Au tribunal, beaucoup de bruit pour la casserolade contre le député de Salon
Le parquet d'Aix-en-Provence a requis 90 heures de travail d'intérêt général à l'encontre d'un militant de gauche salonnais. Il avait formulé une demande d'interview imaginaire pour interpeler le député Renaissance Jean-Marc Zulesi sur la réforme des retraites.
Le militant de gauche Alexandre Beddock, quelques minutes avant son procès à Aix-en-Provence. (Photo : CMB)
“Zulesi, en prison, Alexandre à la maison !” Une cinquantaine de militants sont venus ce mardi 16 avril devant le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence pour soutenir Alexandre Beddock, poursuivi à la suite d’une casserolade qui a visé il y a presque un an tout pile le député Renaissance Jean-Marc Zulesi, à Salon-de-Provence. Comme Marsactu l’a raconté, les charges envisagées à l’époque laissaient craindre un procès très politique et surtout, démesuré face au préjudice réel subi par l’élu. Mais finalement, la plainte pour violences déposée par l’élu, après avoir reçu un jet de confettis, n’a pas aboutie. Mais Alexandre Beddock restait poursuivi pour usurpation d’identité.
Pour les soutiens du militant, ce procès a tout d’un coup de force du “pouvoir autoritaire”, soutient un porte-parole de la Ligue des droits de l’homme. France Insoumise, Attac, Extinction rebellion… Le micro passe de mains en mains, devant le parvis du tribunal, à quelques minutes de l’audience. “La justice dissimule de plus en plus mal la dictature de la classe dirigeante”, accuse un militant communiste. Le petit groupe applaudit, des lycéens s’approchent, amusés. Un militant s’écrie, poing levé : “no pasaran !”
Il est 13 h 52 lorsqu’Alexandre Beddock attrape le micro. “Merci à tous de m’avoir donné la force de ne pas céder aux intimidations politiques et de médiatiser cette affaire. Ce n’est pas facile évidemment, en tant qu’individu. Mais on tient. Et on tient la ligne pour toutes les autres victimes de répression politique.” L’homme de 35 ans conclut : “si aujourd’hui ils tentent de nous faire peur, c’est qu’ils ont peur de nous.” Puis à 13 h 59, il s’engouffre dans le tribunal.
Un vrai faux journaliste de France Bleu
Pour comprendre les faits, il suffit d’écouter la conversation téléphonique qui s’est tenue le 18 avril 2023, en pleine mobilisation contre la réforme des retraites, entre Alexandre Beddock et la collaboratrice parlementaire de Jean-Marc Zulesi. Voilà pourquoi la présidente de la chambre, qui statue en juge unique au vu du caractère très limité de l’infraction, décide de diffuser à l’audience l’intégralité des trois minutes de l’échange.
Le 18 avril 2023, c’est-à-dire quelques jours avant la Fête de la fraise de Salon-de-Provence. Et c’est le contexte que choisit Alexandre Beddock pour rencontrer le député de sa circonscription, afin de l’interpeller sur la réforme des retraites. L’appel débute de la sorte : “Bonjour, je suis Alexandre Taquin de France Bleu. On souhaite couvrir la Fête de la fraise et interviewer des officiels.” Puis il demande si Jean-Marc Zulesi serait disposé pour un entretien.
Le militant assure à la barre que le représentant de l’État avait refusé toute demande de rencontre avec l’intersyndicale pour parler retraites. L’objectif est donc d’aller à la rencontre de l’élu pour forcer un échange sous la forme des “casserolades” qui ont eu lieu à d’autres endroits en France à ce moment-là. Une vidéo de la scène montre une dizaine de militants portant des pancartes ironiques, suivre le député, très remonté, qui presse le pas et s’en va. Alexandre Beddock, en plus de ses activités militantes, est aussi journaliste. Sauf qu’il choisit un nom d’emprunt pour se présenter lorsqu’il feint de vouloir une interview. “C’est un pseudonyme, plaide-t-il, comme cela arrive très souvent chez les journalistes pour signer des papiers ou demander des entretiens.”
Problème : on ne sait pas trop quand ni comment, mais les enquêteurs vont finir par tisser un lien entre le Alexandre Taquin imaginaire, et Alexandre Tandin, vrai ancien journaliste de France Bleu, dans le Grand Est. Après l’épisode de la Fête de la fraise, le vrai journaliste reçoit donc un appel de la police. On lui explique qu’un militant a usurpé son identité à Salon-de-Provence, on lui propose de porter plainte, il accepte. Pourtant, à l’écoute de la conversation téléphonique qu’Alexandre Beddock a lui-même enregistrée, aucune confusion n’est possible : le militant en était même venu à épeler le nom imaginaire qu’il s’est choisi : “T-A-Q-U-I-N”.
Vieilles connaissances
“Je connaissais pas l’existence d’Alexandre Tandin, donc je n’ai pas pu usurper son identité”, se défend le prévenu. Le militant rappelle aussi le contexte social de l’époque, et “la mobilisation massive contre la réforme”. Tout cela, “le tribunal ne l’ignore pas, mais nous sommes uniquement saisis sur les faits d’usurpation d’identité, la scène de la casserolade ne nous concerne pas”, rappelle plusieurs fois la magistrate.
“Ce n’était pas une casserolade, mais une manifestation festive”, rectifie le prévenu. Mais sur le moment, la manifestation avait vraiment failli virer au vinaigre. D’un côté, parce que Jean-Marc Zulesi avait déposé plainte pour violences, et s’était fait prescrire 15 jours d’interruption de travail – qu’il n’avait pas respectés. De l’autre, parce qu’Alexandre Beddock soutient avoir été pris à partie par le député après le jet de confettis. “Nous sommes descendus au parking, et là, Jean-Marc Zulesi a collé son front à celui d’Alexandre et lui a dit : « tu es fier de toi ? Tu es fier de toi ? » Il était complètement braqué”, raconte Elisa, militante, appelée comme témoin au procès. Mais l’enquête n’a pas permis de caractériser ces faits.
Alexandre Beddock explique connaître Zulesi “depuis les années lycées”, précise que les deux hommes se tutoient, et que s’il avait donné sa vraie identité à la collaboratrice du député, il aurait été immédiatement identifié. Quant à Jean-Marc Zulesi, il ne s’est pas déplacé au tribunal, mais a fait citer sa collaboratrice comme témoin. Cette dernière a soutenu avoir bien entendu le nom “Tandin” au téléphone. Elle a aussi assuré que, contrairement à ce qu’avance Alexandre Beddock, l’intersyndicale n’avait formulé aucune demande de rencontre. “Au contraire, ils avaient même précisé ne pas vouloir parler avec le député, au vu de sa position sur la réforme des retraites”, précise-t-elle.
Pour les parties civiles, l’avocat du journaliste Alexandre Tandin a demandé 1500 euros de dommages et intérêts, celui de Jean-Marc Zulesi, un euro symbolique. Pour la procureure, “Alexandre Beddock a sciemment créé une confusion, car il savait ce qu’il risquait s’il s’appropriait le nom complet d’Alexandre Tandin.” La magistrate a requis 90 heures de travaux d’intérêt général, 3000 euros d’amende et l’affichage de la sanction pendant un mois dans le centre-ville de Salon-de-Provence. Alexandre Beddock a déjà fait savoir qu’en cas de condamnation, il refuserait d’exécuter les heures de travail d’intérêt général. Le délibéré sera rendu le 21 mai.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Plus une sortie de Zulesi sans confettis !
Se connecter pour écrire un commentaire.
Otez-moi d’un doute: Monsieur Beddock a donc été condamné pour usurpation d’une identité qui n’existe pas au détriment d’une identité (très) vaguement homophone qui ne demandait rien mais suscitée par les enquêteurs pour les besoins de leur cause. Ce qui me gêne le plus , c’est la plainte de ce monsieur TANDIN grâce à qui toute cette mayonnaise a pu être montée.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Après l’amende de contribution citoyenne contre des membres d’Extinction Rebellion, des travaux d’intérêt général pour un militant. L’intimidation En Marche.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Zulesi, c’est bien le député qui essaie de pipoter les votes en commission à l’assemblée nationale ?
Se connecter pour écrire un commentaire.
tout à fait, un vote en commission sur la sécurité nucléaire, et la fusion de l’ASN et l’IRSN, il a organisé un incident (mais selon lui il parait que c’est pas vrai !!!!!)
il y a de droles de loustics dans la majorité relative.
on entre dans un drole de monde !
Se connecter pour écrire un commentaire.
Merci à Marsactu pour cette tranche de rigolade…la vie politique n’est jamais aussi drôle que quand elle se caricature elle-même
Se connecter pour écrire un commentaire.
Moi ça ne me fait pas rire, je trouve le chemin emprunté en France très inquiétant. Et je crains le silence des pantoufles
Se connecter pour écrire un commentaire.
Un fait admirable aussi, c’est la sagacité de l’assistante parlementaire qui, de bonne foi ( ? ), entend ‘TANDIN’ lorsque son interlocuteur épelle T.A.Q.U.I.N = de quoi se poser des questions sur son niveau d’entendement … et sur le bien-fondé de la rétribution qu’elle perçoit (peut-être modique, mais c’est encore trop) aux frais des contribuables que nous sommes. Et la juge n’a pas tiqué ? Bigre !
Se connecter pour écrire un commentaire.
“Cette dernière a soutenu avoir bien entendu le nom “Tandin” au téléphone.”
…
“Pour la procureure, “Alexandre Beddock a sciemment créé une confusion, …”
Conclusion: la procureure dément un possible faux-témoin mais n’en tire pas de conclusion. C’est pas la crème.
Se connecter pour écrire un commentaire.