Avis de vacances à la tête du Grand port de Marseille
Avis de vacances à la tête du Grand port de Marseille
Les portes vitrées de l'hôtel du Grand port maritime de Marseille (GPMM) sont couvertes d'affiches jaunes qui appellent à voter pour la CGT. On pourrait prendre cette image pour la métaphore d'un certain immobilisme. Pourtant, à l'heure où les présidents du directoire et des conseils de surveillance de développement du port organisent une conférence de presse pour faire un bilan de leur cinq ans de mandat, aucun journaliste ne pose de questions sur le climat social à l'intérieur du port.
Dès le 5 décembre, le conseil de surveillance cessera de fonctionner avant son renouvellement en janvier et le port entrera dans une longue période de vacances qui, théoriquement, peut durer jusqu'à la mi-février. Patrick Daher prévient : "Cette gouvernance est instituée par l'Etat. Comme toute instance de gouvernance, elle peut être la pire si les hommes se disputent, la meilleure si on arrive à s'entendre". Les trois hommes ont travaillé de concert pendant cinq ans "sans être des bénis oui-oui".
Daher : "Il est bon que je passe la main"
Cette bonne entente entre les présidents des trois entités de la gouvernance portuaire devrait prendre fin dès cette semaine. En effet, les membres du conseil de surveillance (le gouvernement du port) rendent leur tablier le 5 février prochain et Patrick Daher ne se représentera pas. "Pas forcément à cause de la limite d'âge mais parce que j'ai une activité professionnelle très prenante. Après 15 ans passés dans les différentes instances du port, il est bon que je passe la main".
À la tête du conseil de développement (émanation de la société civile et de la place portuaire), le vice président aux transports à la CCI, Marc Reverchon, et directeur général de la Méridionale est prêt à reprendre du collier. Quant au président du directoire, Jean-Claude Terrier, il est suspendu au bon vouloir du ministère des Transports qui fait tourner des noms de remplaçants comme des vautours au-dessus de sa tête. "Je suis un fonctionnaire soumis au devoir de réserve. En tout cas, vous avez tous les cas de figures : un président qui s'en va, un qui reste et le troisième qui ne dira rien".
Il ne commentera pas non plus le profil de son éventuelle remplaçante, Christine Cabau Woehrel, l'actuelle patronne du port de Dunkerque. Mais quand on évoque les grands chantiers qui attendent les nouveaux présidents dans les cinq ans à venir, il cite "la recherche de nouveaux clients, l'amélioration des connexions routières" et n'oublie pas de tacler en douceur sa tutelle qu'il accuse "telle la belle au bois au dormant de se réveiller de 40 ans de léthargie pour que les choses bougent dans ce département".
"On a besoin des X Ponts"
Plus loin, quand un journaliste évoque la nécessité de nommer à sa place une personnalité au profil plus commercial, pour aller chercher de nouveaux marchés, le diplômé de 'Ena s'énerve : "Je veux bien que l'on dise ''vive les HEC" mais on a encore besoin des X Pont et chaussées. Car l'élargissement de la passe Nord du port, cela ne se fait pas avec des Sup' de co !" C'est justement là le profil atypique de l'ancienne patronne de lignes de la CMA-CGM que certains voient déjà dans son fauteuil.
Pour le directoire comme pour les conseils de surveillance et de développement, le port devra attendre début 2014 pour connaître le nom des nouveaux présidents. Les 17 membres du conseil de surveillance doivent être nommés par les différentes instances qui y siègent dans le mois qui vient avant de s'installer dans les 15 premiers jours de janvier. C'est ce conseil qui élira en son sein un nouveau président. Il devra également donner "son avis conforme" sur le nom du nouveau président du directoire proposé par le ministre d'ici là.
Si personne n'agite le chiffon rouge syndical, le bilan des trois présidents du port est avant tout économique. Et pour continuer à filer le code couleur, tout n'est pas rose du côté des indicateurs du Grand port. Certes, depuis 2009, le trafic des containers a connu une hausse de près de 29% sur l'ensemble des bassins, mais elle ne permet pas de compenser la baisse des trafic d'hydrocarbures, en baisse de 19% sur la même période. Du coup, le trafic total est en baisse de 3% sur l'ensemble des bassins.
"Le port doit entrer dans le XXIe siècle"
En 2013, mêmes causes, mêmes effets : le trafic global baisse de 6%, la hausse des trafics de containers, des marchandises ou encore des vracs solides (sidérurgie et agro-alimentaire) ne permettent pas de compenser la chute des hydrocarbures (-12%) sur lesquels le port a longtemps construit son développement. Le président du conseil de surveillance, Patrick Daher, en a fait le point 3 de son exposé : "La richesse apportée par le pétrole a longtemps constitué l'essentiel du chiffre d'affaires du port, ce qui lui permettait d'investir sur d'autres activités. Aujourd'hui, ce trafic constitue la moitié de ce qu'il était au moment du pic, en 1973". Ce modèle de développement "très XIXe, voire début XXe siècle" n'a donc plus cours. "Le port doit entrer dans le XXIe siècle". Diantre ! Treize ans après, il était temps.
Pour ce faire, "le port doit devenir plus intelligent", formule Patrick Daher, ce qui fait hausser les sourcils de quelques cadres. Le patron du conseil de surveillance insiste : "Par exemple, en accueillant des activités tertiaires, en se projetant dans le numérique ou en devenant producteur d'énergies renouvelables. Nous devons transformer les tonnages en chiffre d'affaires". En clair, cela signifie mettre à profit les hectares de foncier disponible dans les bassins Ouest pour accueillir plus d'activités, même éloignées du coeur de métier portuaire.
"Nous sommes 1er, 1er bis ou 2e"
En tout cas, ces chiffres un peu maussades ne vont pas aider le port à pavoiser dans les palmarès internationaux. D'ailleurs comment le GPMM se situe face à la concurrence d'Algésiras ? En 2012, les deux ports étaient au coude-à-coude pour la place de premier port de Méditerranée. En 2013 ? "Nous sommes 1er, ou 1er bis ou 2e… Ce n'est pas important, balaie Terrier. On ne peut pas se comparer à Algésiras qui est un port de transbordement. Et puis il faut arrêter d'additionner les millions de tonnes, c'est commode mais pas cohérent, il vaut mieux s'intéresser à la valeur ajoutée, changer d'idole et abandonner les tonnages au profit des euros". Et en euros, cela nous classe comment ? "Euh… On ne peut pas comparer, avec la réforme portuaire, nous avons perdu beaucoup de chiffre d'affaires qui provenait des activités de manutention", répond le directeur général.
D'autre part, Jean-Claude Terrier ne limite pas la hausse du chiffre d'affaires à sa seule institution. "A l'avenir, je refuserai des trafics s'ils sont doublement déficitaires : à la fois pour le port et sans valeur ajoutée pour le territoire". Patrick Daher cite les croisières en exemple de ce travail collectif avec le territoire. Elles ne rapportent que 6 millions d'euros dans le chiffre d'affaires du port en 2013 mais pèse 65 millions dans les investissements réalisés ou à venir. "Mais elles rapportent de 80 à 100 millions d'euros pour le territoire", répond Terrier en parfait duettiste d'un numéro à trois qui se termine cette semaine.
Commentaires
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Excellent article de Jean-Christophe Barla dans l’Usine Nouvelle, bien documenté, très fouillé sur ce qui va pouvoir se passer d’intéressant à Fos : http://www.usinenouvelle.com/article/fos-sur-mer-contraint-de-se-reinventer.N221321
On y apprend aussi que JC Terrier dévoilera en juin 2014 le plan stratégique du port pour la période 2014-2018. JC Terrier démissionnaire mais possiblement maintenu ? Ce serait une bonne nouvelle.
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Espérons pour l’économie marseillaise que le port de Marseille soit à nouveau incontournable, au détriment de Gènes et Barcelone.
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