon enfant, pas de stress, un tout petit peu de monde, apparemment moins que pour les primaires des présidentielles…

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  5. Céhère Céhère

    De réseau… de (mini)bus.

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  6. boulegan boulegan

    Si je me souviens bien de tous les commentaires de ces derniers jours, l’objectif affiché par les organisateurs et les candidats (notamment mme carlotti) était d’obtenir une forte participation pour en finir avec le clientélisme c’est donc chose faite !!!!! Je parie que MAC autoproclamé candidate par les appareils parisiens et les bobos du coin ne va malgré tout pas apprécié

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  7. Anonyme Anonyme

    A quelle heure le live Marsactu ? Demain matin 🙂 ?

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  8. rionsen rionsen

    Avec les dizaines de minibus financés par les conseils général et régional aux associations du 15-16 et 13-14, il a vraiment fallu encore en louer?

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