Avis de grandes manœuvres à la com de la Ville

Deux jeunes femmes avaient rendez-vous mardi dernier au tribunal des prud'hommes. Leur cas a défrayé la chronique municipale en mars dernier, en plein cœur des élections. En effet, elles étaient employées au service internet de la Ville, notamment comme journalistes reporters d'images, mais avec le statut d'auto-entrepreneur, très avantageux pour elle. S'il n'y a là rien d'illégal, cela peut le devenir quand ces employés précaires sont employés de façon permanente, permettant du même coup à l'employeur public de faire de sacrés économies sur les charges sociales.

Devant les prud'hommes, elles souhaitaient donc faire reconnaître leur statut d'employé en contrat à durée indéterminée et le licenciement qu'elles disent avoir subi après leur sortie du bois en mars dernier. Au final, leur avocat Pascal Luongo a décidé de se désister au profit d'une procédure devant le tribunal administratif (TA). "Nous savons que la procédure devant la juridiction administrative va être longue mais il existe un vrai risque que le tribunal des prud'hommes finisse par se déclarer incompétent. Nous serions alors obligés de nous tourner vers le TA. Autant prendre les devants." Sûres de leur bon droit, les anciennes précaires de la Ville ont décidé de prendre leur mal en patience.

Plus aucun auto-entrepreneur

En interne, cette affaire a laissé des traces. Mois après mois, la municipalité s'est séparée de l'ensemble des auto-entrepreneurs qui travaillaient encore à la direction information numérique et citoyenne (Dinc) pour des contenus rédactionnels et vidéo repris par le site. Ce nettoyage nous a été confirmé par Jean-Claude Gondard, le directeur général des services. Coïncidence ou lien de cause à effet, ce lundi, lors du conseil municipal, un rapport proposera d'avoir recours à une entreprise extérieure pour réaliser des prestations de prises de vue.

Mais le grand chambardement ne se limite pas à l'arrêt du recours aux auto-entrepreneurs. Ainsi le rédacteur en chef du site – par ailleurs correspondant permanent de l'agence Reuters à Marseille – Jean-François Rosnoblet a également quitté son poste. L'intéressé nous a lui-même confirmé son départ sans vouloir le commenter plus avant. Volontaire ou pas, son départ met fin à un conflit d'intérêt patent. Selon nos informations que la Ville n'a pas souhaité confirmer, la directrice du service, Danièle Di Scala serait également sur la touche, voire sur le départ.

En réponse à nos demandes, le service presse s'est refusé à tout commentaire, nous renvoyant à une délibération du conseil municipal du mois d'octobre relative à la réorganisation des services au sein de la Ville. En effet, dans la perspective notamment de la création de la métropole, le cabinet du maire a décidé de créer une direction générale de l'attractivité et de la promotion de Marseille. Celle-ci regroupe un ensemble de services (communication, grands équipements, relations internationales et internet) qui dépendaient jusque-là directement de Jean-Claude Gondard. Désormais ce super "service com" sera placé sous la houlette d'un directeur général dont l'emploi permanent devrait être "pourvu par un fonctionnaire. Néanmoins, il convient dès à présent de préciser qu'il pourrait être nécessaire de recourir à un agent non titulaire".

Un très proche de Gaudin aux manettes

En clair, le poste va être confié à Jean-Pierre Chanal, un membre du cercle étroit qui des proches du maire depuis plusieurs décennies. Directeur de la communication à la Société des eaux de Marseille pendant des années, l'intéressé occupait le poste de conseiller du président Loïc Fauchon jusqu'à il y a peu. Son départ à la retraite de la SEM devrait coïncider avec son arrivée à la tête de ce super service. Cette phase transitoire ne l'empêche pas d'anticiper sur sa nomination et d'être déjà très actif pour opérer la fusion en organisant de nombreuses réunions chaque semaine. Ce faisant, quelques têtes vacillent et pourraient choir en fin de tournant. Pourtant la délibération se veut limpide sur ce point.

Il est précisé que l'organisation et les organigrammes de la direction de la communication et des relations publiques, de la Direction des relations internationales et européennes, et de la direction de l'information numérique et citoyenne, tels qu'ils résultent des deux délibérations susvisées, demeurent inchangés.

Dans les faits, cette précision n'a qu'une vocation transitoire. Ainsi pour la Dinc, le service a vu le retour d'un certain Alix Normandin. La chronique médiatique des dernières élections municipales a retenu son nom dans un contexte bien sombre. En charge des réseaux sociaux pour le compte du maire, l'intéressé tenait le même rôle au sein de l'équipe du candidat Gaudin. Sous le nom de twittos @lePSmaTué, il s'était permis alors un tweet malheureux à l'intention de l'épouse de Patrick Mennucci, brocardant le cancer contre lequel elle lutte. Malgré les excuses réitérées, il avait dû cesser son activisme tous azimuts.

En revanche, cela ne l'empêche pas d'avoir retrouvé des responsabilités dans son ancienne direction. Sous la houlette de Jean-Pierre Chanal, il anime un groupe de réflexion sur l'évolution du site internet de la Ville et de son usage des réseaux sociaux. A tel point que certains le voyaient déjà occuper la place de Danièle Di Scala. Son retour ne serait pas non plus étranger au départ de Jean-François Rosnoblet de ses fonctions.

Doté d'un parcours brillant notamment au cabinet d'Hervé Morin, ministre de la Défense, le jeune homme n'a pas que des amis à l'hôtel de ville. Interrogé à son propos, Jean-Claude Gondard a indiqué qu'il faisait partie des gens qui réfléchissent au développement de la communication numérique de la Ville "comme beaucoup d'autres" et qu'il n'était absolument pas pressenti pour prendre la direction du service. Le recours à un prestataire extérieur pour accompagner la Ville dans sa volonté de "mise en synergie des acteurs internes et externes concourant au développement de l'attractivité de Marseille" devrait permettre d'y voir un peu plus clair. Coïncidence, ce marché public d'un montant maximum de 150 000 euros est inscrit dans la même délibération que celle concernant le recours à un sous-traitant pour "la couverture en vidéo numérique des opérations événementielles internes et externes de la ville". Libre à lui, ensuite, d'utiliser les services d'auto-entrepreneurs pour honorer ce marché.