Au nom de la SNCM, Marc Dufour dit à l'Europe : "Je ne rembourserai jamais"

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le 17 Juil 2013
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Au nom de la SNCM, Marc Dufour dit à l'Europe : "Je ne rembourserai jamais"
Au nom de la SNCM, Marc Dufour dit à l'Europe : "Je ne rembourserai jamais"

Au nom de la SNCM, Marc Dufour dit à l'Europe : "Je ne rembourserai jamais"

Décidément, la SNCM n'est pas vraiment une entreprise comme les autres. Quand le président du directoire, Marc Dufour, convoque la presse pour annoncer qu'il va déposer un recours contre la décision de la commission européenne de demander le remboursement de 220 millions d'aide publique, des syndicalistes de la CGT marins sont à la porte pour écouter avec attention les propos du patron.

L'heure est grave. La compagnie maritime vit depuis des mois un tournant de son histoire qui finit par ressembler à une étape du GR20. Ainsi, au mois de mai dernier, alors que la compagnie est à nouveau candidate à la délégation de service public de liaison avec la Corse, la commission européenne annonce par voie de communiqué qu'elle demande le remboursement des subventions versées par la collectivité corse au titre du service complémentaire, correspondant à la desserte de l'île durant été. C'est le principal concurrent, Corsica Ferries, qui avait contesté cette aide devant l'Europe. Celle-ci a donc fini par rendre son verdict en présentant la lourde facture qui doit être "restituée aux contribuables" par la SNCM.

La menace d'un monopole de Corsica Ferries

Vendredi dernier, la notification a fini par arriver au courrier, boulevard des Dames. La SNCM a aussitôt réagi en convoquant la presse en présence de ses avocats, en l'occurrence, les juristes du cabinet de Jean-Pierre Mignard, Lysias Partners. La compagnie déposera un recours devant le tribunal de première instance de l'Union européenne "d'ici deux mois". Même si ce recours vient en complément de celui que le gouvernement devrait déposer à son tour, la "réponse de droit" de la SNCM n'a rien de symbolique. La somme demandée est telle qu'elle y laisserait jusqu'à son dernier canot. "Dès lors, au nom de la libre concurrence, on se retrouverait alors avec un monopole de fait de Corsica Ferries", constate Jean-Pierre Mignard.

Si le choix de ce dernier comme avocat de la compagnie est avant tout à mettre au crédit de ses compétences en matière de droit européen plutôt qu'à son engagement miitant au PS, il donne une couleur très politique à un dossier qui l'est déjà. "Oui, c'est un vrai procès de droit et un vrai procès politique, reconnaît Jean-Pierre Mignard. C'est la notion même de service public à la française qui est menacée si cette décision est appliquée. La commission a pris une position dogmatique en faveur de la libre concurrence, nous souhaitons que les juges rétablissent un peu l'équilibre entre les règles de la concurrence et services publics".

Réglementation du cabotage

Premier point de droit avancé, les conseils de la SNCM considèrent que la décision de la commission européenne s'appuie sur un règlement de 1992 sur le cabotage et ce faisant méconnaît les différents traités européens ultérieurs, notamment celui de Lisbonne, qui donne liberté aux états d'organiser leurs propres services publics. Ils citeront également une décision du conseil d'Etat qui donne raison à la SNCM dans le même contentieux. "Et même s'il s'agit d'une décision d'une juridiction nationale, elle prend appui sur les traitéz européens en cours", note Sébastien Mabile, avocat associé du cabinet.  

Au-delà du débat juridique qui devrait alimenter le feuilleton SNCM pour des mois, voire des années, cela hypothèque les scénarios en cours de relance de l'entreprise. Le président du directoire, Marc Dufour, n'y va pas par quatre chemins : "Soyons clair : je ne rembourserai jamais. Même si je ne considère pas que cela soit une menace économique pour l'entreprise, cela hypothèque tout de même les actions de gestion de l'entreprise". Or, pour le président Dufour, et malgré les moues dubitatives des syndicalistes présents, "nous avons réussi à créer une vraie unité dans l'entreprise, y compris avec la majorité des organisations syndicales. C'est une grande première en 40 ans. Je salue d'ailleurs ce qu'ils ont fait", ajoute-t-il en clin d'oeil appuyé aux représentants CGT. Emporté par son élan, il va même plus loin en dénonçant "l'ultralibéralisme" de la commission européenne dans cette affaire. 

Si le recours déposé n'est pas suspensif en lui-même, il devrait être suivi d'une demande de sursis à exécution déposée soit par le gouvernement, soit par la compagnie elle-même. Viendront ensuite, les longs mois d'instruction, l'audition devant le tribunal de première instance, puis éventuellement un appel devant la cour européenne de justice si la compagnie n'obtient pas gain de cause. D'ici là, il reste d'autres virages dangereux à négocier pour la compagnie maritime. A commencer par l'obtention de la nouvelle délégation de service public lancée par la collectivité corse, qui prendra vraisemblablement sa décision en septembre.

L'analyse de Jean-Pierre Mignard en vidéo :

 

 

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Commentaires

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  1. puic puic puic puic

    Comme souvent, comme d’habitude serai-je tenté de dire, on cri haro sur l’Europe en lui reprochant tout et son contraire. Et, vu les quelques décisions critiquables ces derniers temps, on pourrait penser que les éructations anti-européennes sont justifiées. Mais, il ne faut pas oublier que la SNCM est en déficit tous les ans, que de très fâcheuses “habitudes” ont été prises et que les “mouvements sociaux” ont plombé son activité. Donc, regardons posément si l’Europe ne dit pas vrai et si, par hasard, nos politiques successifs n’auraient pas temporisé, n’auraient pas botté en touche en attendant que l’Europe tranche. Et fasse le sale boulot…

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  2. Al Al

    Avec toutes les aides et subventions publiques qu’ils ne cessent de recevoir ils ne sont toujours pas capables de concurrencer convenablement Corsica Ferries. C’est incroyable l’incompétence de cette entreprise qui paie ses stratégies incohérentes mises en place depuis plus de 10 ans maintenant..

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  3. Anonyme Anonyme

    Mes amis corses ne voyagent plus avec SNCM dont le service à bord est simplement lamentable. A moins de changer d’une manière drastique la qualité de service et de être compétitif SNCM est condamné, sauf si la perfusion des subventions continue.

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  4. Anonyme Anonyme

    oui les syndicats ont effectivement une part de responsabilité dans la gestion difficile de la SNCM, oui corsica est moins chère par contre il créé 0 emploie en France…Corsica utilise à bon compte les possibilités offerte par l’UE. Certains commentaires trahisse une analyse un peu légère de la question. En complément le service proposé par la SNCM est de même niveau que celui de corsica si on enlève le pb des annulations de voyage suite aux mouvements sociaux.

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  5. Ricou 24. Ricou 24.

    Véolia qui parle de libéralisme outrancier d un côté et qui tente de se mettre l opinion avec elle en faisant du populisme et de l autre Veolia qui fait tout pour distribuer de l eau dans la même ville, en ayant travaillé en amont depuis des mois pour écarter la mise en régie.
    Il est temps d arrêter de nous prendre pour des idiots,Veolia c est la Sncm,les bus du pays d Aubagne,les déchets et la décharge de Septemes ,deux lots de collectes et nettoiement dans Marseille,un lot de dechetteries,deux plateformes de réceptions des déchets des artisans et commerçants,la Sem et sonl eau …….etc….
    Basta!
    A chaque fois ils nous font parler le patron du secteur d activité (énergie,eau,déchet,transport)sans jamais nous présenter “le gouverneur “local de peur de passer pour “des big dangeroux” et diluer l effet d envahissement.

    Ricou 24.

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  6. Ricou 24. Ricou 24.

    Je ne sais pas si à la place de Mignard j aurais accepté de défendre Veolia en étant socialiste déclare et membre de l organisation des primaires avant les municipales ,en pleine négociation d attribution du marche de 3milliard pour la distribution de l eau dans la ville.
    Caselli ( candidat à la primaire)qui se bat d un côté avec Veolia entre autre et Mignard qui bosse pour eux.
    En effet le dossier est politique et financier

    Ricou 24.

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  7. Boubou Boubou

    La commission de Bruxelles soutient de ce fait la Mafia. Les grèves à répétition, en période de pointe de la SNCM ont été téléguidées par son concurrent. Celui-ci gère une société de droit extra-européen mais en droite ligne avec les convictions ultralibérales de la Commission. Sa devise: tous contre tous. Il serait bon que Médiapart enquète

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  8. Anonyme Anonyme

    quelles-sont ces “mignardises” ?depuis le traité de Lisbonne qui fut un déni de démocratie foulant au pied le mandat des français qui avaient voté non au referendum de mai 2009, exprimant clairement le rejet de ces institutions ,foulant notre droit à l’expression d’un service public régalien ( égalité des droits à des transports égaux pour tous tant en matière de services et de prix )Mr Mignard voudrait nous faire avaler la pilule d’un possible recours devant la commission, lorsque de surcroît le vote du TSCG interdit à tout état nation de remettre en cause la sacro-sainte concurrence libre et non faussée , des entreprises comme des hommes , et ce qui va avec : leurs droits sociaux historiques , conquêtes de la lutte de classe.

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