Autour de la rue de Tivoli, 42 immeubles toujours évacués et des enjeux au cas par cas

Décryptage
le 21 Avr 2023
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Depuis l'effondrement qui a causé la mort des huit habitants du 17, rue de Tivoli, 42 immeubles restent inoccupés. Leur état exige une attention presque individualisée, tant les risques varient d'un immeuble à l'autre. Cinq arrêtés de péril viennent d'être signés.

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L'angle de la rue de Tivoli est maintenu à l'aide de grands étais. (Photo : CMB)

L'angle de la rue de Tivoli est maintenu à l'aide de grands étais. (Photo : CMB)

Douze jours après l’explosion qui a soufflé le 17, rue de Tivoli, le secteur est toujours bouclé, et 302 habitants restent délogés. Traumatisés, ces voisins, comme le reste de la ville, portent le deuil des huit personnes tuées dans l’effondrement. En plus de cette douleur, les délogés doivent aussi faire face aux urgences d’un quotidien totalement chamboulé depuis la nuit du 9 avril.

Cette nuit-là, certains ont vécu le drame au plus près. Parfois sortis en pyjama, les enfants sous le bras, les voisins les plus proches de l’explosion n’ont jamais pu retourner chez eux. D’autres ont été évacués dans les heures qui ont suivi. Au total, les services de la Ville ont recensé 302 personnes dont 55 mineurs, délogés de 42 immeubles. Un tiers d’entre elles ont été accueillies à l’hôtel.

Depuis les premières heures, le suivi des autorités prend en compte une donnée cruciale : l’hétérogénéité des situations. Voici pourquoi mercredi dernier, la mairie de secteur a reçu tous les délogés, préalablement divisés en cinq groupes selon les problématiques qu’ils rencontrent. En présence du maire des 4/5, Didier Jau et de Benoît Payan, ces réunions ont dressé quelques perspectives mais sans calendrier précis, les différentes expertises étant toujours en cours.

Trois études sur le bâtiment et l’inconnue du gaz

Bien que dans des situations très diverses – effondrement partiel, vitres soufflées ou structure intacte -, les 42 immeubles évacués font tous l’objet de trois expertises distinctes. Menées par les architectes de la Ville, par un bureau d’étude externe mandaté (Axiolis) et par le centre scientifique et technique du bâtiment de l’État (CSTB), ces trois études évaluent la “sécurité bâtimentaire” de chaque cas. En parallèle, l’expertise du réseau de gaz reste très attendue. Depuis les premiers instants, la justice enquête sur la piste d’une explosion au gaz. Les investigations sont “longues et complexes”, et donc bien loin de livrer leurs conclusions.

Mais d’ici là, peut-on estimer que l’état du réseau ne fait courir aucun risque aux habitants des immeubles voisins ? Autre question : si le réseau était sain, a-t-il pu être détérioré par l’explosion ? Dans l’attente d’une réponse claire, le réseau reste coupé. Et les délogés ne peuvent pas revenir vivre chez eux, en l’absence d’eau chaude ou de cuisinière.

Je n’ai vu aucun dégât sur le moment. Mais on nous a expliqué que des fissures peuvent apparaître par la suite.

Richard, habitant de la rue Abbé-de-l’éPÉE

C’est la situation dans laquelle se trouve Richard, propriétaire dans le quartier depuis 35 ans. Ce retraité habite du côté pair de la rue Abbé-de-l’Épée, sur un îlot mitoyen qui, a priori, n’a pas été sérieusement touché par l’explosion. Logé à l’hôtel avec son mari, il a eu droit à un retour express et encadré, le temps de récupérer des affaires. Pour les jours à venir, le couple est toujours dans le flou. “On a eu des informations oui, mais pas de réponse précise”, souffle-t-il au téléphone, juste après son rendez-vous à la mairie des 4/5 mercredi soir.

Selon les experts, même les immeubles indemnes en apparence ont pu être touchés dans leur structure. “Je n’ai vu aucun dégât sur le moment. Mais on nous a expliqué que des fissures peuvent apparaître par la suite”, poursuit Richard. C’est pour toutes ces raisons qu’à l’heure actuelle, la mairie centrale n’a annoncé aucune date de réintégration, même pour les délogés les plus éloignés de l’explosion.

Plusieurs ilots touchés

Au sein même de l’îlot qui abritait le 17, rue de Tivoli, les enjeux sont très divers. Emmanuel, père de famille, habite rue Jaubert. Son immeuble donne sur la même cour que l’immeuble effondré. Lorsqu’il a été autorisé à récupérer quelques affaires, il a remarqué “des dégâts minimes” sur son immeuble. Il est propriétaire, mais n’en sait pas plus sur les avancées de l’expertise. Logé chez des proches, il tente désormais de solliciter son assurance pour bénéficier d’un hébergement temporaire. “Les négociations sont compliquées ! Donc, dans le même temps, nous parlons aussi avec la mairie, pour voir si on peut envisager de réquisitionner des hébergements de courte durée.”

Autrement dit : dans ce quartier sous forte pression immobilière comme le Camas, une convention pourrait être imaginée avec les propriétaires de location de courte durée du quartier. Selon les délogés interrogés, la piste a bien été évoquée avec les élus. Ce qu’est venu confirmer un communiqué du maire de Marseille jeudi soir. Il y appelle à la mobilisation d’Airbnb et des plateformes de location de courte durée.

Autre situation critique : celle des habitants du côté pair de la rue Tivoli. Les locataires des 22 et 24 rue Tivoli n’ont par exemple pas le droit de venir récupérer leurs affaires. Car sur cette portion de la rue sinistrée, bon nombre de portes et fenêtres ont volé en éclats. Des dégâts matériels qui rendent les lieux inhabitables, mais ne disent rien de la solidité structurelle du bâti. Encore une inconnue que les expertises devront déterminer.

Une première salve d’arrêtés de péril

Sans surprise, ce sont les immeubles mitoyens de l’effondrement dont l’état est le plus critique. Mercredi, la ville a d’ailleurs publié cinq arrêtés de péril. Ceux-ci visent les numéros 11 et 19 de la rue de Tivoli, voisins de l’effondrement. Le numéro 15 s’est effondré peu de temps après le 17, et la rue Tivoli ne disposait pas de numéro 13. De l’autre côté, le numéro 19 est partiellement effondré. Un impressionnant dispositif a été déployé pour contenir les dégâts. Des dizaines d’étais prennent appui entre les numéros 19 et 26, de part et d’autre de la rue.

“On sait qu’on ne pourra plus y habiter. Mais on a été rassurés par le maire, qui tient absolument à éviter un effondrement total”, explique Julie, qui “vit, enfin, qui vivait” au numéro 19, partie en pyjama juste après l’explosion. Maintenir le 19, c’est maintenir l’espoir de sauver des affaires, le moment venu. Y compris par l’extérieur, en accédant aux étages depuis des nacelles : “la piste est explorée, mais on sait qu’il faudra être très patient”, ajoute la locataire.

Dans les deux rues adjacentes, les numéros 41 et 43 de la rue Abbé-de-l’Épée, et le 36 de la rue Jaubert sont aussi frappés de péril. Ils sont tous voisins de l’angle de la rue Tivoli. Le 41, rue Abbé-de-l’Épée présente d’importantes “fissures”, comme son voisin, le 19, rue de Tivoli. Les arrêtés de périls demandent aux propriétaires de réaliser d’importants travaux de consolidation. Parmi les plus urgents : “déblayer les gravats” amenés par l’explosion, car ils pèsent sur les planchers. Quant aux 43 de la rue Abbé-de-l’Épée et au 36, rue Jaubert, les arrêtés ne visent pas tant les immeubles que les deux “maisons annexes”. Situées au fond de la cour, ces deux maisons ont été frappées de plein fouet par l’explosion. Les “toitures” ont été touchées, et un “risque d’effondrement” perdure.

Les habitants, réunis en collectif, demandent que “les diverses expertises déjà réalisées et à venir soient communiquées en toute transparence aux propriétaires comme locataires”.

Comme le veut la loi, les arrêtés de péril rappellent qu’il incombe aux propriétaires d’assurer “un hébergement provisoire décent” aux occupants délogés et de réaliser les travaux. Au nom de la Ville, Benoît Payan a demandé à l’État de débloquer un “fonds d’avances” pour accomplir les travaux les plus urgents. Du côté des délogés, enfin, les attentes sont fortes et nombreuses. Réunis au sein du tout nouveau Collectif Tivoli 9 avril, ces derniers demandent “qu’un travail soit engagé pour le relogement dans le quartier”. Ils attendent aussi “que les diverses expertises déjà réalisées et à venir soient communiquées aux habitant·es en toute transparence, propriétaires comme locataires”. Et s’engagent à aider “les familles endeuillées à réaliser un hommage selon leurs souhaits”. Loin des caméras.

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Commentaires

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  1. Pierre Schnœring Pierre Schnœring

    Sur la carte il manque les immeubles du coté impair de la rue Jaubert (j’en suis), il n’y a d’ailleurs pas le nombre d’immeubles annoncés en titre. En même temps je ne vois pas pourquoi à ce jour nous sommes encore délogés. 2 expertises confirment qu’il n’y a pas de risques, ni chez moi, ni dans les immeubles voisins. Et sur le plan, cela explique peut-être votre oubli, on voit bien que ce délogement ne se justifie pas vraiment.

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