[Au fond des filets] À Marseille les poissonneries de quartier disparaissent peu à peu
Le pêcher, le vendre, le cuisiner... Le poisson est une tradition à Marseille, mais qu'en reste-il ? Pas grand chose dans certains quartiers, totalement dépourvus de poissonneries, selon notre compilation des commerces indépendants. Globalement, la ville en compte trois fois moins que les grandes agglomérations. Deuxième volet de notre série.
[Au fond des filets] À Marseille les poissonneries de quartier disparaissent peu à peu
“Avant, il y avait quasiment deux poissonneries par quartier. Aujourd’hui, les jeunes préfèrent manger du poulet frit sur le Vieux-Port plutôt que de manger nos poissons.” À 92 ans, Anna, dite “Nana”, vendeuse emblématique sur le Vieux-Port de Marseille, tire un constat amer mais partagé. Lorsque l’on parle aux pêcheurs des poissonneries de quartier, les souvenirs de ce foisonnement remontent facilement à la surface. “Les écaillers et poissonniers faisaient partie du paysage de la rue à Marseille. Les stands de rascasses et daurades mangeaient sur les trottoirs, se souvient Jean-Pierre, pêcheur septuagénaire de la criée. “Aujourd’hui les rascasses mangent dans les supermarchés”, ironise-t-il.
Difficile pourtant de chiffrer ce ressenti. Contactée par Marsactu, la chambre des métiers et de l’artisanat peine à nous fournir le listing des commerces disparus. Elle avance cependant le chiffre de 27 établissements qui auraient été radiés du répertoire des métiers depuis 2015 à Marseille, sans que l’on soit en mesure de le vérifier par un document. Une chose est sûre : une trentaine de poissonneries seraient encore ouvertes sur la ville*. Soit une poissonnerie pour 29 000 habitants, contre 1 pour 11 000 pour la moyenne des agglomérations de plus de 200 000 habitants, selon une étude menée par FranceAgriMer. Un comble pour une ville à l’héritage maritime aussi riche, les départements littoraux affichant d’ailleurs une offre bien plus importante.
Une inégale répartition des poissonneries sur Marseille
N’en déplaise aux anciens du Vieux-Port, le centre-ville n’est pourtant pas si mal loti, avec la concentration la plus forte de la ville. Car la répartition est assez inégale sur le territoire. Les quartiers les plus aisés de Marseille résistent bien mieux que les autres à la disparition de ces poissonneries de quartier. On dénombre ainsi cinq poissonneries dans le 8e arrondissement dont deux écaillers, un à Mazargues et un autre à Montredon.
Les arrondissements à faibles revenus sont en revanche bien moins dotés en poissonnerie comparés à leur population. Le 15e arrondissement ne peut compter que sur la poissonnerie indépendante du marché aux puces pour satisfaire en poisson frais ses 75 000 habitants. À titre de comparaison, il existe deux poissonneries de quartier pour les 35 000 habitants du 7e arrondissement, "Chez Annie" à Bompard et Mistralou coquillages, au 4-Septembre.
Le 3e arrondissement, qui a perdu deux poissonneries, une rue Hoche près de l'hôpital européen et une plus récemment à la Belle de mai, ne compte quant à lui plus aucun établissement. Seul le camion de poissonnerie du marché de la place Cadenat permet aux habitants d'acheter du poisson frais deux fois par semaine.
Au Canet, pas une poissonnerie à 3 km à la ronde
On va soit au marché aux puces dans le 15e, soit chez Carrefour Le Merlan ou bien au Casino.
Le patron d'un bar du quartier
La proximité du centre-ville permet toutefois d'offrir une alternative à la grande distribution pour les amateurs de filets. Dans le vaste 14e arrondissement, en revanche, l'absence totale de banc se fait sentir. Pour les habitants de Saint-Joseph, Bon Secours ou Le Canet il n'y a pas une rascasse au détail chez un indépendant à trois kilomètres à la ronde. Il y a trente ans, "Georgette" vendait encore des sardines et des daurades boulevard Barbès au Canet mais elle a fermé son établissement depuis ; tout comme la deuxième poissonnerie du quartier, rue d'Amélie, il y a de ça une éternité. Des camions passaient place Dalmas à Bon Secours et place des États-Unis au Canet mais ils ne s'y rendent plus depuis plusieurs années, préférant pour celui des États-Unis, le marché des Chartreux tous les jeudis dans le 4e arrondissement. "C'est souvent une clientèle aisée qui se rend dans des poissonneries fait remarquer Gilles Delage, président du CIQ Bon Secours. Acheter du poisson chez un poissonnier, c'est quasiment un acte militant aujourd'hui. De toute manière à Bon Secours, je n'ai pas souvenir d'une poissonnerie."
Un peu plus à l'Ouest, au Canet, Amsis Nasser, le patron du bar Les Mâles Heureux fait l'inventaire, derrière son zinc, des possibilités pour acheter du poisson frais : "On va soit au marché aux puces dans le 15e, soit chez Carrefour Le Merlan ou bien au Casino. Certains ont leur entrée à Saumaty mais globalement les poissonneries ça n'intéresse pas les gens d'ici". Toujours selon l'étude FranceAgriMer, la grande distribution pèse effectivement trois-quarts du marché national. Et la consommation de poisson elle-même tend à se marquer en terme de génération et de revenus.
"Même au supermarché, je n'achète quasiment jamais de poisson, confirmer Gaëlle, seule femme à consommer au Mâles Heureux en cette chaude après midi de juillet. Chez le poissonnier, comme c'est au kilo on sait jamais combien on va débourser, c'est un peu comme au loto. Mais quand le prix est affiché au supermarché, deux pavés de saumon pour 8 euros, c'est déjà trop pour moi."
*Certains établissements ont pu nous échapper, n'hésitez pas à nous le signaler dans les commentaires !
Commentaires
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Il n’y a plus de poissonneries parce qu’il n’y a plus de poissons ! Les supermarchés vendent les derniers pillages de la pêche industrielle, déjà débités en filets ou surgelés. Les ressources jadis énormes de Méditerranée ont été épuisées : plus ou presque plus de merlans, de capelans, de thons, de sardines, d’anchois (que l’on va maintenant pêcher en Argentine) ailleurs plus ou presque plus de morues, de colins, de plusieurs espèces de thons et de sardines…
Il faudrait pour inverser la tendance interdire la pêche et la consommation de poissons sur la planète pendant quelques années…
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100% d’accord avec le commentaire précédent de Barbapapa. J’ajouterai que vu les prix pratiqués dans les poissonneries faut pas s’étonner qu’il y en est plus que dans les quartiers sud plus aisés… Marseille est presque aussi chère que Paris et Lyon ! Et je ne parle mm pas de tarifs du poisson au restaurant, indécent ! En Bretagne et sur la cote Atlantique c’est resté culturel et abordable à tous,
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Sur le marché du Prado, à Castellane, du mardi au samedi, au moins 3 étals de poissonniers (certains jours 4 ou 5). (Pas en ce moment, certains sont en congés).
Il y en a pour toutes les bourses.
Les origines et prix sont affichés…
On peut comparer les prix, la qualité et le professionnalisme.
Il me semble que les poissonneries (magasins) ont toujours été pour une clientèle plutôt aisée.
Les familles modestes de Marseille pratiquant elles mêmes la pêche, ou achetant sur des étals type marché, (voire achetant au marchant ambulant dans les années d’avant guerre..) puis a partir des années 1970 s’approvisionnant majoritairement en grande surface…
Ce qui pourrait expliquer le nombre relativement faible de poissonneries à Marseille comparé à d’autres villes, le faible niveau de vie moyen ?
On oublie que le 3e, le 14e ou le 15e ardt devrait être comparés aux villes de banlieues des autres agglomérations.
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Bonjour,
n’avez- vous pas oublié de citer la poissonnerie de Mazargues, av. de la Concorde? Et le marché du Bd Michelet où il y a même un vendeur à la sauvette
(je le soupçonne de s’approvisionner à Cortiou….au grand collecteur!
Une provinciale du 9ème…..
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Oh pôvre de nous , vous en cherchez des poissons à Marseille , ce n’est pas ce qui manque!
Les thons et les morues sur la plage du Prado , il y a le choix. Les maquereaux , vous les trouverez dans les bars du Vieux Port, les girelles au bain des Dames, les gobi à la mairie et les anchois autour des yeux des municipaux , les arapedes à la métropole, les stoquefiches dans les salles de sport.
Voyez rien ne manque , tous ne sont pas comestibles.,mais bon en broumegeant un peu ……..
Et par pitié, ne faites pas vos yeux de bogue ou de merlans frits en me lisant.
Adessias.
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Quelle bouillabaisse ! 😆
Le prix du meilleur commentaire de l’été 2021 !
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Joliment dit… je seiche pour trouver une réplique…
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Vous faites le biou, Brallaisse ! Un vrai arapede 😜
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Oh ça suffit cétacé figure de poulpe!
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Bravo pour cet avis plein d’humour !
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Quid des quartiers Est dont certains sont résidentiels et d’autres populaires ?
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Bonjour, il me semble que cela relève aussi d’un mouvement plus général des petits commerces, il n’y a plus de charcuteries non plus, les boucheries résistent un peu mieux, mais peut-être mange-t-on plus facilement du poissons congelé que du steak, en dehors du steak haché. il y a bien sûr la cherté du produit face à un niveau économique faible, mais aussi la difficulté du métier, les artisans qui partent à la retraite peinent à trouver un repreneur. Des savoirs faire qui disparaissent…
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Le marché aux poissons du vieux port attire indifféremment touristes , habitants des quartiers riches et pauvres … tout le monde s’entrecroise , les moins favorisés, amateurs de poisson , trouvent de quoi nourrir la famille .. et puis il y a les marchands de poisson de la rue longue des capucins …
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bernard
il y avait une poisssonerie à côté de l’église de st gabriel au carrefour bd bon secours bd de la carrière.
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Même la poissonnerie “Florent” de l’Estaque qui était pourtant une institution a fermé définitivement.
Ce qui m’étonne le plus, c’est que nous sommes les pieds dans la méditerranée et le poisson est à un prix exorbitant. Le kilo d’encornets à 29.99€, il faut le voir pour le croire et dans la même semaine aux puces 14.50€
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Les encornets ou calamars, ou mieux totènes des puces sont à ce prix là certainement décongelés, on ne sait combien de fois, et proviennent on ne sait d’où.
Le prix des totènes fraîches sorties de l’eau à 30 € est à rapprocher du prix du filet de Charolais à + de 40 €
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Dans le 4e, il y a une poissonnerie au tout début du bd de la Blancarde, aux 5 Avenues, et un camion s’installe sur le parking du U Market de Chutes Lavie le samedi matin. Sinon, impossible de trouver du poisson frais sur place, il faut aller sur le port ou à Noailles.
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oui ! et il y a aussi calambo, mais c’est plus des fruits de mer.
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La poissonnerie de l’Estaque a disparue depuis plusieurs années, mais il y a encore un pêcheur qui vends son poisson frais peche sur le quai en contrebas.
André
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Heureusement que les restauraturs n’ont pas de problème d’approvisionnement, soit du surgelé vendu pour du frais, soit de la contrebande, mais là…chuuutt ! Faut pas déranger certains grands chefs qui se croient les rois propriétaires de Marseille dont un qui ne veut pas que l’on puisse avoir l’oeil sur lui..
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Chris Bourgue, abonnée Excellente poissonnerie que je frequente regulierement : Les palangriers du sud à la Rouvière.
Ils sont poissonniers et poètes à la fois. C’est pas donné mais on n’est pas obligé de manger de la daurade ou de la baudroie tous les jours et il y a aussi des maquereaux, excellents et economiques. Sourires, recettes sont distribués. Et ils sont sur Facebook !!!
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