Au premier jour de leur procès, Jean-Noël et Alexandre Guérini gardent leurs distances

Actualité
le 16 Mar 2021
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Ce lundi, s'ouvrait le procès de l'affaire Guérini. Avant l'entrée dans le vif du sujet ce mardi, cette première journée était l'occasion de rappeler les trajectoires de vie des principaux protagonistes, à commencer par les deux frères qui ont donné leur nom à cette affaire.

Jean-Noël Guérini en mars 2021 lors du premier procès. (Photo : Emilio Guzman)
Jean-Noël Guérini en mars 2021 lors du premier procès. (Photo : Emilio Guzman)

Jean-Noël Guérini en mars 2021 lors du premier procès. (Photo : Emilio Guzman)

Jean-Noël Guérini est arrivé en avance. Il tourne et vire dans la salle des pas perdus du tribunal correctionnel. Les photographes se déplacent en grappe pour tenter d’attraper plein cadre le visage de celui qui a limité les apparitions publiques depuis le début de l’affaire qui porte son nom. Lunettes fumées et manteau gris parfaitement coupé, Alexandre Guérini arrive un peu plus tard, grimpant d’un bon pas les marches du palais. Le benjamin de la fratrie va saluer son aîné. L’échange dure moins d’une minute.

La présidente du tribunal Céline Ballerini aborde le procès en placière. Alors qu’ils se sont assis chacun d’un bord de l’allée centrale, elle les installe sur le même banc, au premier rang. “Asseyez-vous où vous voulez, Monsieur Guérini, mais avec un siège de distance. Ça dépend si vous voulez être à côté ou loin de votre frère”, se lance la juge. Après quelques instants d’hésitation, ce sera au plus près.

Le procès sera présidé pendant un mois par Céline Ballerini. (Dessin Ben8)

Comme eux, chaque prévenu se plie au protocole judiciaire. La journée s’annonce longue et fastidieuse. Il s’agit de poser les bases du long procès à venir. Avec une soixantaine de personnes dans la grande salle du palais Monthyon, le début de l’audience a été retardé par les problèmes logistiques, la présidente se muant en “ouvreuse” et la procureure Dominique Laurens portant elle-même la table pour les parties civiles. À l’appel de son nom, chaque prévenu est invité à raconter son histoire, au-delà des faits reprochés. À l’occasion, juges, procureurs ou avocats peuvent aussi les interroger.

“Plus de relations” entre les deux frères

Alors qu’il n’en avait pas dit un mot au terme de vingt minutes de présentation, c’est l’assesseur Pierre Jeanjean qui pousse Jean-Noël Guérini à parler de son frère.  “Ça fait plusieurs années que je n’ai plus de relations avec mon frère. Mon frère demeurera toujours mon frère. On peut avoir des différends, on en a, mais la famille, c’est sacré.” Comme les dix autres prévenus, le sénateur et conseiller départemental déroule son parcours de vie. De sa naissance dans le village corse de Calenzana à sa réélection comme sénateur en septembre, il s’attache à décrire un parcours sans tache.Toute ma vie, j’ai été d’une droiture exemplaire”, veut-il convaincre, ajoutant dans une syntaxe alambiquée : “Est-ce que les hommes et les femmes qui ont voté pour moi aux dernières élections auraient pu le faire si j’étais comme certains le disent un monstre ?”

Le sénateur est précis sur son parcours public, mais omet un passage par le privé chez Veolia, une société un temps soupçonnée d’avoir grandement aidé son frère Alexandre en lui rachetant deux de ses sociétés dans les années 90-2000. “Aux municipales en 1989, monsieur Vigouroux gagne tous les secteurs aux municipales. Le PS, la gauche, n’obtient que trois sièges à la proportionnelle. Je me retrouve sans rien. Mon prédécesseur au conseil général Louis Philibert veut m’aider et on va voir le grand patron de la Générale des eaux qui me propose un emploi dans les déchets toxiques qui n’avaient rien à voir avec les déchets…”

À la barre, celui qui est toujours sénateur a dépeint son parcours, “d’une droiture exemplaire”, juge-t-il. (Dessin Ben8)

L’élu peine à finir sa phrase. Tout le monde comprend qu’il veut signaler que ce ne sont pas le type de déchets que traitait son frère avec ses différentes sociétés, et surtout pas ceux des décharges de la Vautubière et du Mentaure, lieux d’infractions présumées. De son frère, Jean-Noël Guérini semble vouloir dire le moins possible. “Lui c’est lui, moi c’est moi”, le mantra énoncé dès 2010 est toujours valable.

Alexandre Guérini et “le strict respect des valeurs”

Avant lui, Alexandre Guérini n’a pas eu un mot pour son aîné. Il n’a pas non plus été relancé sur le sujet. Lui s’est borné à évoquer son enfance dans un HLM des Catalans, “une maison où il n’y avait que de l’amour”, où la règle était “le strict respect des valeurs” et le sens du travail. Dans un miroir inversé des déclarations de son frère, il n’est jamais question que de ses activités professionnelles. Il a d’abord monté une première société chargée de collecter des déchets dans les cités de Marseille avant de développer progressivement ses activités. Par deux fois, il a pu vendre une de ses entreprises à bon prix à la Générale des eaux devenue Veolia. Cela lui a permis de constituer un capital important qui lui vaudra de payer l’impôt sur la fortune. Il gagne aujourd’hui encore près de 10 000 euros par mois.

Alexandre Guérini a longtemps été encarté PS. (Dessin Ben8)

Il faudra là aussi l’intervention d’un tiers pour l’emmener sur un autre terrain. Le procureur Étienne Perrin a la question faussement naïve : “Avez-vous exercé des mandats électifs ?” L’homme qui a été pendant plus de trente ans encarté au PS répond :Je n’ai jamais eu de mandat électif parce qu’on peut faire de la politique sans mandat électif”.

En douze ans d’instruction, il a déjà eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises sur le sujet, tant son immixtion dans l’administration de certaines collectivités locales a été documentée. C’est le menu qui l’attend dans les semaines à venir. Dès ce mardi, il sera question de ces interventions auprès d’un cadre de la communauté urbaine pour faire aboutir les projets d’un entrepreneur ami. Ce fonctionnaire, Michel Karabadjakian a fait citer son ancien patron, l’ex-président PS Eugène Caselli. La venue de l’ancien élu n’est pas encore certaine, la convocation ne lui était pas encore parvenue ce lundi. Si elle devait se confirmer dès ce mardi, elle donnerait le ton du mois à venir.

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