Au Corbusier, le street artist Invader prend ses aises et bouscule la copro
Le street artist Invader, en résidence à la Cité radieuse, a pris l'initiative de coller des œuvres dans les parties communes de ce bâtiment classé. Un geste artistique non-autorisé qui divise les co-propriétaires de la maison du fada.
Au Corbusier, le street artist Invader prend ses aises et bouscule la copro
Depuis cet été, ses œuvres, figures pixelisées en mosaïques, ont envahi les murs de la ville. Comme les articles qui vantent son geste artistique ont inondé les journaux. Invader, l’un des artistes français les plus populaires dans le domaine du street art, s’est imposé à Marseille pour le plus grand bonheur de tous… Ou presque. Installé en résidence au MAMO, la galerie d’art du designer Ora-ïto située au Corbusier (8e), Invader n’a pas résisté à l’envie d’ajouter sa touche personnelle au bâtiment classé aux monuments historiques ainsi qu’au patrimoine mondial de l’Unesco. Une initiative que certains habitants de la Cité radieuse n’ont pas vraiment appréciée.
“Le 27 août 2020, le Syndic découvre que le MAMO accueille en résidence dans l’ancien gymnase cet été Space Invaders afin qu’il produise ses œuvres et les place dans les rues de Marseille, écrivent dans un compte-rendu les représentants du conseil syndical de la Cité radieuse. L’artiste a placé cinq œuvres sur le toit-terrasse sans avoir prévenu la copropriété (trois dans les parties communes et deux sur le solarium du MAMO).”
Si certains rêvent de voir apparaître les petites créatures d’Invader dans leur jardin, les co-propriétaires du Corbusier, eux, n’apprécient guère. “Le conseil syndical est majoritairement pour le retrait des œuvres par l’artiste au plus tard le 11 novembre 2020”, date de la fin de l’exposition, actent sans détours les représentants des copropriétaires qui concluent : “Le CS est choqué et considère que le MAMO ne s’est pas comporté correctement vis-à-vis de la copropriété.”
Un débordement assumé
Du côté du lieu d’exposition, on évoque la liberté de geste de l’artiste. “Il n’a pas fait la demande [d’apposer des œuvres dans la cité radieuse, ndlr]. La base c’était qu’il installe son QG au MAMO, que les gens puissent venir regarder de l’extérieur, qu’ils puissent monter sur le toit pour voir des œuvres visible depuis le Corbusier et puis stop”, reconnaît Benjamin Vincent, directeur associé de l’agence qui gère le MAMO. Il tente cependant de retomber sur ses pattes en ménageant son invité et ses hôtes : “Son système invasif fait qu’il ne prévient personne. Comment pouvait-on savoir ? Le concept a débordé et a intégré le toit. Nous l’assumons en tant que centre d’art, même si cela n’a pas été fait dans les règles de l’art du conseil syndical.” Bref, une “boulette” qui colle parfaitement avec le modus operandi d’Invader.
“Une fois le lieu repéré, on vient l’arpenter, comme une proie. Il y a quelque chose de très serial killer, quelque part”, développe dans une interview à 20 minutes Ora-ïto pour expliquer la démarche générale de l’artiste. Il a pensé avec Invader l’intervention du street artist dans Marseille. “On opère de nuit, masqué, comme si vous deviez prendre un territoire qui ne vous appartient pas de manière illégale. Car c’est illégal, fait sans autorisation, même si on voit ça comme la restauration utile d’une façade”, poursuit-il encore.
Une action en justice débattue
En l’occurrence, une façade classée monument historique. “Bilan : des parties communes classées ont été utilisées comme support par l’artiste, s’inquiète le conseil syndical qui pointe le risque de “dégradation lors de l’enlèvement” de ces œuvres collées à même le béton. Le syndicat des copropriétaires compte également prévenir la Direction régionale des affaires culturelles de “l’atteinte aux parties classées” et n’exclut pas une action en justice. Le sujet doit être débattu lors de la prochaine assemblée générale le 30 septembre.
Des réactions hostiles qui n’étonnent pas Invader. En août, le très discret artiste au visage inconnu déclarait au Monde au sujet de la réception de son art : “Ça va de l’impression de vandalisme au bonheur d’avoir une œuvre. Certains en rêvent, ailleurs on se fait jeter”. Et sur ses installations sur le bâtiment du Corbusier : “Il y aura toujours des grincheux pour dire que je gâche son travail. Je n’en ai pas l’impression.”
“On vit dans cet endroit comme si les murs étaient sacrés”
La 5e œuvre est cachée dans une partie accessible seulement aux habitants. Comme un appel à l’envahissement. Ou à la réappropriation d’un monument classé. Au choix.
Sur la page Facebook réservée aux habitants de la Cité radieuse, le débat est lancé. Si certains vivent cette “invasion” comme une violation de leur propriété privée et une dégradation d’un monument classé, d’autres rappellent l’esprit d’ouverture de l’architecte qui a conçu le bâtiment. “Elle est bien loin l’époque des soirées déguisées sur le toit et des performances d’Yves Klein”, commente une habitante.
Sur le toit de la Cité radieuse, Jean-Bernard Simoni, habitant du Corbusier depuis deux ans et ancien professeur d’arts plastiques, admire les petites créatures aux allures numériques, dont la palette de couleurs répond à celles du bâtiment. “On vit dans cet endroit comme si les murs étaient sacrés. C’est contre l’idée d’ouverture qu’avait Le Corbusier. Les gens qui s’opposent à ces œuvres sont-ils au moins venus les voir ? Ou vivent-ils cela comme une agression juste parce qu’il ne faut pas réveiller la belle endormie ?”
À côté de Jean-Bernard Simoni, un couple, fan du street artist, se prend en photo devant les mosaïques figuratives. Ils n’en ont trouvé que quatre, et se demandent où peut bien être la cinquième. Invader l’a cachée dans une partie réservée uniquement aux habitants de la Cité radieuse. Comme un appel à l’envahissement. Ou à la réappropriation d’un monument classé. Au choix.
Commentaires
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Bonjour, …c’est tellement plus agréable de lire un article sans les fautes de grammaire Catherine S
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C’est quoi la “Street Artiste Invader ” ? Dans la maison du Fada vous pourriez l’appeler au moins en bon marseillais une “couillonade”, cela serait plus compréhensible.
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Quels réac ces copropriétaires
On les voit a peine
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Jack LANG disait que les Tags étaient du Street Art .
Il a changé d’avis quand ses copains se sont fait “tager” leurs portes d’entrée Place des Vosges à Paris.
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Oui sauf que là on parle pas de tags dégueulasses, c’est des petits persos en mosaïque plutôt très sympas à l’œil.
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C’est plutôt Ora Ito qui prend ses aises au Corbusier. La puissance de l’argent.
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Depuis longtemps, Marseille s’est habituée sans réaction ou presque (il y a eu récemment l’exception de la carrière antique de La Corderie) à voir son patrimoine historique disparaître ou être endommagé. Là, nous avons l’excès inverse : des mosaïques de quelques centimètres carrés défigureraient-elles un immeuble gigantesque ?
Je peux rassurer les copropriétaires que ces oeuvres gênent : je vois le Corbu de mes fenêtres, et je suis en mesure d’affirmer qu’elles ne sont pas visibles et que l’intégrité visuelle de leur bien est préservée…
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Les murs sont sacrés, dit l’artiste d’art comptant pour rien, mais ils sont la propriété de propriétaires représentés par le Syndic et le Conseil Syndical qui payent assez cher pour en être.
Pourquoi ne discuterait-il pas avec le C.S. ou le Syndic pour placer ses motifs-tags-papiers collés-plutôt que d’opérer en clandé?
L’art se doit d’être approprié par ceux qui habitent, payent et participent à la vie de la société. Enfin, quand je dis l’Art…C’est relatif quand je vois les tags de certain.e.s dans les quartiers ”populaires”. Au moins les habitants du Corbusier on droit à Invader et ses petites créatures…!
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Les ronchonchons snobinards à l’oeuvre. Je vois une “légère” contradiction entre monument classé et propriété privée ! Et enfin -on opère la nuit, masqué- en ce moment ça n’est pas très original.
L’art est libre
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« J’aime l’imaginaire que véhicule Marseille : à la fois Pagnol, la “French connection”, la mer, la porte de l’Afrique… C’est une ville riche et hétéroclite, et j’attendais la bonne occasion pour m’y immerger à nouveau”, propos de l’artiste dans le Monde. Je ne vois ce qu’on peut bousculer avec de telles banalités !
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Que les petits personnages d’ “Invader'”soient un important souci des propriétaires friqués et pisse-froid de cet immeuble me permet de mesurer la distance qui existe entre eux et moi…j’oserai dire eux et tellement d’autres.
Le street art n’est pas forcément un art apprécié par tous, mais il produit aussi de jolies choses. Et Invader est toujours élégant. et plutôt discret.
Je vais me permettre de lui signaler que chez moi, ma maison lui est ouverte, et je veux bien qu’il vienne, même en cachette coller quelques unes de ses œuvres sur mes murs…. je l’attends avec impatience.
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Et si cela prend vraiment de la valeur , je viendrai vous les décoller dans la nuit , à moins que vous ne le fassiez avant vous même. Surtout qu’il colle sur votre façade , c’est plus facile pour moi , et puis cela me gênerai de vous ficher une frayeur en pleine nuit.
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Je plaisante , mais en jetant 1 oeil sur le net , l’estimation est entre 10 000 et 65 000 euros . Vous feriez bien de le relancer.
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La communication est un art
La politesse une convention du vivre ensemble
“Serial killer” : mais de quoi ?
Toujours cet enfumage de vocabulaire qui cache une certaine vacuité
C’est pompeux et ça me saoule
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Il y a une certaine condescendance et de facilité intellectuelle dans le fait de traiter ceux qui sont mécontents de réacs.
Tout le monde ici s’est offusqué à juste titre des tags sur la fontaine Carli et la sculpture équestre attenante.
Le Corbusier est aujourd’hui une oeuvre d’art en lui-même…
C’est facile de venir avec sa supériorité culturelle, gorgé d’art contemporain, pour dire à ceux qui n’apprécient pas ou ne comprennent pas, qu’ils sont des cons
.
Et je pense qu’Invader s’en fout, puisqu’il est dans la transgression. Il joue son rôle, le syndic joue le sien. Si on laisse ça passer, ça crée un précédent. Bientôt les grafs et les tags sur le Corbusier ?
Le responsable est par contre Ora Ito, le commanditaire, qui grâce à sa puissance financière a pu acheter des parties de l’immeuble anciennement collectives (le gymnase, le solarium) et s’y comporte en pays conquis.
Le même syndic ici décrié a heureusement refusé de lui vendre le local de l’ancienne superette où il voulait faire une salle de réception branchouille pour happy few.
Le “Mamo”, structure personnelle privée financée par de grosses entreprises, n’en déplaise aux personnes autorisées s’exprimant dans l’article, ne respecte pas l’esprit du Corbusier, bien au contraire.
Les choses qui se jouent sont un peu plus complexes qu’une querelle anciens contre (faux) modernes (et vrais spéculateurs).
Je dis tout en appréciant l’oeuvre d’Invader.
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