Au Merlan, la rocade L2 s'arrête sur un talus

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le 13 Fév 2015
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Au Merlan, la rocade L2 s'arrête sur un talus
Au Merlan, la rocade L2 s'arrête sur un talus

Au Merlan, la rocade L2 s'arrête sur un talus

Il y a toujours un épais brouhaha dans la salle des référés du tribunal de Marseille. Mais c'est du côté de l'hôtel de ville que les oreilles ont dû siffler. En effet, ce vendredi, la société de réalisation de la rocade L2 était assignée devant le tribunal par l'inspection du travail. Les agents diligentés sur place estiment que les gros talus de part et d'autre de la voie rapide qui passe sous le centre urbain du Merlan menacent d'ensevelir les ouvriers qui y travaillent pour le compte de la filiale de Bouygues. Or, depuis des mois – voire des années – Ville et État se disputent la propriété desdits talus et donc de la responsabilité de payer leur confortement.

La SRL2 avait envoyé ses principaux responsables dans la salle surchauffée et mandaté deux avocats pour éviter le pire : un arrêt des travaux de la L2 à cet endroit précis. Le 15 janvier dernier, les inspecteurs du travail lui ont écrit en ce sens : "À défaut d’éléments permettant d’évaluer une absence de risque d’ensevelissement, ils prendront une décision d’arrêt de travaux en cas de constat de commencement de travaux de toute nature au pied des buttes non stabilisées", indique l'assignation. Aujourd'hui, la société a fait arrêter les travaux en attendant la décision du tribunal attendue lundi après-midi.

Dans la salle du tribunal, l'avocate de l'inspection du travail, Béatrice Dupuy plaide pour que cet arrêt soit officialisé par la justice du fait du "risque imminent d'ensevelissement" par ces talus de "10 à 12 mètres de haut pour 300 mètres de long en état de décomposition avancée"En appui à ses dires, elle cite un certain nombre de pièces – compte-rendus de visite, rapports et courriers – qui font état d'une situation connue de fragilité que les travaux entrepris risquent d'accélérer.

Travaux dans la zone interdite

Elle s'appuie sur une pièce fournie par la défense et qui présente la possibilité que les ouvriers travaillent "dans la zone interdite", c'est-à-dire là où les talus s'écroulent. Pire, les ouvriers sont censés y installer des glissières en béton armé pour protéger les piliers d'éventuels chocs avec des poids-lourds. "Cela constituera de véritables pièges pour les salariés pris entre les talus et les glissières", argue l'avocate. Elle souhaite donc que le maître d'ouvrage mandate une expertise pour permettre de statuer sur "le risque actuel et contemporain du fait des travaux entrepris"

Là, la présidente, Anne-Marie Somnier, tique : "Qui est le propriétaire des talus ?" "Le sol est a priori la propriété de la Ville de Marseille", défend l'avocate. "Vous ne pouvez pas demander une expertise si vous n'avez pas le propriétaire, c'est embêtant, reprend la présidente. Sur l'arrêt, cela s'est déjà fait lors du chantier de Grand littoral. C'est le même principe. En revanche, je ne peux pas faire ordonner une expertise sur un bien d'une personne qui n'est pas à la procédure." Béatrice Dupuy ne se démonte pas et revient sur les obligations du maître d'ouvrage qui doit évaluer l'ensemble des risques. "Il lui appartient ensuite de mettre en cause la Ville de Marseille", estime-t-elle. "Je ne suis pas le tribunal administratif", répond la présidente. Cet échange à bâtons rompus ne préjuge pas de la décision finale. En revanche, il souligne le noeud du problème.

accessoires de voirie

Avant d'arriver devant le tribunal, ces talus ont animé les discussions du comité de pilotage qui réunit les collectivités qui financent la rocade. Depuis des mois, Ville et État se disputent pour savoir qui des deux est propriétaire des talus et donc doit financer les travaux évalués de bonne source à 1,5 million d'euros. Jusque-là, la Ville considérait qu'il s'agit "d'accessoires de voirie" et aimerait que le propriétaire du dessus, Carrefour Property, assume sa part de la facture puisque des infiltrations d'eau en provenance du bâtiment ont visiblement fragilisé les talus. Cet argument est repris dans un communiqué publié par la Ville qui, pour la première fois, met en avant sa propriété : "La Ville de Marseille est propriétaire depuis 2003 des talus mis en cause qui connaissent de nombreux problèmes à cause, notamment, de fuites d'eaux en provenance de la dalle supérieure", écrivent-ils.

La date de 2003 coïncide avec un courrier du préfet au maire, qui abordait cette question et qui a été versé à la procédure. À l'audience de ce vendredi, un acte notarié a été cité par de nombreux protagonistes. Les deux avocats insistent sur deux points : l'absence d'imminence du risque "d'autant plus qu'une partie des travaux a été réalisé à proximité de ces talus", insiste Me Maïthé Sambuis, avocate de la SRL2. "Les salariés n'ont fait jouer aucun droit de retrait", ajoute son confrère Patrick Bannwarth. Le second point a déjà a été souligné par la présidence : les talus, ce n'est pas eux.

Un serpent de mer en accordéon

"Le tracé et la conception de la rocade ont été fait par l'Etat. C'est aussi lui qui a défini le cadre de l'exécution, reprend Maïthé Sambuis. Les talus ne font pas partie du projet de rocade qui a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique. Ils ne sont pas non plus dans le cahier des charges du partenariat public-privé signé entre l'Etat et la SRL2." En clair, Il n'y a pas vraiment de danger, le risque n'est pas imminent et, de toute façon, tout cela ne concerne pas leur client.

Une fois l'ensemble du dossier étudié, le tribunal pourrait suivre la défense en refusant d'obliger le maître d'ouvrage à mander une expertise géotechnique à ses frais sur un bien qui n'est pas le sien. En revanche, il pourrait suivre les arguments de l'avocate de l'inspection du travail en prononçant l'arrêt des travaux à cet endroit. Ce ne serait là qu'un épisode de plus dans la longue histoire de ce chantier en accordéon. Pas de quoi ralentir le chantier de la L2 Nord déjà très actif sur de nombreux tronçons.

En revanche, la procédure pourrait forcer la Ville à agir. C'est en tout cas ce qu'espèrent les représentants de l'État. Dans la salle des pas perdus, les représentants de l'inspection du travail discutent avec leur avocate en présence de deux représentants de la direction régionale de l'aménagement qui suivent de très près le chantier. Il n'y est question que d'une chose : "l'immobilisme de la Ville de Marseille" et les courriers "dignes d'un torchon" qui sont arrivés ces dernières semaines en préfecture. "La Ville va assumer la responsabilité de cette interruption du chantier si jamais celle-ci est prononcée", entend-on en ces rangs. Du côté de la collectivité, on ne semble pas avoir le même point de vue.

La municipalité s'appuie notamment sur une étude géotechnique qu'elle a commandée à l'automne. "Le bureau d'études assure qu'il n'y a aucun risque imminent (la sécurité des personnes et des biens n'étant pas engagés dans la mesure où le pied de talus n'est pas accessible au public). L'inspection du travail souhaite désormais des garanties pour les salariés dans le cadre du chantier de la rocade L2. Ces garanties devront être apportées par la maîtrise d'ouvrage de ce chantier." Réponse en début de semaine prochaine pour savoir si le jugement suit cet avis et si la SRL2 se retourne ou pas vers la Ville.

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Commentaires

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  1. Delair Delair

    C’est un gag?

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  2. Marséillé Marséillé

    Sans déc. Si le projet qui date du début des années 30 – hallucinant – aurait été accompli avant la construction du centre commercial (ou autres) on en serait pas là….
    Encore une fois, ca va nous coûter 2 bras (pléonasme)

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  3. Thierry5413 Thierry5413

    2600 ans d’histoire, je comprends mieux lorsque les décisions prennent au moins 90 ans. Le temps n’a pas la même valeur ici qu’ailleurs car il faut qu’une dynastie politique s’éteigne pour que les rancunes s’effacent devant l’intérêt général.
    Bienvenue dans le monde du népotisme, du clientélisme, de l’affairisme et du banditisme. Pendant ce temps, on ne passe plus qu’à une seule voie sous le Merlan. Merci aux couillons qui les élisent et qui n’ont ni escorte, ni chauffeur. Ah, j’oublie que le temps de trajet pour se rendre à Pôle Emploi ne compte pas dans une ville sans travail. Quant aux autres, ils doivent s’estimer heureux de perdre 42 minutes par jour car ils gagnent le SMIC plus.

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  4. Thierry5413 Thierry5413

    2600 ans d’histoire, je comprends mieux lorsque les décisions prennent au moins 90 ans. Le temps n’a pas la même valeur ici qu’ailleurs car il faut qu’une dynastie politique s’éteigne pour que les rancunes s’effacent devant l’intérêt général.
    Bienvenue dans le monde du népotisme, du clientélisme, de l’affairisme et du banditisme. Pendant ce temps, on ne passe plus qu’à une seule voie sous le Merlan. Merci aux couillons qui les élisent et qui n’ont ni escorte, ni chauffeur. Ah, j’oublie que le temps de trajet pour se rendre à Pôle Emploi ne compte pas dans une ville sans travail. Quant aux autres, ils doivent s’estimer heureux de perdre 42 minutes par jour car ils gagnent le SMIC plus.

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  5. Citoyen de L'Estaque Citoyen de L'Estaque

    Comme d’habitude, s’agissant d’un problème technico-administratif somme toute assez simple mais sur une d’ouvrage de statut national,qui engagera nécessairement des frais supplémentaires , les représentants de la ville pratiquent la théorie de la figue mûre….

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  6. Citoyen de L'Estaque Citoyen de L'Estaque

    Comme d’habitude, s’agissant d’un problème technico-administratif somme toute assez simple mais sur une partie d’ouvrage de statut national,qui engagera nécessairement des frais supplémentaires , les représentants de la ville pratiquent la théorie de la figue mûre….

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  7. Trésorier Trésorier

    Ca m’étonnerait que tout cela ne finisse pas en retard (énorme) supplémentaire de livraison.

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