Avenir incertain pour les habitués des Catalans
Avenir incertain pour les habitués des Catalans
C’est un spectacle atypique qui s'offre aux habitués de la plage des Catalans. Le long des vieilles arcades en pierre se dressent des barrières grillagées. Les baigneurs d’hiver, membres de cette petite communauté d'irréductibles qui a fait de la plage un véritable lieu de vie quelque soit la saison, se sont résignés à accrocher leurs affaires dessus, faute de mieux.
Au début du mois de janvier, sous ces fameuses arcades, se dressaient encore toute une série de cabines en bois, démontées depuis, que nageurs et flâneurs pouvaient louer pour y laisser leurs affaires. Enlevées pour préparer les travaux de démolition du nightclub le Vertigo – ancien Vamping – ces cabines ont, de mémoire d’homme, toujours existé. "Il y a des gens qui sont là depuis 60 ans", explique Claudie Dubois, une habituée des lieux. Le sort des cabines intrigue et fait dresser les oreilles des curieux lorsqu'on aborde le sujet au bord de l'eau.
Des cabines chargées d'histoire
Ces cabines sont aussi l’unique vestige d’une époque où la plage des Catalans était privatisée. Si la plage est devenue publique en 2003, les cabines sont tombées sous le contrôle de l’association pour la sauvegarde de la plage des Catalans qui s’occupait de louer ces espaces à la saison. Une association mystérieuse, domiciliée au Cercle des Nageurs, voisin de la plage, mais qui reste indépendante et surtout difficile a contacter en dehors de la période estivale.
Jérôme Sardou est un des visages connus de la plage qu'il n'est pas rare de voir s'entraîner à la batterie à l'abri des arcades. Il dit essayer de s’éloigner de la politique et des discours des associations pour véhiculer un message indépendant au service des passionnés de la plage des Catalans avant tout. "La plage des Catalans, c'est un lieu de vie. Il y a encore des papis et des mamies qui viennent même s'ils ne nagent plus. Les cabines sont importantes pour eux". Il met en avant le côté familial des Catalans, et la publicité au bouche à oreille de ces fameuses cabines. Pierre Nguyen, dessinateur amateur qui puise son inspiration sur cette plage mais n’a jamais loué de cabine estime que "c’est quand même un privilège, même si cela donne du charme de la plage".
Au bord de l’eau, tout le monde donne son avis sur les cabines et espère leur retour. "Personne ne sait ce qu’il se passe," se désolent Yann Barra et Corinne Bonnefils-Faivre, les pieds dans le sable. Si l’espoir existe, il reste maigre. Les usagers craignent qu'elles soient sacrifiées dans l'aménagement que la Ville projette sur cette anse de sable.
Détruire pour reconstruire
Tous les regards sont désormais tournés du côté du Vertigo, autrefois le Vamping, qui surplombe la plage des Catalans. La SARL Real Club, gérante du nightclub laissé à l’abandon, a été condamnée par la cour administrative d'appel le 22 avril 2014 à remettre en l'état initial le domaine public maritime dans un délai de 90 jours. Face à l'inaction dudit propriétaire et aux dégradations qui mettent en danger les usagers de la plage, l’Etat a décidé de réaliser les travaux nécessaires, c’est-à-dire la démolition du Vamping, dès le début du mois de janvier 2015. Une première étape s’est déroulée du 12 au 24 janvier pour réaliser la sécurisation des "alvéoles" (nom technique donné aux arcades qui longent la plage) et les premiers travaux de désamiantage, avec pour conséquence le démontage des cabines.
Responsable de l’aménagement du territoire à la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) Frédéric Chaptal explique que "dans le cadre des travaux de démolition du Vamping, il y avait un besoin de libérer cet espace pour renforcer les alvéoles car les engins de travaux ne pouvaient pas y accéder". La disparition, temporaire ou non des cabines serait ainsi rendue nécessaire par le projet d’aménagement de la plage des Catalans. L’espace libéré par la destruction du Vamping, dont la superficie est estimée à 800 m², sera cédé à la Ville et ira rejoindre la surface de concession de plage déjà gérée par la municipalité depuis le 8 juillet 2013. C’est ensuite du 26 janvier au 27 avril que se déroulera la deuxième étape qui consistera dans la démolition progressive de la structure de l’ancien établissement. "Les travaux de démolition vont se dérouler jusqu'au printemps, explique la maire des 1er et 7e arrondissements Sabine Bernasconi. Ensuite, l'espace sera sécurisé à partir de mars ou avril pour une reprise des travaux d'aménagement à l'issue de la saison balnéaire, probablement à l'automne."
Un aménagement à définir
Le mystère reste entier sur ce que deviendra l’espace libéré par les travaux. "Notre projet est d'étendre la plage côté Vamping. Mais cette extension ne pourra se faire qu'à l'issue des travaux d'aménagement", affirme la maire de secteur, qui stipule cependant qu’il "n'est pas question de réaliser une nouvelle entrée à la place de l'ancien Vamping. Les Catalans connaissent déjà des difficultés liées à la fréquentation avec un numerus clausus à l'entrée actuelle. Une nouvelle entrée ne me semble pas souhaitable". Une déclaration qui contredit en partie le communiqué de la préfecture des Bouches-du-Rhône qui avançait que les "travaux permettraient également de créer un deuxième accès public à la plage de sable". Frédéric Chaptal précise que "l’accès à la plage par le Nord se ferait grâce à l’escalier déjà existant" à cet endroit mais qu’il incombe à la ville de le remettre en état.
Adjoint au maire chargé de la mer et du littoral, Didier Réault détaille les futurs travaux sur la partie Sud : "Il y aura un aménagement de la plateforme et du ponton, avec notamment l'installation de gradins". Les arcades qui se trouvent sous les trottoirs à proximité de l'escalier "accueilleront des toilettes, des vestiaires, une consigne et probablement le poste de secours", ce qui éviterait d'utiliser des bâtiments préfabriqués comme ces dernières années. Sur la partie Nord, rien n'est encore définit pour le moment. "On veut montrer un exemple de ce que l'on peut faire avec la zone Sud et on pourra voir quoi faire avec l'espace libéré par le Vamping. Rien n'est décidé aujourd'hui".
Au programme de l’aménagement de la Plage des Catalans se trouve également une privatisation d’une partie de la plage. Un sujet polémique. "Contrairement à ce qu'annoncent certaines associations, il n'est pas question de privatiser l'ensemble de la plage, rappelle Bernasconi. La partie gérée par le privé concerne toujours 20% de la surface totale autour de la tour du Lazaret" soit le maximum permis par la loi. Didier Réault précise que la partie privatisée sera, une fois les travaux terminés, soumise à une procédure de délégation de service public pour désigner un gérant des installations. Il précise que, s'il postule, "le club de volley pourrait se voir attribuer un certain nombre d'espace sous les arcades". Christian Pellicani, élu Front de gauche dans les 1er et 7e arrondissements, se dit opposé à ce mode de gestion. "Il faut créer une régie municipale qui bénéficie de moyens dédiés toute l’année, suggère-t-il, ça permettrait une gestion des installations, comme des vestiaires, ou des toilettes publiques dont on a vraiment besoin".
Sur l'avenir des cabines, Sabine Bernasconi veut pourtant rassurer les habitués : "Notre projet d'aménagement de la plage des Catalans s'efforce de préserver les usages de la plage tels qu'ils existent aujourd'hui. Il n'est pas question de chasser les baigneurs tout au long de l'année tout comme les dames qui y bronzent hiver comme été. Cela concerne également les volleyeurs qui font partie de l'histoire des Catalans. Nous allons essayer de trouver une solution qui satisfasse tout le monde". Une réponse aux inquiétudes de la petite communauté des Catalans qui ne devrait cependant pas arriver tout de suite, puisque si elle promet le retour des cabines, la maire ne peut "dire aujourd'hui à quel endroit elles seront construites".
"Une plage calme, protégée, familiale"
Sur la plage, la confusion règne parmi les baigneurs d'hiver, qui ont du mal à visualiser les limites de ces 20% privatisés, craignant de voir revenir l’idée de plage payante comme c’était le cas avant 2003. L’association Ensemble mieux vivre dans notre ville, Marseille 7e ne se dit "pas contre une privatisation de la plage tant que cela reste une petite partie". Un sentiment partagé par les habitués de la plage comme Léa Mamalie, une quinqua au caractère bien trempé, qui s’inquiète que "ça prenne beaucoup de place et que ça pénalise les gens qui viennent avec leurs serviettes".
"Le projet de revalorisation de la plage reste mal défini", explique Jérôme Sardou. Selon lui, si les cabines doivent être reconstruites, elles doivent l’être par le biais de "la création d’un mécénat ou d’une association pour trouver des fonds et refaire des cabines associatives". Il insiste sur l'idée d'une plage qui s’autogère via les familles du quartier des Catalans dans la bonne entente, "comme c'était au temps de Pagnol". Une idée aux allures utopiques mais qui serait pour Jérôme Sardou "l’occasion de créer une plage calme, protégée, familiale". En période estivale, la plage est pourtant une des plages les plus attrayantes de Marseille, surtout pour les jeunes du centre-ville grâce à l'accès facile par les transports. Difficile d'y concilier la vision familiale de Jérôme Sardou. Sur la privatisation, il n’est pas très convaincu par l’idée d’une régie municipale qui "fonctionnera bien au début, mais ce sera de moins en moins le cas au fil des années car elle sera trop liée aux finances publiques".
A l'ombre de Giraudon
Si la démolition du Vamping crée une discussion autour de l’aménagement de la plage, elle est également l’occasion de faire revenir sur le devant de la scène l’ancienne usine Giraudon, verrue murée, en état de délabrement total dans l’attente d’un projet concret. "Avec Dominique Tian (député de la circonscription, ndlr), nous souhaitons qu'un projet puisse donner un avenir au site de l'ancienne usine dans le respect de l'ancien gabarit", annonce Sabine Bernasconi. En juin dernier, la maire expliquait déjà que si l’idée d’un hôtel sur ce terrain était intéressante, la taille du bâtiment l’empêchait de s’intégrer dans son environnement. "Contrairement à ce que pouvait laisser penser les débats très politisés à l'époque, personne n'était favorable au projet d'hôtel de 37 mètres dont l'architecture correspondait à une esthétique du passé. Nous sommes donc favorables à un nouveau projet de taille raisonnable".
Une version qui ressemble à une réecriture. "Je vois en passant "non à l'hôtel", je vois ceux qui habitent en face, ils ne seront pas plus gênés par l'hôtel, dont on a dit qu'il ne serait pas plus haut que la hauteur du Cercle des Nageurs, que par l'usine Giraudon, déclarait le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin lors du conseil municipal du 25 juin 2012. On a besoin de changer cet endroit, on a besoin de moderniser cet endroit, on a besoin pour l'économie de faire un superbe hôtel thalasso à cet endroit, sans que cela ne provoque l'ire ou la méchanceté de ceux qui habitent [le quartier]".*
Le problème reste cependant entier puisque le terrain de l’usine Giraudon est privé et que ni la communauté urbaine, ni la Ville ne peut y réaliser un équipement public. "Il faut imaginer un équilibre bien pensé entre les institutions publiques et le privé. Notre rôle est de vérifier que le projet s'intègre au paysage actuel et respecte les normes d'urbanisme en vigueur", explique Sabine Bernasconi. L'avenir de cette partie du littoral n'est donc pas entièrement dans les mains de la municipalité.
*La note originale était "de ceux qui habitent ensemble". Nous avons librement interprété cette formule, difficilement compréhensible en l'état.
Commentaires
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La lecture de ce qui précède et qui décrit la réalité illustre une absence totale de vision de la façon dont le littoral doit être aménagé. Il en va de cette partie importante de Marseille comme du reste où l’absence d’idées et de consensus concernant son développement se traduit souvent par des emplâtres sur une jambe de bois.
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Parce que les marseillais des quartiers n’en sont pas? C’est avec des déclarations pareilles que certains citoyens (le sont-ils encore?) devraient aller habiter à Miami à ,Monte Carlo ou à ….Fréjus
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Entre les annonces et commentaires croisés des représentants de l’état et de la ville, et ceux des différents élus de la ville, tous contradictoires quand ils ne sont pas antagonistes, on y comprend quedale, comme on dit dans les quartiers “sud”. C’est à peu près aussi clair que l’eau de roche qui gicle de l’émissaire de sormiou! La prochaine fois, siouplait, faite nous une carte, avec des zones hachées, grisées, pointillées, représentant l’élastique zone privée, la zone (très) discrètement “associative”, l’ancienne boite, le futur cube hôtelier aléatoire, le sable encore public… sans oublier la mer qui est encore publique,et qui devrait à terme, si l’on en croit le G.I.E.C, recouvrir tout ce fourbit d’une salutaire vague républicaine, simplifiant du même coup notre compréhension!
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En fait, ce que nous propose ce Jérôme Sardou, et que vous appelez pudiquement “vision familiale”, n’est ni plus ni moins qu’un système mafieux où quelques familles contrôleraient une partie du domaine public en décrétant qui peut (ou pas) accéder aux cabines, avec en guise de vaseline une dose d’ “époque de Pagnol”.
Qu’est-ce qu’il faut pas entendre !
Pas opposé à une concession sur les 20% de l’emprise par contre, à condition que le contrat contiennent des clauses d’esthétique et d’intégration paysagère des aménagements et mobiliers, et que ces clauses fassent l’objet d’une vérification sérieuse pour éviter les dérives.
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Je trouve que cet endroit mériterait mieux, surtout au point de vue esthétique. A la fin des travaux de la première tranche, on allait voir ce qu’ion allait voir. Résultat des algeco pour abriter le centre de secours et petits commerces. Que c’est laid, je pense qu’à la mairie ils n’ont aucun sens du beau, du joli pourtant le site est remarquable, mais il y a toujours des verrues qui viennent enlaidir l’ensemble.
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Perso, privé, public, je m’en fous. Par contre, 100% pour qu’on rase un maximum de bati et qu’on libère le maximum de la plage pour les baigneurs.
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