Centre-ville : le rapport qui acte l’ampleur des dégâts
Ce vendredi, la mairie de Marseille présente en grande pompe son plan "Ambition centre-ville", la formule magique qui devra redynamiser le cœur de ville. Avant de découvrir ce plan, Marsactu revient sur l'état actuel du centre-ville, décrit comme alarmant par un rapport que les élus de la mairie évitent de citer.
Le centre-ville souffre de l'arrivée des centres commerciaux en ville, et le taux de commerce vacants est très important. (LC)
Ce vendredi, ils seront tous présents devant les journalistes. Le maire de Marseille, la présidente du département, le président du conseil de territoire Marseille-Provence et celui de la chambre de commerce, tous vont dévoiler de concert leurs projets pour le centre-ville. Objectif mis en avant : “La reconquête de l’épicentre historique et plus largement, du centre-ville tout entier, qui représente le premier pôle commercial de la métropole et du département”, peut-on lire dans l’invitation. Plus de 20 ans après l’arrivée aux affaires de l’équipe Gaudin, le défi est paradoxal.
“Nous allons de l’avant pour répondre aussi et en priorité aux attentes des habitants et de l’ensemble des usagers du centre-ville”, écrivait Jean-Claude Gaudin en préambule d’un document distribué lors d’une conférence de presse en avril dernier. La Ville lançait alors un nouveau mot d’ordre : Ambition centre-ville. Dans ce “pré-livre guide”, sorte de catalogue à cheval entre le bilan et le plan, mais encore à l’état d’ébauche, le maire précisait que “cette ambition collective se concrétisera avec des objectifs clairs et précis”. Nous y sommes.
676 commerces vides
Pour appuyer sa réflexion, la municipalité avait commandé un rapport au cabinet Cibles & Stratégies, évoqué par La Provence en septembre, avec pour mission d’“Imaginer le centre-ville de demain”. Reçu en mars, il se retrouvait déjà en partie copié-collé dans le “document de travail” d’avril. Du moins le deuxième volet, censé fournir une “feuille de route” à Ambition centre-ville (voir ci-dessous). Mais avant ces 27 pages de préconisations, Cibles & Stratégies en déroulait 67 d’un “bilan d’attractivité”.
Spécialisé dans la communication et le marketing, le cabinet n’hésite pas à pointer du doigt les multiples lacunes du centre-ville marseillais, à commencer par la décadence de l’offre commerciale. “Avec 676 cellules vacantes recensées à l’échelle du périmètre d’étude, le taux de vacance atteint 15,1% soit un taux particulièrement élevé”, estime-t-il. Ces chiffres ne sont pas nouveaux mais les détails des cartes fournies dans l’étude leurs donnent un ancrage frappant dans le réel.
Si quelques points noirs apparaissent sur le bas de la rue de la République – le haut n’est pas inclus dans le périmètre – ce sont deux pôles moins régulièrement mis en avant qui concentrent le plus haut taux de vacance : le quartier Tapis Vert/Gambetta où la vacance s’élève à presque 28 %, ainsi que Noailles avec près de 27 % de boutiques vides. Des taux que l’on retrouve certes dans d’autres villes du territoire national qui, selon les spécialistes, connaît un déclin général de ses centre-villes. Sauf qu’il s’agit de petites et moyennes villes. “On trouve à Marseille une situation similaire aux villes moyennes, entame Olivier Razemon, auteur du livre Comment la France a tué ses villes paru en octobre 2016 aux éditions Rue de l’Echiquier. Il y a à Marseille un manque de réflexion globale sur l’urbanité que l’on peut retrouver ailleurs, mais qui est ici poussé à son paroxysme.”
Outre le taux de vacance, le rapport met en avant un autre problème : plus d’un commerce sur trois situé dans le périmètre est ouvert depuis au maximum 2011. Si cette donnée peut s’appréhender comme “un dynamisme”, elle traduit surtout une fuite des commerçants. Autrement dit, “il existe une réelle difficulté à pérenniser les activités commerciales dans le centre-ville de Marseille”, note l’étude.
Autant dire que Cibles et Stratégies n’a trouvé que très peu de points forts au centre-ville de Marseille et ils sont parfois eux-mêmes signes de carences. Par exemple, si le taux de diversité commerciale y est qualifié d’élevé (environ 30 %) le rapport fait également remarquer que cette diversité est presque uniquement liée à l’offre en équipement de la personne et que ce taux se situe dans la moyenne des villes telles que la Rochelle ou bien… Alençon, ville de 28 000 habitants située dans le département de l’Orne.
L’étude indique encore qu’en ce qui concerne l’alimentaire, l’offre en boucherie-charcuterie est satisfaisante mais que celle en boulangerie-pâtisserie laisse à désirer. Pour Olivier Razemon, il s’agit là d’un des symptômes du déclin du centre-ville. “Ce phénomène s’accompagne de caractéristiques comme la paupérisation ou la disparition de commerces de base comme la boucherie ou la boulangerie au profit de produits plus superflus”, expliquait-il lors d’une interview à La Marseillaise en janvier dernier.
Gommettes rouges
Cibles et stratégies fait également remarquer qu’un seul hyper-marché est présent dans le centre-ville de Marseille et que l’on y trouve aucun magasin d’électroménager et multimédia… Pour parfaire le tableau, les chargés de l’étude écrivent : “Le centre-ville commerçant marseillais se caractérise par des façades commerciales peu homogènes dans leur ensemble et peu qualitatives, impactant ainsi la qualité globale de l’espace public et ce malgré la richesse architecturale du cœur marseillais”. Une remarque qui a peut-être motivé le chèque de 200 000 euros d’Hammerson, promoteur des Terrasses du port, pour refaire les devantures de 24 boutiques du centre-ville (et compenser le départ des clients vers les centre-commerciaux ?). En guise de bilan, le document présentent également une page à base de gommettes à dominante rouge.
Attractivité résidentielle, taux de vacance des logements, médiane des revenus : d’autres gommettes rouges viennent souligner que la fragilité est plus large que les commerces. Une conclusion de quelques lignes vient enfin clôturer le rapport : “L’analyse du centre-ville de Marseille laisse apparaître que le cœur de ville ne joue pas complètement son rôle de centralité” peut-on y lire. Mais à côté de la baisse démographique notable de 12,5 % en cinq ans, forcément néfaste pour le commerce de proximité, une cause est mise en évidence : “Le développement de nouveaux pôles commerciaux proposant une offre similaire à celle du centre-ville voire plus large impacte la fréquentation du centre-ville et de ses commerces”.
Voilà une rengaine que l’on répète à l’envi dans les boutiques du centre-ville. “J’ai été commerçante dans plusieurs centres-villes de France et à chaque fois qu’il y a des centres commerciaux qui ouvrent, on en pâtit”, déclarait en septembre à Marsactu une commerçante de la rue Saint-Ferréol questionnée sur l’ouverture des commerces le dimanche dans le centre-ville. Cette fois-ci, des professionnels l’ont écrit noir sur blanc, et l’ont mis entre les mains des collectivités locales, qui ont elles-même favorisé l’implantation des ces grandes surfaces. “Avec la trop grande place accordée aux modes de transports motorisés qui ne laisse que trop peu de place aux piétons, habitants du centre-ville, l’étalement urbain avec la multiplication des centres commerciaux notamment participent au déclin du centre-ville de Marseille”, analyse Olivier Razemon.
Mais ce déclin se ressent en temps normal davantage dans les villes de taille plus modeste. “Parce qu’elles n’ont pas ce cœur résistant avec une forte densité et constitué d’habitants conscients des enjeux du centre-ville, comme on peut le retrouver à Bordeaux par exemple. Parce qu’on ne les regarde pas, parce qu’elles ont peur qu’on ne parle d’elles que pour souligner les mauvais côtés, alors on préfère fermer les yeux et ignorer ce déclin plutôt que de mettre en place des choses”, poursuit Olivier Razemon. Et si c’était aussi le cas de Marseille, deuxième ville de France ?
Une feuille de route qui veut “travailler l’effet vitrine”
Dans la seconde partie du rapport, le cabinet propose un plan de référence pour “renforcer l’attractivité et le rayonnement du centre-ville” de Marseille. Déclinées en cinq volets, les propositions brassent large, telle la création d’une “marque de centre-ville” ou la mise en place d’une signalétique pour “scénariser l’entrée dans le centre-ville” par les portes d’entrées que sont le cours Lieutaud, le boulevard de la Libération et le boulevard d’Athènes. Le rapport préconise la revalorisation des rues Saint-Saëns, Francis Davso et Vacon, ce qui permettrait de relier entre elles les rues commerçantes que sont la rue de Rome, la rue Paradis et la rue Saint-Ferréol. Autre suggestion : l’aménagement d’un pôle d’échange au niveau de la gare de bus devant le Centre Bourse ainsi que la création d’un pôle santé rue Vacon.
Cette feuille de route s’affirme “en conquête de clientèle”, veut “travailler l’effet vitrine”, cultiver sa “singularité touristique” et en faire un “lieu événementiel”, avec un œil favorable sur les Dimanche de la Canebière. Mais le chantier immense de l’habitat, et plus largement des habitants, ne fait l’objet que de deux petites pages. Cet été, on prévenait du côté de la Ville que ce rapport ne serait pas “l’alpha et l’oméga” d’Ambition centre-ville. Les grammaires devraient en tout cas s’accorder.
(Avec Julien Vinzent)
Commentaires
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Les assassins reviennent toujours sur le lieu de leurs crimes, et cela se vérifie une fois de plus avec la bande de guignols de la mairie,.
GAUDIN et ses complices vont encore s’étonner de l’état des lieux dans le centre ville après l’avoir sabordé ,sciamment.
Bien sûr ils n’y sont pour rien, la faute à DEFFERRE sans doute et vont prendre les mesures qui s’imposent pour aller de l’avant, comme d’habitude.
J’espère que pour GAUDIN et son orchestre de joueurs de flûtes,l’avant sera synonyme de sortie après 22 années de démagogie et de cynisme .
Ce rapport est une gifle supplémentaire à la gestion municipale.Tous les domaines sont touchés: transports,architecture,politique de la ville, urbanisme, stratégie.
La réponse de cette étude dont le prix est trés sûrement élévée: Scénariser.
On croit réver!
Tout ceci est pitoyable.
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Il faut noter la date de cet article, 8 décembre 2017 : c’est la date à laquelle, après avoir touché le fond, on a commencé à creuser pour aller encore plus bas.
Il est tragique que la nullicipalité ait besoin d’un rapport pour constater ce que tout le monde peut observer en se baladant dans le centre-ville. Ces gens-là devraient sortir plus souvent de leur bureau et de leur voiture avec chauffeur. Oui, 15 % de vacance de locaux commerciaux, c’est un taux qu’on ne trouve que dans des villes petites et moyennes dont le centre a été détruit par le dépeuplement, par le chômage et par les centres commerciaux de périphérie.
Il est tragique que ce rapport, en 2017, décrive une situation pourtant connue depuis des années, qui a fait l’objet d’études en tout genre, d’articles et de commentaires sur Marsactu (par exemple ici en 2013 : https://marsactu.fr/les-politiques-refusent-de-regarder-la-realite-du-centre-ville-en-face/, ou là : https://marsactu.fr/le-centre-de-marseille/ ), sur son agora, sur le site “Marseille Mission Possible”, etc.
Il est tragique que l’équipe nullicipale, aux commandes depuis plus de deux décennies, ne découvre qu’aujourd’hui l’ampleur des dégâts. Pendant ces deux décennies où le centre-ville de Marseille s’enfonçait, les autres grandes villes françaises réaménageaient le leur, faisaient plus de place aux piétons et aux cyclistes, le transformaient en lieu où, autant que faire se peut, il est agréable de déambuler : tout ce que n’est pas le centre-ville de Marseille, sale, bruyant, encombré par la bagnole, où le piéton est un citoyen de seconde zone. Deux décennies perdues.
Il est tragique que les centres commerciaux aient été construits hors d’un projet d’ensemble d’évolution du centre-ville. En vingt ans, il y avait moyen de faire beaucoup de choses. Mais comme toujours, la méthode mise en oeuvre, c’est le petit bout de la lorgnette et le court terme.
Il est tragique que le plan “Ambition centre-ville” soit un plan : à Marseille, les “plan” (Ecole réussite, piscine, gymnase) sont des coquilles vides pour le décor : pas de budget, pas de calendrier.
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Juste un point de forme : il est question de reconquérir “l’épicentre historique”. Ah bon. Le mot “épicentre” n’est pas banal : il sous-entend qu’il y a un hypocentre, dont j’aimerais savoir où il se trouve. C’est du vocabulaire de sismologue. A quand le tremblement de terre ?
Sinon, “centre historique”, ça se dit et ça se comprend très bien.
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Rien à ajouter à ce qui a été dit précédemment, ce rapport et l’article de Julien Vinzent reprennent tous les points de la gestion urbaine erratique du Gaudini Barnum. Cette antienne que nous répétons tous en cœur depuis bien trop longtemps déjà, nous qui assistons jour après jour quasiment au délabrement de ce cœur de ville, dont la responsabilité incombe quasi exclusivement à ces personnages de cirque sans talent. Pour le détail (et l’illustration du propos) on notera avec intérêt l’évocation dans le rapport de la revalorisation de la rue Davso…cette même rue Davso qui fût le Grand Oeuvre de requalification du sieur Tessier lors de son bref passage à la métropole en 2015/2016! Incapables!
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A ce sujet, en 1995, un rapport instruit par la Chambre de Commerce et d’Industrie (j’étais un des participants) a été remis (en grande pompe évidemment) à GAUDIN, nouvel élu, qui promettait, à qui voulait l’entendre, que ce serait un dossier qu’il traiterait en priorité… 1995… 2017… Il y a 22 ans que le dossier est sur son bureau, avec les mêmes problématiques, les mêmes enjeux, les mêmes difficultés, les mêmes… etc etc etc…
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“Ambition centre-ville” c’est un peu l’équivalent dans le domaine des politiques publiques d'”Infinitif” pour les salons de coiffure, ou encore d'”Exceptio’nail”: ringard jusqu’au bout des ongles.
Pfff, c’est terrible à dire mais on a hâte de lire votre compte-rendu de cette conférence de presse prometteuse pour rire jaune encore une fois.
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Oui, à Marseille, nous sommes gouvernés par des tchapacans, et encore plus triste les rares marseillais qui votent élisent depuis des décennies de gros tchapacans. Comment sortir de cette difficile situation ? En réclamant la mise sous tutelle de la ville ? En émigrant à Lyon, à Toulouse, à Grenoble ou à Lille ?
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“Le centre-ville ….. marseillais se caractérise par des façades peu homogènes dans leur ensemble et peu qualitatives, impactant ainsi la qualité globale de l’espace public et ce malgré la richesse architecturale du cœur marseillais” et le problème ne concerne pas que les commerces, dans les réunions de copro, c’est la course à qui en fera le moins et laissera le plus se dégrader les immeubles et les plus aisés, propriétaires non occupants avec locataires, sont pas les plus actifs à ce petit jeu! Que font les pouvoirs public locaux? A quand des incitations/obligations de travaux, pour aider ceux qui veulent du bien à Marseille, à son patrimoine, et à ses habitants à se battre contre les marchants de sommeil?!
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erratum : les plus aisés SONT les plus
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Je pense honnêtement qu’il est déjà trop tard.
L’étalement urbain, le tout bagnole et la faiblesse des transports en commun favorisent les CC de périphérie et des communes alentours.
Le centre ville est sale, dégradé, caffi de bagnoles se garant n’importe ou en totale impunité, il n’a rien d’attirant.
Par ailleurs, outre les CC, d’autres centralités ont vu le jour et le centre ville attire une part faible et déclinante des marseillais.
Ca fait 60 ans qu’on tue le centre ville. C’est un peu tard pour s’en rendre compte.
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Le déclin du centre-ville commence début XXème et bizaremment, je trouve ce centre-là pas trop mal : la Criée, de nombreux restos. et bars, l’Opéra, une grande bibliothèque, nombreux théâtres (Bernardines, Odéon, etc.), un peu de ciné (variétés), le panier magnifiquement réhabilité, les rues du 6ème ont des magasins sympas et originaux parfois, une certaine jeunesse des gens (lycée, classes prépas.) un superbe dynamisme au Cours Julien, etc.
Il faut vivre en centre-ville …
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Ils passent leur temps en parlottes, à commander à grand frais des rapports vides de sens , évaluations à la louche etc… pauvre Marseille aux mains de ces incapables !!!
Où voient ils des boucheries- charcuteries en nombre suffisant en centre- ville ? je n’en connais que deux ou trois dignes de ce nom, hors marchés hebdomadaires ….qui fournissent des produits de qualité, viande de porc compris bien entendu !
Où font ils leurs courses ces gens là ou plutôt leurs larbins ?
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