Bernard Tapie veut licencier le principal syndicaliste de La Provence
Le patron du journal reproche au représentant du personnel d'avoir enregistré la séance du conseil d'administration. Le Syndicat national des journalistes, auquel appartient ce salarié, dénonce une décision "disproportionnée et inacceptable". La grève reconductible a été votée lundi 19 novembre.
Bernard Tapie, au Salon de l'auto en 2014. Photo : Esther Griffe.
Actualisation le 19 novembre : “C’est juste historique”, lance une salariée peu après le vote à bulletins secrets. L’assemblée générale (AG) du journal La Provence a voté lundi 19 novembre la grève contre le licenciement annoncé par Bernard Tapie du syndicaliste Serge Mercier par 161 voix pour et 155 contre. Cette réunion du personnel était convoquée par une intersyndicale de l’entreprise représentant tous les corps de métier. Une nouvelle AG aura lieu ce mardi pour décider de poursuivre ou non le mouvement alors qu’est attendu dans la journée le délibéré du tribunal de commerce de Paris concernant le plan de sauvegarde du groupe Bernard Tapie, propriétaire de La Provence.
La scène se déroule non pas à Marseille mais à Paris d’où Bernard Tapie dirige son journal, La Provence. L’actionnaire principal tient ses conseils d’administration dans son propre appartement de la capitale. Autour de la table ce lundi 12 novembre se trouve, outre les représentants des actionnaires, un représentant du personnel. Serge Mercier, photographe, 35 ans de maison, fait partie de ceux qui depuis longtemps pointent des errements en interne dans la ligne éditoriale comme dans la gestion du personnel. Ce jour-là, son téléphone est sur la table et enregistre les propos tenus. Les actionnaires finissent par s’en apercevoir et lui demandent d’effacer le fichier.
Avec Jean-Christophe Serfati, le PDG qu’il a maintenu après l’affaire des faux billets de football, Bernard Tapie choisit la mesure forte : mise à pied puis convocation à un entretien, la semaine prochaine, en vue d’un licenciement pour faute grave. “On a découvert qu’il enregistrait lorsqu’on a vu son téléphone à la fin du conseil d’administration. C’est une faute grave !”, assure Jean-Christophe Serfati, joint par nos soins. Dans un courrier adressé au personnel, que Marsactu a pu consulter, il semble imputer à Serge Mercier l’intention de faire fuiter l’enregistrement dans la presse.
Un conflit de longue date
“La volonté de le virer, elle ne date pas d’aujourd’hui”, rappelle une source proche de l’actionnaire principal. Déjà, lorsque le responsable syndical avait dénoncé l’irréalisme du plan de redressement de Bernard Tapie pour éviter la liquidation de ses sociétés devant le tribunal de commerce de Paris, le patron l’avait vivement insulté et menacé de le virer. Selon nos informations, des tensions internes étaient alors nées entre l’actionnaire principal et le DRH du journal, Michel Clau, qui rappelait les règles relatives aux salariés protégés car élus du personnel.
Mais cette fois, la direction pense avoir trouvé un biais. Jean-Christophe Serfati cite l’article L225-37 du Code du commerce et l’article L226-1 du Code pénal. Le premier stipule que “les administrateurs, ainsi que toute personne appelée à assister aux réunions du conseil d’administration, sont tenus à la discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le président du conseil d’administration”. Le second punit “l’enregistrement sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel”. Il estime que cela permettra à l’inspection du travail, compétente en la matière, d’autoriser le licenciement de l’intéressé.
“Le seul à avoir le cran de contredire Tapie”
L’intersyndicale de La Provence, avec le Syndicat national des journalistes, auquel appartient Serge Mercier, ne l’entend pas ainsi. Dans un communiqué, elle dénonce une décision “disproportionnée et inacceptable eu égard à « la faute » invoquée et au parcours professionnel exemplaire de notre confrère dans l’entreprise”. Estimant qu’il ne s’agissait là que d’une aide à la prises de notes, elle appelle en conséquence sa hiérarchie à “revoir sa position en levant cette mise à pied et la menace de licenciement”. Elle prépare aussi une assemblée générale qui aura lieu lundi à la mi-journée.
Dans un contexte où le journal est toujours suspendu au sort judiciaire de son patron, les représentants du personnel soulignent que la situation nourrit “un contexte social tendu” où les brimades à l’encontre de ceux qui s’engagent pour représenter leurs collègues sont régulières. L’intersyndicale a pu rencontrer Jean-Christophe Serfati qui n’a pas bougé d’un iota : “Je ne peux pas cautionner ce genre de méthodes”, leur a-t-il répété, bien décidé à aller “au bout”. Et le PDG d’assurer à Marsactu : “Si ça avait été quelqu’un d’autre cela aurait été pareil”. Un syndicaliste maison est persuadé du contraire : “Bernard Tapie semble prêt à aller jusqu’à un procès perdu d’avance si ça lui permet d’écarter celui qui est le seul à avoir le cran de le contredire lorsqu’il dit des bêtises”.
(avec Julien Vinzent)
Commentaires
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Tapie est gravement malade mais il a encore “la force” de virer…..
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L’article du code pénal parle de “volontairement de porter atteinte à l’INTIMITE DE LA VIE PRIVEE D’AUTRUI(…) en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel”.
Ca me paraîtrait vraiment tiré par les cheveux d’appliquer ça à des paroles prononcées devant un CA. Mais bon, je dois avouer que je n’ai pas la même expérience des tribunaux que MM. Tapie et Serfati…
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Mais aussi, imaginons aussi quelle serait notre vie si n’importe qui avait le droit de nous enregistrer sans qu’on le sache et dans toutes les situations. Surtout qu’ensuite, des fragments de l’enregistrement seraient de la dynamite utilisable contre n’importe qui. Par exemple un militant contre le racisme qui évoque certains arguments des racistes, la phrase isolée du contexte permet de le mettre en accusation.
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Les enregistrements prises de notes sont courantes dans les réunions de CA ou autres, c’est une pratique généralement admise. La, il s’agit de se débarrasser d’un syndicaliste qui fait son job. Il se trouve que j’a bien connu Serge Mercier du temps ou nous travaillions pour des titres différents. Il s’agit de quelqu’un d’une grande probité, je ne pense pas que l’on puisse en dire autant de B. Tapie…
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Mercier, jamais en prison, casier vierge, un parcours de vie discret mais droit … Tapie la justice aux fesses depuis des années pour malversation en tous genres, bateleur converti en patron de presse, d’après vous au quel des deux faut-il se fier ? Je pourrais confier les clés de ma maison ou de ma voiture à Mercier à Tapie j’aurais une inquiétude : qu’il vende tout en pièces détachées pour un gros benef !
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je plussoie… 🙂
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Si le tél était posé sur la table, l’intention n’était pas maligne, et les “patrons” de la Provence, pour certains repris de justice, jouent une bien vilaine comédie en s’attaquant de la sorte à un salarié modèle de probité
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quoi qu il en soit il existe une gradation dans les sanctions et passer direct de rien a virer c est short surtout si il n y a aucun passif…
Pauvre Tapie , il est tombé bien bas!!
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La loi sur le “secret des affaires” n’est pas invoquée ? Mais que fait Macron ?
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