Au club de tir à la dérive de Gignac, des montagnes de déchets stockés sans autorisation
Déjà connu de la justice pour des questions de fonctionnement hors réglementation, le club de tir de Gignac est aussi pointé du doigt pour enfouissement de déchets illégal.
Photo issu d'un document de travail de la mairie de Gignac. DR
Le Cretes. La justice connait déjà cet acronyme. Le Centre régional de tir éducatif et sportif de Gignac-la-Nerthe, fait en effet l’objet d’une enquête menée par le parquet d’Aix-en-Provence. Comme l’a révélé Marsactu la semaine dernière, la justice se penche sur son fonctionnement, qui pose d’importantes questions liées à la sécurité. Location d’armes hors des règles, formations bidons et encadrement des “séances d’initiation” qui laisse à désirer… Les dérives semblent nombreuses au sein de ce club de tir très fréquenté par les autorités locales.
Mais la sécurité n’est pas le seul sujet préoccupant. Pour les habitués du coin, difficile en effet de ne pas voir se métamorphoser, ces dernières années, le terrain occupé par le Cretes. D’énormes buttes de terre y ont poussé, accompagnées de terrassements sur plusieurs milliers de mètres carrés, au détriment de la végétation qui s’y développait auparavant. En creusant dans les immenses talus censés isoler les stands de tir, quelques ogives apparaîtront sûrement. Mais pas que. Laine de verre, carcasse de voiture, pneus, gravats, rouleaux de tapis en caoutchouc, blocs de béton… Sur le stand de tir de Gignac, situé sur les bordures de l’autoroute A55, plusieurs sortes de matériaux pouvant s’assimiler à des déchets ont été aperçus. En témoignent des photographies transmises à Marsactu.
Que font les gérants du stand de tir de Gignac, dont le site s’agrandit à vue d’œil ? Ont-ils les autorisations nécessaires pour de tels aménagements ? Non, répondent le maire de la commune et des associations environnementales, qui ont fini par alerter au plus haut niveau par crainte de voir l’endroit se transformer en site d’enfouissement de déchets illégal.
Espace vert protégé
“Un crime environnemental”. Ce lundi 28 février, lors du conseil municipal de Gignac-la-Nerthe, Christian Amiraty ne mâche pas ses mots. À l’aide d’un PowerPoint de près de 100 pages, le maire de la commune déroule dans le détail ce dossier qui le préoccupe. Il commence par le commencement : selon lui, Jean-Michel Segui, le président du club de tir, dispose d’une simple déclaration préalable pour faire des merlons de terre végétale d’une hauteur limitée (trois ou quatre mètres) et sur trois parcelles, le tout pour isoler ses pas de tirs. Or, ajoute l’édile de Gignac, l’ancien policier municipal a largement dépassé le cadre de cette autorisation.
Les merlons se sont rapidement transformés en montagne de terre d’origine inconnue.
Le maire de Gignac
“Les merlons se sont rapidement transformés en montagne de terre d’origine inconnue et fort probablement polluée, sans compter divers enfouissements qu’il faudra inventorier”, explique Christian Amiraty. Le maire ajoute qu’ils occupent aujourd’hui un espace bien plus large que ce qu’indique la déclaration préalable. Selon un ancien membre du club de tir, ces “montagnes” peuvent s’élever jusqu’à plusieurs de mètres de haut.
S’il ne dispose d’aucun permis de construire – deux refus lui ont été signifiés par arrêtés municipaux en 2019 et 2020 -, Jean-Michel Ségui a également installé dans la zone une dizaine de containers, quatre baraquements en bois et 16 bungalows. Une partie de ces aménagements débordent, au nord, sur une ancienne décharge sauvage. Ces derniers mois, le Cretes a aussi entrepris un chantier pour réaliser un parking au sud du site. En guise d’illustration, une image projetée lors du conseil municipal présente ainsi la zone :
La superposition de cette vue aérienne à celle du plan local d’urbanisme intercommunal, soulève une autre problématique : une partie des aménagements, à cheval sur la commune de Gignac et celle d’Ensuès (au sud), se situent sur un espace vert protégé. Aussi alertée, la municipalité de cette seconde commune s’est elle aussi penchée sur le sujet. Et constate des infractions au code de l’urbanisme. “Des demandes ont été faites pour réaliser un parking de 60 places mais nous avons refusé car les documents d’urbanisme ne le permettent pas”, confirme Michel Illac, le maire d’Ensuès. Pas de quoi décourager Jean-Michel Ségui, qui, malgré plusieurs requêtes de remise en état n’a pas honoré ces demandes.
Bref, les gérants de ce club de tir semblent ignorer ouvertement le code de l’urbanisme. “La partie immergée de l’iceberg”, qualifie Michel Illac. Qu’en est-il de celui de l’environnement ? Un document de travail sur lequel s’est appuyé la mairie de Gignac pour préparer sa présentation et transmis à Marsactu va plus loin : “Les buttes créées par les déchets recouverts de terre, servent en réalité à créer une zone d’enfouissement illégale par un système du mille-feuille : une couche de déchets, une couche de terre, etc…”, peut-on y lire.
Un terrain dont la pollution est ancienne ?
Contacté, Jean-Michel Ségui n’a pas souhaité s’entretenir avec Marsactu, qualifiant notre premier article de “conneries”. Mais lors du conseil municipal de Gignac, quand le sujet des merlons a été abordée, Laure Chevalier, une élue de l’opposition, a pris sa défense. “Il est humainement détruit [par les accusations, ndlr]. Peut-être jugerez-vous qu’il l’a bien mérité, pourtant, la justice, elle, n’a encore rien jugé. Il m’a montré des photos du terrain avant [son arrivée]. C’est édifiant, on voit clairement que le terrain est pollué. Il m’a aussi montré des analyses de sols. Je ne suis pas juge, mais j’aimerais que l’on garde une réserve”, justifie cette élue sans étiquette anciennement encartée au Rassemblement national.
Légitimer une pollution considérable au prétexte que ces terrains auraient déjà été dégradés n’est justifiable auprès d’aucun tribunal.
Le maire de Gignac
Pour elle, ces déchets ne seraient donc pas du fait de son actuel occupant, présent sur le site depuis 2018, mais d’une mauvaise gestion dans le passé. Le maire de Gignac ne nie pas la présence d’une ancienne décharge sauvage sur les lieux mais il différencie bien son périmètre de celui accordé au club de tir. Il poursuit : “légitimer une pollution considérable au prétexte que ces terrains auraient déjà été dégradés n’est justifiable auprès d’aucun tribunal et n’enlève rien à la gravité des faits.” Il n’est d’ailleurs pas le seul à s’insurger et à se mobiliser. Plusieurs associations environnementales ont également le dossier en main. C’est le cas de France nature environnement qui, dès novembre 2021, alertait sur le sujet dans un courrier adressé aux communes de Gignac-la-Nerthe et d’Ensuès-la-Redonne.
“Des déchets sont utilisés pour les buttes”
“Des déchets sont utilisés pour créer les buttes censées amortir le bruit et l’impact des tirs. Il y a d’importants mouvements de terre et des passages de camions remplis de déchets issus essentiellement du BTP mais pas que, précise Stéphane Coppey, responsable FNE 13. Nous ne savons pas d’où ils viennent et surtout, qui sont les producteurs.” Des accusations également portées par l’association locale StopZac. Selon l’ancien membre du club cité plus haut, des rotations hebdomadaires de camions peuvent être observées. “Au minimum dix par semaine. La pelleteuse elle, est sur place depuis trois ans“, précise-t-il. “[Jean-Michel Ségui] se fait livrer par semi-remorque des matériaux qui ne sont pas censés être destinés à devenir des remblais de stands de tir : des anciennes traverses de chemin de fer, des pneus, des vieilles palettes”, affirme une seconde source.
Le maire de Gignac et celui d’Ensuès ont saisi le procureur d’Aix-en-Provence. Mais aussi le préfet et la police nationale. Si le parquet n’a pas confirmé à Marsactu élargir son enquête au volet environnemental, les services de l’État doivent rencontrer ceux des communes concernées dans la semaine. Si des infractions sont constatées, l’État se tournera alors lui aussi vers le parquet.
Sollicitée, la préfecture tient à préciser “que dans ce dossier, il ne s’agit pas d’une ICPE [installation classée pour la protection de l’environnement] de stockage de déchets mais d’un aménagement pour stand de tir.” Les services préfectoraux ajoutent : “L’État apportera son appui au maire de Gignac-la-Nerthe, qui est l’autorité de police compétente, pour vérifier la conformité de l’aménagement.” Les collines de la Nerthe, elles, connaissent l’histoire.
Commentaires
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En voilà un beau dossier aux ramifications multiples ! quand on connaît qui fréquente ce club de tir… que du beau monde dont le métier est de faire respecter la loi… effrayant.
Ce n’est que la partie émergée (qui sort) de l’iceberg (et non pas immergée…).
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Pour paraphraser ce bon Sully avce son”« labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » nous pouvons dire que ” bordilles et taudis sont effectivement les deux mamelles de Marseille”;
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Un stand de tir près de l’autoroute ? Ça craint… ! Surtout si des quidams profitent de cette opportunité pour s’entraîner au tir à la kalachnikov.
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