Après l’incendie mortel des Flamants, quelques relogements mais aucune solution
Après le drame des Flamants et l'évacuation d'un immeuble entier de cette cité du 14e arrondissement, l'État s'est félicité des solutions de relogement apportées. Des propositions à court terme qui ignorent les délogés sortis des radars.
Photo : Violette Artaud
“Le préfet salue la mobilisation des partenaires pour la mise à l’abri de tous les occupants évacués”. Diffusé trois jours après l’incendie qui a entrainé la mort d’au moins trois personnes aux Flamants (14e), le communiqué de la préfecture donne l’impression d’une bonne nouvelle. Selon l’État, “tous les occupants évacués” soit 118 personnes, sont sortis d’affaire. Ces personnes, indique encore le communiqué, auraient été logées dans des hôtels ou des centres d’hébergement après avoir été prises en charge dans des gymnases. La réalité est malheureusement moins rose, ou du moins, plus complexe. Le bâtiment appelé “tripode” des Flamants, dont l’immeuble A2 a pris feu le samedi 17 juillet était squatté en grande partie. Et il accueillait beaucoup plus que 118 personnes. Si certaines ont effectivement été prises en charge, il ne s’agit que d’une mise à l’abri temporaire. Sans compter les nombreux occupants éparpillés dans la ville.
Dans une lettre ouverte diffusée ce jeudi, des évacués des Flamants eux-mêmes s’étonnent et répondent au préfet. “Parmi nous, 17 personnes n’ont finalement pas bénéficié d’une « mise à l’abri rapide et adaptée », comme décrit dans votre communiqué. Et nous n’avons pas pu recontacter tous les habitants, écrivent-ils, avec l’aide de l’association des usagers de la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (SPADA). Certains avaient fui l’incendie ou, par chance, n’étaient pas présents cette nuit-là. D’autres ont eu peur. D’autres, enfin, se sont vus refuser l’entrée dans les bus transférant les évacués depuis la cité des Flamants ou bien l’entrée dans le gymnase Rose Fuveau.” Contactée, la préfecture assure à Marsactu qu'”en début de soirée, une quinzaine de personnes (femmes et enfants) qui se trouvaient aux Flamants et qui ne s’étaient pas fait connaître dans la journée au moment des orientations vers le gymnase et de la mise en place des navettes de bus ont demandé à être prises en charge a posteriori. Elles l’ont toutes été, avec des minibus qui sont venus les chercher pour les transporter vers le gymnase de la Rose Fuveau.” Trois jours après le drame, le gymnase en question fermait ses portes. Et les quelques habitants pris en charge étaient redirigés vers des hébergements provisoires.
31 places en centre d’hébergement
“Nous avons prévu 24 lits pour des hommes isolés majeurs des Flamants. 14 sont effectivement venus sur place, explique Aurélie Ruibanys, responsable du centre d’hébergement et de réinsertion sociale de Forbin. Le dernier est arrivé ce jour [mercredi] en sortie d’hospitalisation. Ils sont fatigués, tourmentés et ont par conséquent besoin de repos.” Pour ces 14 hommes d’origine nigériane, pour qui la barrière de la langue “limite le lien”, explique-t-elle, la durée du séjour sera de 15 jours. Tenue à une logique d’accueil inconditionnel, la directrice du centre de Forbin ne connait pas encore leur situation administrative. De son côté la préfecture assure que 25 personnes ont été orientées vers le CHRS Forbin.
Le but est de ramener ces familles dans le droit commun pour qu’elles puissent bénéficier d’un titre de séjour, d’aides, d’un logement…
Kader Attia, directeur du centre AMPIL
Le deuxième centre d’hébergement mobilisé pour les évacués des Flamants est celui de l’Ampil, association humanitaire d’insertion sociale par le logement. Trois hommes, trois femmes et deux enfants de moins de trois ans, dont les demandes d’asile sont en cours de traitement, y ont été reçus. Conformément à la loi, qui assure, en théorie, un hébergement aux demandeurs d’asile. “Ces familles nigérianes pourront rester entre un et six mois. Le but est de les ramener dans le droit commun pour qu’elles puissent bénéficier d’un titre de séjour, d’aides, d’un logement…, explique Kader Attia, directeur du centre. Pour le moment, elles sont dans un état psychologique très compliqué, certains ont le sentiment permanent de voir de la fumée”. Un autre son de cloche émane encore de la préfecture qui répond que 11 personnes ont été orientées vers l’Ampil.
Les responsables des deux centres d’hébergement mobilisés le savent : le temps est compté. “Dans ces cas-là, il faut agir vite si l’on veut sécuriser ces personnes, développe encore Aurélie Ruibanys, à Forbin. Sinon, ils s’en vont et on les perd.” 22 personnes ont donc été prises en charge dans des structures appropriées, ce qui n’est pas le cas de la majorité des évacués.
“Au jour le jour” à l’hôtel
Selon la préfecture, 82 autres personnes seraient donc hébergées dans des hôtels. C’est le cas par exemple des quelques locataires qui bénéficiaient encore d’un contrat de location en bonne et due forme du bailleur social 13 Habitat. Certains d’entre eux, comme ils l’ont précisé à Marsactu, sont actuellement au Campanile de Saint-Antoine (15e). “On vit au jour le jour, en attendant une proposition de relogement sans savoir où l’on va atterrir”, raconte l’une d’entre eux. Au total, douze familles, soit 35 personnes sont dans ce cas. Contacté, 13 Habitat précise qu’à ce jour, deux déménagements sont en cours et quatre dossiers ont été validés entre mercredi et jeudi. Pour l’un d’entre eux, il s’agit d’un logement qui avait déjà été accepté avant le drame.
Rien de satisfaisant pour les autres à ce stade. “On a voulu nous faire signer un papier comme quoi on a refusé un appartement qu’on a visité il y a un an, mais c’était un logement squatté !”, s’indigne un locataire. De son côté, 13 Habitat reconnait qu’une proposition de logement squatté a pu être faite et assure prévoir de nouvelles propositions. Selon plusieurs sources, le bailleur pourrait couper la pension complète pour les hébergés à l’hôtel. “Sauf que certains n’ont pas de voiture et sont bloqués à l’hôtel où ils ne peuvent pas cuisiner ni se payer un repas sur place, raconte encore un locataire. En plus, nos affaires sont dans box et on y aura accès que si on accepte une proposition. C’est une forme de prise d’otage.”
En route vers d’autres squats
Nous demandons pour combien de temps les évacués des Flamants pourrons rester dans les hébergements d’urgence ?
Extrait de la lettre ouvert des évacués
Dans leur lettre, les évacués des Flamants s’interrogent eux aussi : “Nous demandons pour combien de temps les évacués des Flamants pourrons rester dans les hébergements d’urgence/CHRS Forbin/hébergement AMPIL et ce qui se passera après ? (…) Est-il prévu de leur proposer un logement permanent, ce que nous considérons comme une mise à l’abri adaptée ?” Si elle était confirmée, cette durée constituerait un retour en arrière par rapport à la ligne du “pas de remise à la rue” qui prévaut depuis la crise du Covid-19.
Certains squatteurs ont également été emmenés à l’hôtel Kyriad de Bouc-Bel-Air, à une quinzaine de kilomètres des Flamants. D’autres encore, sont dans des hôtels du centre-ville. C’est le cas de Judith Moses, dont la demande d’asile est en cours de traitement, de son mari Gabriel et de leur bébé Greatness de huit mois. Lundi matin, la petite famille était de nouveau à la rue. “Le gérant de l’hôtel m’a demandé de partir”, s’inquiétait alors Judith, chargée d’un cabas et de son bébé en bandoulière. Il aura fallu l’intervention de l’association des usagers de la SPADA pour qu’elle puisse réintégrer l’hôtel. Sans savoir pour combien de temps. À ce propos, la préfecture n’a pas de réponse. Elle répond à Marsactu que “la durée des prises en charge est variable selon les situations observées. Chaque personne fera l’objet d’une évaluation sociale dont l’objet est de permettre une orientation vers un dispositif adapté“.
Surtout, d’autres squatteurs sont déjà sortis des radars des services publics. Croisé aux Flamants, l’un d’entre eux et sa famille ont retrouvé un appartement dans la cité des Rosiers, à la localisation et aux problématiques voisines de celle des Flamants. Moyennant quelques centaines d’euros, payés à un nouveau marchand de sommeil, ils évitent la rue. Un schéma qui se répète dans d’autres cités dégradées du quatorzième arrondissement. “Après l’incendie, je suis allé au Mail avec une famille des Flamants qui me disait que c’était encore pire là-bas. J’ai constaté de visu…”, se désole Kader Attia, qui a rencontré sur place plusieurs ex-occupants du bâtiment qui a pris feu.
“Et puis, il y a ceux qui sont à la rue”
Le Mail, les Rosiers, Corot, Kallisté… autant de cités où le squat est légion et où les trafics en tous genres gangrènent les lieux. “La présence nigériane va contre la stratégie du deal qui a besoin de stocker la marchandise dans les appartements. S’ajoute à cela des habitants, locataires, qui en ont ras-le-bol de l’abandon des pouvoirs publics. Bref, c’est la misère contre la misère”, analyse Kader Attia. En début de semaine, aux fenêtres des appartements censés être évacués des Flamants, des têtes apparaissaient encore. Comme le symbole de l’impuissance de l’État, en dépit de l’autosatisfaction.
“Et puis, il y a ceux qui se retrouvent à la rue”, conclut Alieu Jalloh, de l’association des usagers de la SPADA et en lien avec plusieurs délogés des Flamants. Ce mercredi soir, une réunion rassemblant plusieurs associations, familles de victimes et évacués des Flamants s’est tenue rue de Lyon (15e), dans les locaux de l’association pour la concertation et le développement local (Acadel). Organisée à l’initiative de Rachida Tir, la suppléante du député LREM Saïd Ahamada, elle a tourné au vinaigre, racontent à Marsactu plusieurs participants. Au total, 50 personnes sans solution de logement se sont rendues sur place, sans obtenir de nouvelles réponses. Si ce n’est la proposition d’organiser une marche blanche pour les victimes. De quoi faire enrager les familles, qui n’ont toujours pas pu voir les trois dépouilles.
Article actualisé le 23/07/21 à 11 h : ajout des réponses de la préfecture.
Commentaires
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cette misère tenace à deux pas d’un chez nous confortable. Merci de rappeler qu’elle est bien là.
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Grande opération solidarité après le drame des FLAMANTS : 130 personnes dont quelques unes hébergées provisoirement dans les hôtels, ou dans des squats mais aussi retournées à la rue..
VENDREDI 13 a été sollicité par ACTION CONTRE LA FAIM et le collectif AOUF, avec l’aide du SAMU SOCIAL pour fournir les denrées alimentaires pour les préparations de repas au public sinistré..
Pendant minimum 1 mois, tous les soirs, du lundi au samedi, 2 de nos véhicules et les bénévoles de V13 et d’autres associations partenaires seront présents sur la place de La Joliette de 19h30 à 20h30 pour la distribution. Un grand merci à la BANQUE ALIMENTAIRE, à ANDES, à BANLIEUE SANTE pour leur aide généreuse, et à la Mairie et la Préfecture pour leur soutien.
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