Dans le 9e, des familles roms remises à la rue par les riverains et la mairie de secteur
Vendredi en fin de journée, des riverains du 9e arrondissement mobilisés contre un squat sont parvenus à chasser les familles roms qui s'y étaient installées. Une situation de tension rare ces dernières années, et alors que les capacités d'hébergement sont saturées.
Dans le 9e, des familles roms remises à la rue par les riverains et la mairie de secteur
La trêve hivernale a débuté et les températures plus fraîches se sont installées, mais l’errance se poursuit pour les Roms expulsés le 31 octobre d’un hangar de la Capelette. Vendredi 3 novembre, il n’y a pas eu besoin de décision de la préfecture : les riverains du quartier de la Pauline, le long du boulevard Romain-Rolland, dans le 9e arrondissement, se sont chargé de faire comprendre aux familles qu’elle n’étaient pas les bienvenues jusqu’à leur départ effectif, sous escorte de la police.
La veille, une riveraine alerte en effet le maire de secteur (LR), Lionel Royer-Perreaut de la présence de squatteurs dans un bâtiment vide, autrefois occupé par la direction urbaine de la protection civile, dans une enceinte partagée avec l’école publique de la Pauline. “Le jeudi soir, nous étions sur place avec la police, il y avait deux, trois familles sur les lieux. Le camp a un peu grossi ensuite. Nous avons communément admis de ne pas agir de nuit”, précise le maire des 9e et 10e arrondissements, qui espérait alors une expulsion diligentée par la préfecture, s’agissant d’un lieu illégalement occupé depuis moins de 48 heures.
“Nous devons être très vigilants”
Par le biais de la page Facebook du CIQ de la Pauline, les riverains se mobilisent rapidement et se donnent rendez-vous le vendredi après-midi devant les lieux. À la lecture de publications postées antérieurement sur cette page, il est aisé de comprendre que depuis l’expulsion du hangar de la Capelette, ils s’étaient passé le mot pour rester sur le qui-vive. Le 1er novembre, au lendemain de cette expulsion, Gisèle Triaire, la présidente du CIQ, que nous n’avons pas réussi à joindre dans les délais de publication de cet article, écrivait ainsi : “Bonjour aÀ tous. Monsieur le maire nous informe que suite à l’expulsion des Roms, nous devons en ce jour de fête et en période de trêve hivernale être très vigilants. Il y a toujours un risque de réinstallation de cette population. Merci”. Le surlendemain, l’information de l’installation de familles roms dans l’enceinte du groupe scolaire était ainsi étayée par plusieurs publications de riverains, lesquels s’inquiètent notamment de la sécurité des élèves de l’école, devant rentrer de vacances ce lundi.
Le vendredi en fin de journée, un groupe de riverains fait donc le pied de grue devant l’entrée du bâtiment. La police présente sur place fait barrage entre familles roms et manifestants. “Il n’y avait pas de cri, pas de slogan, ils ont maintenu une grosse pression de fait, décrit Simon Lavabre, coordinateur chez Médecins du monde, qui était présent sur place. Un collègue est resté enfermé pendant des heures à l’intérieur du bâtiment, on ne pouvait plus entrer ni sortir. La police était présente pour éviter les agressions. Des gens essayaient de rentrer dans le bâtiment.”
Aussi présent dans la soirée sur place, le maire de secteur assure avoir joué “l’apaisement” entre “des parents d’élèves inquiets, dont certains, une minorité, un peu plus agitée”. Il a par ailleurs réalisé deux vidéos postées en direct sur sa page Facebook pour évoquer le sujet. Aux alentours de 23 h, explique toujours Lionel Royer-Perreaut, “il y a une prise de conscience de la part des Roms que la situation ne s’y prêtait pas.” Autrement dit, escortées par la police, les familles roms – de 40 à 70 personnes selon les associations – ont quitté les lieux sous le regard des riverains, trouvant refuge sur le parking du palais des sports, en extérieur donc.
Bataille autour de la date d’installation du squat
Si la pression des riverains a eu raison de ce squat, en termes juridiques, une expulsion n’allait pas de soi. Celle-ci ne peut avoir lieu sans décision de justice que si l’occupation est illégale et constatée moins de 48 heures après l’installation dans les lieux. Il s’agit alors d’un flagrant délit. C’était le cas selon Lionel Royer-Perreaut, qui s’appuie sur le témoignage d’une riveraine qui a affirmé à La Provence avoir vu des personnes fracturer le portail le jeudi 2 novembre. “La présence de familles roms ne passe pas inaperçu, surtout dans ces quartiers”, estime le maire de ce secteur plutôt tranquille.
Les associations Rencontres tsiganes et L’École au présent affirment au contraire avoir accompagné plusieurs familles vers ces lieux le 28 octobre, plusieurs jours avant l’expulsion du hangar de la Capelette, et une semaine avant que les riverains ne s’en rendent compte. “Les familles étaient installées avant l’expulsion, assure Jane Bouvier, de l’École au présent. J’ai constaté leur présence, ils sont restés cachés dans le noir tout ce temps, quelqu’un leur amenait à manger et c’est tout. Les gens du quartier partent du principe qu’ils sont là depuis qu’ils les ont vus.” Une stratégie de discrétion régulièrement pratiquée pour déjouer le délai de flagrance. Un mail, contenant des photos de familles dans ces lieux et daté du 28 – que Marsactu a pu consulter – a été apporté comme preuve auprès de la préfecture. Un faux, selon Lionel Royer-Perreaut qui reconnaît aux associations, “un certain talent à essayer de travestir la vérité”. Ces dernières l’accusent de leur côté d’attiser les inquiétudes des riverains.
Jeudi 2 novembre, la nouvelle préfète déléguée pour l’égalité des chances rencontrait en mairie les adjoints Xavier Méry et Patrick Padovani, respectivement délégués l’intégration, la lutte contre l’exclusion et à l’hygiène et à la santé. Une rencontre clé alors que le silence de la Ville sur la situation des Roms est régulièrement dénoncée par les association. “Une prise de contact” pour “évoquer les stratégies de concertation futures”, “sans aucune précision spécifique”, résume en quelques mots Patrick Padovani. “Une réunion très satisfaisante”, aux yeux de Marie-Emmanuelle Assidon, qui assure avoir trouvé “de l’écoute” du côté municipal ainsi qu’une “discussion très constructive”. “Je ne prétends pas être plus géniale que mes prédécesseurs, poursuit-elle, mais si on en est là, c’est que c’est compliqué, et qu’il y a une gestion irrationnelle du dossier qui n’a pas de sens”. À suivre, donc.
“La flagrance n’était pas constituée car il n’y avait pas de violation de domicile, tranche la nouvelle préfète déléguée à l’égalité des chances Marie-Emmanuelle Assidon, qui n’a donc pas donné suite aux demandes d’expulsion. En revanche, en référé [une procédure d’urgence, ndlr] devant le tribunal, la municipalité aurait eu de solides chances de l’emporter, si j’en crois les spécialistes, car les locaux doivent accueillir la deuxième école de la deuxième chance, et c’est un projet constitué et bien avancé”. Le cas ne se posera finalement pas, puisque la mairie a abandonné sa plainte en référé une fois les bâtiments vidés.
Nuits à l’hôtel après deux nuits dehors
“Les enfants ne tiennent plus, physiquement”, commente lundi matin Jane Bouvier, qui se charge habituellement de leur scolarisation. “On essaye de trouver des chambres d’hôtel, mais il n’y a rien, rien. Même pour “ouvrir” de nouveaux lieux, les Roms ne trouvent rien, tous les lieux vides sont gardiennés”, constate avec effroi Caroline Godard de Rencontres tsiganes. Après deux nuits dehors, la Fondation Abbé Pierre a pris sur elle lundi soir de financer un hébergement à l’hôtel pour les trois familles toujours à la rue, parmi lesquelles 11 enfants, ainsi que l’a indiqué France 3 Provence-Alpes.
“Le 115 est complètement saturé, il n’y a pas de lieu vide”, confirme la préfète déléguée, qui rappelle néanmoins que ces familles s’étaient vues proposer des chambres hôtelières à plusieurs reprises, qu’elles ont refusé, le plus souvent pour pouvoir rester autonomes, dans le centre de la ville. “On avait mobilisé 100 logements pour le 31 octobre, et seules 43 personnes les ont acceptées, donc les autres ont été redistribuées. Là, nous n’avons pas la capacité de les prendre en charge, mais nous allons retrouver des capacités et prendre le relai après leur prise en charge par la Fondation Abbé Pierre.”
Les militants des associations de défense des Roms notent toutefois qu’un face-à-face “aussi violent” entre riverains et familles roms n’était pas survenu depuis “deux ou trois ans” à Marseille. “La cohabitation entre squat et école n’aurait pas pu durer tout l’hiver”, estime de son côté Lionel Royer-Perreaut pour qui, bien que “les expulsions ne sont pas une fin en soi”, les Roms n’ont “pas la volonté” d’améliorer leur situation. La préfète déléguée Marie-Emmanuelle Assidon regrette en tout cas avec l’installation de ce squat “une manœuvre de nature à tendre les relations (…), les gens qui ont trouvé malin que les familles s’installent dans cet endroit sont par ailleurs des acteurs militants que je respecte infiniment, mais ce n’était pas une bonne idée du tout. (…) On ne peut pas accepter qu’on en vienne à des pressions physiques entre un camp et un autre”. Mais après la nuits à l’hôtel, les pistes de logements pérennes pour les Roms restent à l’état de projet.
Commentaires
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Non,les associations n’ont pas menti et n’ont pas produit de faux. Les familles sont restées enfermées 6 nuits dans cet immeuble vide comme tant d’immeubles vacants dans Marseille. Elles se sont mises aux fenêtres le jeudi 2 novembre 2017 dans l’après-midi car les 48 heures étaient largement dépassées et les enfants avaient la nécessité de courir et jouer dehors.6 jours sans se faire remarquer c’est très dur.D’ailleurs ils ont été filmé par un voisin lorsqu’ils se sont enfin mis aux fenêtres après 6 jour cachés .Nous sommes obligés de nous substituer aux carences de l’Etat et des collectivités territoriales.Je dois vous dire que le lieu avec la MDS,les écoles où les enfants avaient été affectés ,la mission locale,le pôle emploi auraient permis aux bénévoles soutien des familles d’effectuer un travail de fond sans avoir tout à recommencer. Avec tout l’argent dépensé pour les nuits d’hôtel il pourrait y avoir d’autres solutions,ce que dénoncent de nombreuses associations depuis des années.
Le lieu n’était peut être pas judicieux mais les méthodes de l’Etat ,des collectivités territoriales vis à vis de ces migrants qui cherchent une vie meilleure pour leur famille ne respectent pas les droits fondamentaux.
Les associations ne désignent aucun lieu mais soutiennent les démarches de mise à l’abri de toutes ces familles à l’entrée de l’hiver.
Auriez vous vous tous envie de dormir dehors?
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Ce serait trop facile de condamner en bloc les gens qui ont pris part à ce rassemblement, mais il y a de quoi être très inquiet car on assiste, dans l’indifférence quasi-générale, à une dérive des discours et des attitudes qui conduira malheureusement, un jour ou l’autre, à des violences physiques graves à l’encontre des personnes qu’on nomme “roms” (on y était déjà quasiment lors de l’épisode du jet de cocktail molotov rapporté par Marsactu). Quand on lit l’expression publique du CIQ (parmi d’autres), si on remplace le mot “rom” par un nom d’animal nuisible, ça ne change absolument rien au sens et à la tonalité des phrases. Et ce n’est qu’un exemple, les personnes qui s’expriment au nom du CIQ n’étant qu’un reflet d’un état collectif dans l’opinion.
L’histoire nous apprend que c’est ce genre de glissement qui rend possible, par la suite, le déchaînement collectif de la violence physique. Pour cela, ceux qui ont une parole publique (CIQ, élus…) ont une responsabilité, de même que ceux qui, ayant voix au débat public, restent muets face à ces expressions, voire donnent leur assentiment. Marsactu s’honore par sa couverture attentive de ce sujet : pas de moralisme inutile, la décence et la mesure suffisent.
Quant aux pouvoirs publics, les arguties sur le constat ou non de flagrant délit sont de la diversion. Evidemment, il n’y a pas de solution toute faite à la situation des quats et des bidonvilles. Mais face à ce problème comme à d’autres liés aux migrations, on peut se demander si l’action des pouvoirs publics, non seulement n’apporte pas de solution satisfaisante, mais contribue à aggraver la précarité et la marginalité des personnes, en provoquant l’errance et la clandestinité. Peut-être serait-il moins pire de laisser faire, laisser les gens utiliser leurs ressources et leurs savoir-faire en laissant les bidonvilles s’organiser, les accompagner pour un minimum de salubrité et de sécurité, les protéger des agressions extérieures, y compris en portant dans l’espace public un discours moins stigmatisant. Ce ne serait pas une voie sans heurts ni déceptions, mais celle dans laquelle on dérive est une impasse au bout de laquelle nous serons acculés au plus mauvais.
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Il est proprement scandaleux de voir un CiQ prendre la tête d’un mouvement de rejet , alors que par définition les CiQ sont acteurs du vivre ensemble !
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Entièrement d’accord avec ce qui a été écrit : les habitants de ce quartier devraient avoir honte !
En quoi cela les gênaient ils ? que leurs chères têtes blondes ne voient pas la misère ?
Si ça leur donnait des idées généreuses , on ne sait jamais !
Quant aux CIQ … ils sont le bras séculier de la Mairie, il ne faut pas en attendre autre chose que la réplique de la politique locale .
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Très bon article, le pire étant les commentaires affligeants et inhumains sur facebook de certains représentants des “valeurs républicaines” on croit rêver…des vieux relents de 39/45…en résumé ça donne: “on met des gosses à la rue afin que les notres puissent aller à l’école”…belle mentalité républicaine
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C’est vrai et c’est pire que çà ! L’égoïsme de certains habitants est affligeant….
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Ken Loach : “La droite traite les gens pauvres comme si c’était de leur faute”…
On doit saluer la saine réaction de la préfète en cette période de froid. Entendre des gens dire que ces malheureux “profitent” de la trêve hivernale est insoutenable…
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tout à fait insoutenable honteux
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