Au Chapitre, le square dont il faut demander la clé

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le 19 Fév 2016
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Depuis quelques semaines, une association ouvre deux demi-journées par semaine le joli square Labadié habituellement fermé au public. Une ouverture dérogatoire encadrée par la mairie de secteur et surveillée de près par le CIQ, défenseur de la fermeture de l'espace au nom de sa préservation.

Au Chapitre, le square dont il faut demander la clé
Au Chapitre, le square dont il faut demander la clé

Au Chapitre, le square dont il faut demander la clé

Au détour d’une annonce immobilière pour un appartement bourgeois à vendre dans le quartier du Chapitre, une photo d’un square circulaire, verdoyant, accompagne celles toutes aussi vendeuses de parquets comme on en fait plus, de lustres et de moulures. Une jolie vue qui ne reflète que d’une manière très partielle la vie de cette place. Le petit parc est très beau, personne n’osera le contredire, mais ses grilles restent closes la plupart du temps. Sur demande d’une partie des habitants, emmenés par le comité d’intérêt de quartier, il a été fermé par la mairie des 1er et 7e arrondissments qui en a la responsabilité.

Jusqu’à maintenant, le square Labadié, ou square de la Rotonde, du nom d’une des rues adjacentes, n’était accessible des riverains qu’en de rares occasions : fête des voisins, festival Portes ouvertes Consolat (POC) et une heure par semaine, pour les distributions de fruits et légumes d’une AMAP qui a réussi à avoir les clés. Depuis quelques semaines, il bénéficie d’une plage d’ouverture supplémentaire, de deux demi-journées hebdomadaires dans le cadre d’un projet de jardin partagé.

Des bacs amovibles et deux demi-journées hebdomadaires

Le temps est compté : le mercredi de 14h à 18h et le dimanche de 9h à midi. Début décembre, l’association du Jardin de la Rotonde a officialisé son occupation du square par une convention avec la mairie de secteur. Un morceau de papier marque l’aboutissement d’une période de dialogue avec les services pour obtenir le droit de pouvoir y jardiner. Si les bacs, disposés aux “quatre coins” de la place ronde et construits à partir de palettes recyclées, habitent bel et bien le lieu, , les habitants jardiniers n’ont le droit de ne venir que deux fois par semaine. Le reste du temps, leurs protégés végétaux poussent seuls.

Ce mercredi, les fidèles ont bravé le froid de février pour venir aménager un des bacs avec épluchures, copeaux de bois, carton et terre. “Nous avons choisi de faire du compost en lasagnes dans des bacs amovibles”, explique Vincent Jacomond de l’association.  Dans un autre bac aménagé un peu plus tôt, quelques pousses timides, mais prometteuses, font surface. En cet après-midi d’hiver, des décorations flashy en crochet, vestiges d’un événement culturel passé, habillent les platanes nus qui nagent dans la grande surface de béton au centre de la place. Pas de bancs, une pelouse bien tondue et à 360 degrés toujours les grilles ornées de piques. Une seule des deux portes est ouverte. Des caméras de vidéo-surveillance trônent tout autour de la place.

crochet-labadie-square-platane

 

 

 

 

 

labadie-bac-compostAttention, pas question pour autant d’aller semer le vaste parterre vierge juste derrière les bacs. Sous peu, les habituelles fleurs municipales y seront plantées. Le contrat est clair : les cultures de l’association doivent être limitées aux bacs. Même fermé au public, le square est entretenu régulièrement par une société spécialisée. Ce jour-là, la pelouse est d’ailleurs fraîchement tondue.

Parmi les présents se trouve Marité Mounif, de l’association des Paniers marseillais. C’est cette dernière qui a décroché en premier les clés en 2010. “La présidente de l’époque avait demandé à la mairie centrale si nous pouvions distribuer nos légumes ici, se souvient-elle. Ensuite, il a fallu faire une convention et prendre une assurance. Plusieurs fois, les flics sont venus, surpris de voir le parc ouvert. On leur a montré les papiers. Je les ai toujours avec moi.” Depuis, des étudiants ont à leur tour installé leur AMAP et une centaine d’adhérents vient chaque semaine chercher les fruits et légumes cultivés par un agriculteur de Saint-Gilles (Gard) qui se déplace pour l’occasion.

“Le square n’est pas fermé. Il n’est pas en libre accès”

“Le square n’est pas fermé. Il n’est pas en libre accès, corrige la maire de secteur LR Sabine Bernasconi qui défend fermement le choix fait par Jean Roatta (LR aussi) son prédécesseur de 1998 à 2005. À la demande des habitants, il a été trouvé ce cadre d’équilibre.”

Pour le comité d’intérêt de quartier (CIQ) Chapitre-Réformés et sa présidente Eliane Zaraloglou, hors de question en effet d’ouvrir à plein temps : “Heureusement qu’il est fermé. On a eu de tout, du squat, de la drogue, de la prostitution. Fermer est la seule solution pour protéger un espace vert à Marseille”. Cette dernière reste vigilante sur les créneaux retenus comme sur les activités menées. “Il est évident que nous surveillons, pour faire en sorte que le jardin ne parte pas à la dérive, argumente-elle. Tout le monde voudrait qu’il soit ouvert mais personne ne veut le surveiller.”

square-abadie-cle-amapLa mairie de secteur conditionne la signature d’une convention une présence continuelle lors des heures d’ouverture. “Avoir les clés, ce n’est pas le plus dur, admet Vincent du Jardin de la Rotonde. Rien que sur les deux demi-journées, il n’est pas toujours simple de trouver des adhérents pour assurer la présence.”  Sabine Bernasconi assure que “les écoles viennent y faire du sport” et que “les centres aérés l’utilisent également”. Côté riverains et associatifs, on n’a pas vraiment mémoire de ces utilisations. “Les riverains peuvent y accéder. Une habitante du quartier y a même fêté son anniversaire, argumente la maire de secteur. Un jardin partagé en pleine terre ou un autre projet pour le square ? “Je ne donnerai pas mon accord si les habitants ne le veulent pas”, répond-elle. Le CIQ et quelques habitants ont déjà fait savoir aux initiateurs du projet qu’il ne souhaitait pas non plus que le jardin partagé prenne trop d’ampleur.

Labadié n’est pas le seul square à Marseille qui pour une raison ou pour une autre se vit derrière des grilles. Faute de moyens et en raison des craintes d’une partie des riverains, bien des espaces de ce type, placés sous la responsabilité d’une mairie de secteur, restent fermés. C’est là que peuvent intervenir, certes dans une temporalité limitée, les associations. Souvent, elles optent pour un jardin partagé. Mais le travail de la terre y est presque un prétexte pour pouvoir jouir d’un espace vert trop rare en ville. Qui sait, peut-être qu’un jour, les riverains du Chapitre, sans faire de mécontents, pourront lézarder le dimanche après-midi sur un banc de leur place.

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Commentaires

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  1. mrmiolito mrmiolito

    Ce qui est quand même étonnant quand on fait un pas en arrière, c’est qu’il y a des villes qui ne ferment PAS leurs squares et parcs et jardins, non même pas la nuit, comm Strasbourg dont je suis originaire (c’est aussi une grande ville, il y a aussi des “squatteurs” potentiels comme ceux que cite l’artice)
    mais à force de laisser un parc grand ouvert (avec du gardiennage pour les plus grands bien sûr), curieusement, il perd de son attrait… au contraire, il ne sert plus de refuge puisqu’on peut y être “dérangé tout le temps” par des passants, joggers, familles, promeneursde chiens etc.
    Et du coup je ne sache pas que les pars strasbourgeois soient hantés par des SDF, prostitué.e.s, etc…
    D’autre part le compostage collectif, tel que développé ici, serait évidemment une solution idéale pour diminuer nos tonnages d’ordures, amnder les sols des différents parcs et squares, et arrêter d’envoyer par camion et par train des déchets alimentaires (de l’eau, à 90 % donc) se faire brûler à Fos-sur-Mer…
    Sur ce sujet comme sur d’autres, Marseille pourrait faire une grande révolution copernicienne, mais c’est pas demain la veille.

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    • neomars neomars

      Des endroits comme les pelouses du prado hébergent pas mal de campeurs qui ne se sentent pas trop dérangés par les joggeurs, … pour les prostituées un abri-bus suffit, mais il est vrai que la proximité de la gare doit amplifier la pression foncière. Au parc du 26ème centenaire pendant une période, des intrusions nocturnes laissaient comme traces des poulets égorgés … Oui la question de l’espace public marseillais en appelle beaucoup d’autres, et on aimerait bien comparer un peu plus factuellement que de se laisser asséner les auto-congratulations de nos édiles, répondant “marseille bashing” et autre enfumage professionnel à tout constat objectif peu flatteur.

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  2. digitalblasphemy digitalblasphemy

    Ce jolie square …et ses voitures qui tournent autour jour et nuit dans un balais incessant, celui des clients potentiels des prostitutés du quartier…
    le square du Chapitre est une vitrine, celle du laissé faire marseillais, de l’abandon des citoyens à leur sort…
    Alors on ouvre le square quelques heures, pour que les enfants jouent avec vu sur SDF, drogués, et prostitués…

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  3. Noelle Lagrange Noelle Lagrange

    Habitante du quartier, je suis scandalisée que ce square ait été fermé et qu’on ne le rouvre que confidentiellement au bénéfice de quelque bobos qui viennent y acheter des légumes hors de prix et y déposer leurs ordures dans des bacs immondes.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Tiens, voilà déjà le “point bobo”. Décidément, il y a vraiment des bobos partout. La question de la définition de ce concept reste cependant posée ; elle avait fait l’objet d’un débat dans les commentaires de cet article : https://marsactu.fr/riverain-mourepiane-bobos-peur-devaluation-biens/

      Je propose une définition large : les bobos, ce sont “les autres”.

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  4. Trésorier Trésorier

    Il est évidemment regrettable qu’un square aie besoin d’être fermé quasi tout le temps pour être maintenu, entretenu et respecté. Sous d’autres cieux, à Strasbourg par exemple, cela ne semble pas le cas. Je préfère personnellement un parc fermé à un parc dégradé.

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