À Châteauneuf-les-Martigues, Carrefour s’accroche à sa galerie marchande sans autorisation

Décryptage
le 11 Août 2017
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En mai, le préfet a envoyé un agent dresser un PV pour constater l'exploitation illégale de la galerie marchande du centre commercial Carrefour de Châteauneuf-les-Martigues. Mais l'État n'est pas allé plus loin et l'association En toute franchise lance une nouvelle procédure pour le contraindre à faire fermer les boutiques.

À Châteauneuf-les-Martigues, Carrefour s’accroche à sa galerie marchande sans autorisation
À Châteauneuf-les-Martigues, Carrefour s’accroche à sa galerie marchande sans autorisation

À Châteauneuf-les-Martigues, Carrefour s’accroche à sa galerie marchande sans autorisation

Dans la matinée du 10 mai dernier, un inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes se présente au centre commercial Carrefour de Châteauneuf-les-Martigues, bordé par l’étang de Berre et l’A55. De quoi perturber le quotidien des commerçants, dans cette galerie marchande où le barman du Macan Bar appelle ses clients par leur prénom. Mais ce n’est pas lui qui reçoit l’inspecteur. Un représentant de la direction régionale sud-est de Carrefour Property, ainsi qu’un responsable de la direction des affaires juridiques de Carrefour France ont fait le déplacement, afin de l’accompagner dans sa mission : contrôler, plans en main, la surface de vente de la galerie marchande attenante à l’hypermarché.

“Je l’ai bien vu cet inspecteur. Il prenait des mesures et a réalisé quelques clichés photographiques”, se souvient Stéphane Torta, le gérant du Macan Bar, le restaurant situé à l’entrée de la galerie. Des photos qui figurent dans le procès-verbal, que Marsactu a pu consulter. “Par contre je ne sais pas trop pourquoi il est était là. Je sais qu’il y a une histoire de mètres carrés qui ne seraient pas régularisés par l’État. J’ai vu ça sur France Télévisions, dans une enquête de l’émission Envoyé spécial”, ajoute Stéphane Torta, quelque peu inquiet par cette visite, pour lui inattendue.

Une visite demandée par le tribunal

Cette inspection de la galerie marchande, aussi soudaine soit-elle pour certains commerçants, n’est en réalité que la continuité d’un long processus judiciaire. En effet, la présence de l’inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est le résultat d’une décision du tribunal administratif de Marseille datée du 20 avril qui “enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de faire dresser le procès-verbal de constat d’infraction dans le délai d’un mois”.

Saisi par l’association En toute franchise, le tribunal considère en effet qu’“une surface commerciale de 1700 m2 est illégalement exploitée au sein de la galerie attenante à l’hypermarché”, inauguré en 1973 mais dont une partie n’aurait jamais obtenu les autorisations nécessaires. Une version contestée par le passé du côté de Carrefour, qui n’a pas répondu à nos sollicitations. Pour sa part, l’inspecteur s’est arrêté à seize boutiques et 939 mètres carrés, les autres locaux étant vacants. Ce que regrette l’association, mais l’essentiel est là : l’infraction est reconnue. Une victoire pour cette association de défense des commerçants et des artisans, qui se bat depuis 2006 pour que Carrefour soit condamné à la fermeture de ces surfaces illégales sous peine de verser une astreinte de 150 euros par mètre carré et par jour prévue par la loi.

Des années de procédure

Depuis des années, ils multiplient les recours, mais c’est la première fois que la justice leur permet de forcer l’État à aller dans leur sens. “Ils”, ce sont Martine Donette et Claude Diot, tous deux anciens commerçants de la galerie marchande de Carrefour Vitrolles, et “victimes” du fonctionnement de l’hypermarché quant aux mètres carrés illégaux. Formellement contre la grande distribution et son ivresse de la croissance facile, les fondateurs de l’association En toute franchise souhaitent “faire appliquer les lois”, signifie Claude Diot. “On ne demande pas la fermeture pour embêter les commerçants, ils sont eux-mêmes victimes de Carrefour. Nous voulons régulariser une situation”, poursuit-il. “Il faut condamner Carrefour”, renchérit Martine Donette.

Claude Diot et Martine Donette, trésorier et présidente de l’association En toute franchise.

Bien que satisfait de ce contrôle, En toute franchise déplore la lenteur de la part des pouvoirs étatiques face à cette situation irrégulière qui traîne depuis plusieurs années. Et regrette surtout l’absence de débouchés du PV, dont ils sont sans nouvelles. Jointe par téléphone, la préfecture annonce que le préfet “sollicite Carrefour pour faire une demande de régularisation auprès de la commission départementale de l’aménagement commercial”. La fermeture du magasin avec astreinte n’est donc pas à l’ordre du jour.

Une décision incompréhensible pour Martine Donette et Claude Diot qui ont comme l’impression de tourner en rond. “C’est reparti pour des mois”, murmure la présidente de l’association En toute franchise. En effet, en 2015, Carrefour avait obtenu de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) de régulariser sa galerie attenante, donc les seize boutiques, ainsi que l’autorisation pour la création de neuf autres magasins et une moyenne surface. Soit 4500 mètres carrés au total. L’association En toute franchise a alors formulé un recours auprès de la commission nationale de l’aménagement commercial (CNAC). En octobre 2015, celle-ci lui a donné raison.

Une nouvelle demande de fermeture adressée au préfet

Sauf que le 18 avril 2017 – deux jours avant le jugement qui a conduit au procès-verbal !- c’est au tour de Carrefour de remporter une victoire devant la cour administrative d’appel de Marseille. Cette dernière considère que l’argument de la CNAC sur l’augmentation du trafic en cas d’extension est “erroné” et qu’il n’était pas problématique de régulariser la galerie marchande dans une procédure distincte de l’hypermarché (voir l’encadré ci-dessous). La cour d’appel demande donc à la CNAC de réexaminer le dossier.

L’hyper régularisé définitivement en 2015

À côté de la (modeste) galerie marchande, l’hypermarché a lui aussi du ferrailler pour obtenir une autorisation en bonne et due forme. À l’origine, le permis de construire portait sur une surface de vente de 4500 m2. En 2006, Carrefour souhaite s’étendre et obtient un accord de la commission départementale pour 2030 m2 supplémentaires, soit un total de 8500 m2. En toute franchise tique : cela signifie que Carrefour reconnaît que l’hypermarché représente 6470 m2, suite à une extension non autorisée. La cour administrative d’appel lui donne raison et annule la décision de la commission départementale en 2012. Carrefour dépose un nouveau dossier en 2013, la CDAC l’accepte, la CNAC n’y trouve rien à redire en 2014, pas plus que la cour administrative d’appel en 2015.

La réponse, parvenue sur le bureau de Claude Diot et Martine Donette mardi, est la même : le projet est refusé. La CNAC réitère l’argument selon lequel la demande “vise notamment à régulariser la situation juridique de 16 boutiques existantes, d’une surface totale de 1700 mètres carrés, pour lesquelles les pétitionnaires [Carrefour, ndlr] indiquent ne pas disposer d’éléments probants concernant l’autorisation d’exploitation commerciale qui aurait été délivrée précédemment”. 

Pour éviter un nouveau round, avec un éventuel appel ou un nouveau dossier régularisation de Carrefour, l’association En toute franchise a donc pris les devants. Le 2 août, son avocat a déposé un recours devant le tribunal administratif afin d’obliger le préfet à enclencher le processus de fermeture, sur la base du procès-verbal. Avec, toujours, une astreinte de 150 euros par jour et par m2, soit 4,5 millions d’euros par mois…

Cette procédure aussi prendra du temps. Mais commence à inquiéter les commerçants. Stéphane Torta se dit “dans l’ignorance complète” de ces péripéties juridiques. Avec d’autres commerçants, il envisage de créer une association pour interpeller la direction de Carrefour et s’inviter à leur tour dans la discussion.

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Commentaires

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  1. LN LN

    Incroyables effectivement Martine et Claude, les lanceurs d’alerte locaux. Ils sont fatigués… On espère vivement la relève avec tous les commerçants de ces centres commerciaux.
    En lien “Envoyé spécial” sur leur combat particulièrement intéressant et notamment cette lutte avec le maire d’Istres qu’ils sont arrivés à faire plier sur son projet pharaonique “Istropolis”.
    Comment cette schizophrénie est possible entre ouvrir tjs plus de centres commerciaux, alors que partout, les centres villes en crèvent ?
    https://www.youtube.com/watch?v=r_H1_5sIf4k

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