Après l’incendie meurtrier des Lauriers, les habitants soudés face au choc

Reportage
le 16 Juin 2020
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Au lendemain de l'incendie qui a fait deux morts dans un immeuble aux Lauriers (13e), les habitants sont sous le choc. Certains sont retournés devant l'immeuble lundi matin en quête de réconfort, inquiets du quotidien qui les attend dans les prochains jours.

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Devant l'immeuble des Lauriers, au lendemain d'un incendie qui a fait deux morts, des habitants attendent de pouvoir entrer récupérer des affaires le lundi 15 juin. Photo : Marie Allenou

Devant l'immeuble des Lauriers, au lendemain d'un incendie qui a fait deux morts, des habitants attendent de pouvoir entrer récupérer des affaires le lundi 15 juin. Photo : Marie Allenou

Devant l’entrée de leur immeuble, gardée par deux policiers et barrée d’une rubalise, quelques habitants prennent leur mal en patience. Ils espèrent pouvoir récupérer leurs affaires ou obtenir quelques informations, après l’incendie qui a coûté la vie à deux de leurs voisines dimanche soir. À l’intérieur, la police scientifique s’active pour déterminer les causes de l’accident. Une agent ne tarde pas à sortir de l’immeuble, un sac transparent à la main, plein de bocaux en verre remplis de cendres, étiquetés par étages.

26 familles ont été relogées en urgence dans leur famille ou à l’hôtel, dans la soirée. Leur nuit a été courte, partagée entre le choc et l’incertitude. Ce lundi matin, quelques habitants se retrouvent devant l’immeuble, soutenus par des médiateurs sociaux. La députée LREM Alexandra Louis est aussi présente. Un représentant du bailleur Habitat Marseille Provence, propriétaire de l’immeuble, est passé en début de matinée. Une membre de la maison Bernadette, centre confessionnel situé à l’arrière de l’immeuble, apporte café et réconfort aux habitants.

Une soirée d’horreur

Parfois mutiques, parfois loquaces, les locataires se remémorent leur soirée difficile. “J’ai été alertée par la fumée et les cris. Mais j’ai mis du temps à sortir, j’ai eu peur, c’est la police qui est venue nous chercher”, témoigne à demi-mot Saïda, qui habite au 1er étage avec son mari et ses trois fils. Les habitants des premiers étages racontent la même scène confuse, entre les cris des enfants dehors, la fumée, les sirènes, la foule et la présence en nombre de la police et des pompiers.

“C’était l’horreur”, raconte Issam Aissaoui, habitant du douzième étage. Il s’est rendu compte très tardivement que l’immeuble était la proie des flammes, ayant perdu le goût et l’odorat suite à un accident de la route. “C’est en entendant les craquements de la porte que j’ai découvert l’incendie. Je me suis mis au balcon, j’étais choqué”, confie-t-il en prenant le temps de peser ses mots.

Évacué par les pompiers par la nacelle et brûlé au dos, le pire restait à venir pour le locataire. À peine arrivé au sol, encore chancelant et soutenu par deux policiers, il a vu passer les brancards où reposaient les corps des deux personnes décédées dans l’incendie. “Je n’arrête pas de les revoir. C’est une dame à qui je disais bonjour tous les jours”, poursuit-il, les larmes aux yeux.

Jusqu’au dixième étage, les habitants ont pu sortir et se mettre à l’abri sur le parking devant l’immeuble. Dans les étages du dessus, les locataires se sont retrouvés bloqués, obligés d’attendre l’intervention des pompiers pour être évacués, car le feu s’est déclaré dans la cage d’escalier, au dixième étage.

Pour l’heure, on ignore les causes de l’incendie,et si les dispositifs de prévention ont fonctionné correctement. “Je vous assure que tout est aux normes”, affirme Christian Gil, directeur général du bailleur Marseille Habitat Provence (MHP), dans une brève réponse à Marsactu concernant le dispositif incendie en vigueur dans l’immeuble.

“Il y a beaucoup de solidarité”

Léone et sa voisine s’enlacent, heureuses et soulagées de se retrouver. C’est grâce à sa voisine, qui a tambouriné aux portes des étages, que Léone s’est rendue compte de  l’incendie. “Elle m’a presque défoncé la porte”, témoigne-t-elle, reconnaissante. Un psychologue du dispositif d’intervention et de soutien aux personnes affectées par des actions violentes (Dispav) les aborde pour proposer son aide. “On est tous un peu touchés… J’ai même vomi hier soir. Je n’ai pas pu manger une miette”, se livre la voisine. Mais elle se dit fière d’avoir su réagir avec sang-froid sur le moment.

Valentin Cugullier, le psychologue, pointe le bienfait des liens qui existent entre les habitants. “Ils sont tous choqués, avec des intensités différentes mais il y a beaucoup de solidarité et donc il peuvent en discuter entre eux. (…) Le fait d’en parler, ça leur permet déjà d’aller mieux”. Il a déjà distribué une vingtaine de cartes de visite depuis le matin, pour des consultations psychologiques gratuites. Alexandra Louis se félicite de l’existence de ce dispositif d’aide aux victimes, même si elle regrette l’absence de coordination dans la prise en charge et l’information des habitants. “J’espère que l’on va prendre en compte le fait que des familles ne voudront pas revenir” ajoute-t-elle.

Des habitants dans l’incertitude

Issam est catégorique : “Je ne remettrai pas les pieds ni dans l’immeuble, ni dans le quartier>. (…) Je suis choqué à vie.” Il a pu être logé chez sa mère le soir de l’accident et a pris contact avec son bailleur pour changer de logement au plus vite.

Nombre des habitants présents lundi matin devant l’immeuble s’impatientent de pouvoir entrer récupérer des affaires. “On a laissé nos papiers d’identité, notre carte bancaire, nos fiches de paies…” énumère Issam Aissaoui, très inquiet. Certains patientent depuis déjà plusieurs heures. Un habitant du treizième étage s’amuse de lui-même, en short et claquettes, les seuls vêtements qu’il a emporté : “Heureusement qu’il fait chaud !” 

“On n’a rien, que des informations au compte-goutte, pas de cellule de crise”, regrette un habitant. Impossible pour les locataires de savoir quand ils pourront retrouver leurs foyers, ce qui n’est pas sans ajouter de l’inquiétude. La plupart repartent bredouilles, sans affaires ni informations.

Actualisation mardi 16 juin à 11h : Selon La Provence, l’incendie serait d’origine électrique et aurait démarré dans un local technique du 10e étage. Les deux victimes, cherchant à fuir l’incendie par les escaliers, auraient été intoxiquées par les fumées.

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